Il
y a quelques jours, je m'interrogeais sur l'utilisation du concept de biocénose
(un concept issu de l'écologique scientifique) et de son application à
l'agroalimentaire. Le cas de la coopérative multiparties Fith Season, une
fructueuse tentative de construire un système alimentaire régional dans une
partie du Wisconsin aux USA, illustrait la mise en oeuvre du concept. L'idée de
biocénose est intimement associée à une forme de localisme. Le territoire est à
la biocénose industrielle et commerciale, ce que le biotope est à la biocénose
