mercredi 31 janvier 2018

Pacte Citoyen de l'Alimentation - Proposition de Jérôme Caillerez, un paysan saturnien

Chers Lecteurs,
Je cède aujourd'hui la plume  à Jérôme Caillerez, pour la présentation de son Pacte Citoyen de l'Alimentation. Jérôme est éleveur dans la somme.

Le Pacte Citoyen de l’Alimentation

Parce que l’alimentation est au cœur de nos vies de citoyens, il faut un contrat moral et social
qui engage la Nation envers ceux qui la nourrissent et inversement :


  1. Pour que partout les paysans puissent vivre dignement de leur travail 
  2. La transparence sur les marges et le prix payé au producteur tu observeras attentivement
  3. Sur le prix le plus bas tu ne focaliseras pas toujours mais sur la qualité
  4. La valeur ajoutée tu répartiras équitablement tout au long des filières
  5. Ainsi par des emplois non délocalisables tu assureras le dynamisme des territoires
  6. La traçabilité et la sécurité sanitaire de la fourche à la fourchette tu exigeras assurément.
  7. La diététique de cette première médecine tu vulgariseras
  8. Le goût de l’authentique et les saveurs de terroir tu favoriseras
  9. L’approvisionnement des cantines tu garantiras au moins pour moitié en produits locaux.
  10. Le gaspillage alimentaire tu éviteras et pour comprendre que la nourriture a une valeur :
  11. La gratuité des denrées alimentaires tu interdiras dans les étals en promotion
  12. Le surplus tu donneras aux associations caritatives
  13. Les tendances alimentaires et les rites confessionnels de chacun tu respecteras
  14. L’environnement et la biodiversité tu préserveras
  15. De tous ces beaux paysages cultivés tu t’émerveilleras
  16. Le bilan carbone de l’étable à la table tu amélioreras sans cesse vers la neutralité
  17. De la condition animale mais aussi du bien-être des éleveurs tu te soucieras
  18. Par l’aide au développement et la paix tu réduiras la faim dans le monde et les migrations
  19. A la souveraineté alimentaire de la Nation tu veilleras stratégiquement
  20. Nos traditions culinaires et notre gastronomie tu transmettras
  21. Avec tous ces bons produits issus de la terre et de la mer tu cuisineras
  22. Ainsi par le partage et la convivialité, tu perpétueras cet art de vivre à la française.
  23. Avec une alimentation saine, sûre et durable : à table, citoyens !

dimanche 28 janvier 2018

Réduire les promotions ! Est ce une bonne idée ?

Il y a quelques jours Madame Julie Ruiz, journaliste au Figaro, m'a interrogé sur la fin des super promotions, une mesure issue des états généraux de l'alimentation. Vous trouverez ici le lien vers son article en ligne. Les commentaires des lecteurs sont également très intéressants. Je vous invite à les parcourir.

Réduire les promotions : est-ce une bonne idée ? Quels vont être les effets de ces réductions ? Est-ce que les agriculteurs vont mieux gagner leur vie ? Toutes ces questions sont pertinentes, mais y répondre est une véritable gageure.

Pour répondre à ces questions, il me semble important de nous demander si finalement on pourrait faire mieux sans les promotions, mais pour tous : consommateurs, distributeurs, industriels et agriculteurs.  Il n'est pas question dans le format court d'un billet de rentrer dans les détails, c'est pourquoi je vous propose de regarder ces questions en restant partiellement en dehors de la boite et en restant sous le voile de l'ignorance, c'est-à-dire à penser en faisant abstraction de nos propres intérêts. Personnellement, en tant que consommateur, je suis satisfait d'acheter mes marques préférées en promotion plutôt que de payer le prix fort.

Aujourd'hui, de nombreuses filières agroalimentaires françaises sont dans une situation économiquement délicate. L'analyse par la valeur nous invite à nous poser deux questions importantes concernant les promotions. La première : Est ce que les promotions dissipent de la valeur ? Est ce que les promotions peuvent être considérées comme analogue pour la chaleur (la valeur) d'un logement (la filière) à une fenêtre malencontreusement laissée ouverte (la promotion) pendant la journée alors que le chauffage marche et que les résidents sont sortis. Si l'analogie était satisfaisante, nous serions tous enclins à penser qu'il faut arrêter les promotions (fermer la fenêtre). Mais, n'est-ce pas le cas ? Quels sont les effets des promotions ? Tous les effets ! 

Certes, on recommande d'aérer son logis... mais, pas tous les jours la quasi-totalité de la journée. Seulement, quelques minutes par jour! Les promotions ne sont pas nuisibles en tant que telles... mais leur permanence et leur amplitude pourraient l'être ! 

Pour s'assurer que les promotions dissipent de la valeur en dehors des filières... il faut se demander quel est l'équivalent de la chaleur qui s'échappe de la fenêtre restée ouverte. Il s'agit de denrées qui sont produites et que ne seront jamais consommées. Autrement dit, des denrées pour lesquelles la filière a payé, mais qui n'apportent pas au consommateur de bénéfice. Le gaspillage alimentaire semble le candidat parfait. Un (ou plusieurs) des acteurs a dépensé... mais personne n'en tire de bénéfice. Sauf peut-être les entreprises spécialisées dans le traitement des déchets. 

Est-ce qu'il y a un lien entre les promotions et le gaspillage alimentaire ? Certains des commentateurs disent qu'ils ne gaspillent pas. Leurs exemples sont instructifs. Comme moi, ils stockent des produits achetés en promotion pour un usage ultérieur. Mais, ils parlent essentiellement de produits qui ne sont pas périssables. Il est plus difficile de ne pas gaspiller lorsqu'il s'agit de produits périssables. Ce n'est pas impossible, mais c'est plus délicat. Cela demande une bonne planification. 

Il est donc concevable que les promotions n'engendrent pas de gaspillage pour certains produits, mais il est tout aussi concevable qu'elles produisent un gaspillage... et puis les consommateurs ne sont les seuls concernés. Le gaspillage touche aussi les distributeurs, les industriels et les producteurs, cependant pas avec la même intensité. Quoi qu'il en soit, il n'est jamais judicieux de s'interdire d'estimer les effets d'une action commerciale sur le gaspillage. 

Si les promotions avaient un impact important sur le gaspillage alimentaire, quel que soit le niveau de la filière,  il faudrait encore penser à un système qui laisse chacun des acteurs mieux sans promotion qu'avec les promotions, les consommateurs incluent. Cette politique est celle pratiquée par Walmart, le premier distributeur mondial : Everyday low price ! Si elle bénéficie à l'enseigne et à ses clients... il n'est pas certain que cette politique de prix (et de refus des promotions) soit également bénéfique aux industriels et aux producteurs. À voir ! 

Il est possible de faire une évaluation rapide (et erronée) du budget d'une filière pour savoir si l'amont trouvera possiblement son compte avec la suppression des promotions. Supposons que sur une valeur totale de 100 euros payés par le consommateur aujourd'hui, on supprime les promotions et disons que le consommateur doit dépenser 105 euros en absence de promotion. On doit alors se demander si les 5 euros de plus laissés par le consommateur dans les filières alimentaires seront suffisants pour rémunérer les agriculteurs et les industriels. Si l'on restreint la conservation de valeur imputable à la réduction des promotions à la filière du produit... cela permet d'envisager la valeur que l'on peut redistribuer. Par exemple, dans la filière laitière qu'elle est la fréquence des promotions, leur amplitude .... est-ce que la valeur estimée des gains sera suffisante pour mieux rémunérer les milliers de producteurs laitiers. À voir !


La littérature scientifique peut éclairer partiellement le lecteur sur quelques effets surprenants des promotions (et montrer la complexité du problème) ou bien encore sur d'autres facteurs à prendre en considération. Alors que l'effet des promotions sur les ventes du produit en promotion sont bien documentées et leur effet en général positif, l'effet des promotions sur les dépenses (le panier) est moins bien documenté. Cependant, les promotions semblent très souvent augmenter la valeur totale du panier. Autrement dit, en achetant moins cher quelques produits, le consommateur achète plus en volume, mais aussi en valeur. Une promotion nous donne l'impression de disposer d'un plus grand revenu que nous pouvons alors allouer à l'achat d'autres produits et elle nous met de bonne humeur. Par exemple, si nous gagnons un euro par l'intermédiaire d'une promotion, il est fréquent que l'on dépense en 5 et 10 euros de plus dans un autre rayon. Mais, cela dépend du moment du  parcours dans le magasin où l'on achète en promotion. En effet, beaucoup de consommateurs établissent une liste de produits à acheter (40 à 60 % des produits d'un panier) et fixent un budget à ne pas dépasser (avec une petite marge discrétionnaire). S'ils achètent un produit sur leur liste en promotion au début de leur parcours dans le magasin, alors qu'ils sont encore loin du budget fixé, ils auront l'impression que leur budget s'est élargi du fait de l'achat en promotion. Par contre, lorsque la promotion est en fin de parcours, lorsque le budget est presque bouclé, ils sont moins enclins à dépenser plus. (Pour être honnête, le processus est plus complexe que cela). Ce qu'il me semble intéressant de garder en tête, c'est que les promotions semblent affecter notre "budget mental" et pas uniquement nos dépenses. Nous sommes confrontés à un nouvel exemple de biais cognitif. En effet,  logiquement si l'on fixe son budget à 100 euros, et que l'on bénéficie de  plusieurs promotions, on peut acheter plus de produits pour 100 euros. Mais, certaines promotions nous donnent l'impression que l'on peut dépenser plus que les 100 euros budgétisés. 

Les biais sont fréquents. J'invite les lecteurs à découvrir le biais de la feuille de salade sur notre manière de compter les calories. 

L'allocation de ce budget "supplémentaire" dépend de la taille du budget disponible. Les personnes disposant d'un budget modeste ont tendance à acheter un produit sur leur liste, mais dans une version de meilleure qualité. Alors que les personnes disposant d'un budget plus important achètent un volume plus important d'un produit sur leur liste, surtout s'il s'agit d'un produit que l'on peut stocker. 




mardi 16 janvier 2018

Boire sans modération : un petit béret ou une 0.0 !

Après le sans-gluten, et d'autres produits « sans », le paysage alimentaire s'enrichit d'une marque de vin sans alcool (le petit béret) et Heineken lance la 0.0, une bière sans alcool (moins de 0.03 %).  Positionnée dans le champ de la convivialité (c'est toujours l'heure de partager ! Tel le slogan de la Heineken 0.0) cette bière permet de déguster une bonne bière entre amis, quelle que soit la confession des convives, ou de boire sans craindre l'accident de la route. Le plaisir de partager un bon moment ensemble sans culpabilité. 






Les amateurs de bières ou de vins resteront probablement suspicieux et craindront probablement que les qualités organoleptiques ne soient pas à la hauteur de leur palais. Testez ses nouveaux breuvages. Vous pourriez être surpris ! Et puis, si « Paris vaut bien une messe », passer un bon moment avec des amis vaut bien une petite, toute petite, entorse organoleptique. 



Pour une fois, nous pouvons dire : boire sans modération !

lundi 15 janvier 2018

L'intelligence collective - Attention à l'effet chambre d'écho !

À l'observation, on peut constater que certains ensembles humains - ou animaux -  sont en mesure de tirer un meilleur parti de leur environnement, par exemple d'être plus inventifs ou plus efficaces ou efficients lorsqu'il s'agit de prendre des décisions. 

Pour explorer les fondations de l'intelligence collective, une nouvelle approche fondée sur le Big Data est née : la physique sociale. (Social Physics) Telle est le nom que lui a donné son principal artisan, le professeur Alex 'Sandy' Pentland du MIT Media Lab. Par exemple, Sandy étudie, comme un épidémiologiste, comment les idées, bonnes ou mauvaises, circulent dans les populations. Son approche, fondée sur l'analyse des grands-ensembles de données, se démarque de celles utilisées par les autres chercheurs de l'intelligence collective, lesquels travaillent habituellement sur des petits groupes de personnes et qui ne capturent que certaines des interactions que les participants entretiennent avec leur environnement.

Les nouvelles technologies de l'information permettent aujourd'hui de suivre ce que font, lisent, expriment ou achètent des milliers de personnes qui de manière anonyme et avec leur consentement acceptent de voir leurs données enregistrées par l'équipe de Sandy. Cette méthode livre déjà ses premiers résultats. Ainsi, une équipe a cherché à mesurer la performance d'investisseurs sur un marché selon leur localisation dans les flux d'informations. Schématiquement, il existe trois types de comportements. Certains opérateurs sont isolés. Ils reçoivent peu d'information et font circuler peu d'information. D'autres reçoivent  et proposent beaucoup d'informations aux membres de leur réseau. Mais, même si celui-ci est grand (par le nombre des participants) et dense (par l'intensité des échanges) il n'est pas forcément diversifié (ouvert aux contributions des personnes qui tout en étant connectées avec ce groupe sont à l'extérieur). Entre ces deux extrêmes, on trouve des groupes de personnes qui échangent des informations de manière modérée. Ce réseau est moins dense, plus ouvert et les contributions sont plus diversifiées. 

Quelles sont les performances sur les marchés de ces différents groupes ? Elles sont substantiellement différentes. L'équipe de Sandy note une différence moyenne de 30% entre les individus du groupe le moins performant et ceux dans le groupe le plus performant. Les opérateurs isolés semblent les moins performants. Ils reçoivent insuffisamment d'information. Les opérateurs appartenant au réseau le plus dense sont également bien moins performants que ce que leur niveau d'information pourrait le laisser penser. Sandy évoque ce groupe sous le terme de chambre d'écho. Ce concept est proche de celui employé autrefois par le Premier ministre Raymond Barre qui parlait de microcosme (politique). Ces travaux récents montrent que ce qui caractérise le microcosme ce n'est pas sa taille : les chambres d'écho sont constituées par de très nombreux participants. Mais, si leurs discours sont repris massivement, ils ne sont point analysés, évalués ou critiqués suffisamment. La répétition d'une information ne change pas sa qualité. La multiplicité des sources est, dans le cas des chambres d'écho, réduite. 

Ces travaux démontrent combien les effets de groupe peuvent affecter la performance du groupe. Les théoriciens de l'information et les scientifiques nous rappellent qu'il est important pour éclairer les décisions de rechercher des informations susceptibles de réfuter nos hypothèses et de changer le cours de nos décisions. Méfiez-vous des chambres d'écho ! Il est préférable de se positionner dans le troisième groupe, nous apprennent les travaux du professeur Pentland. 


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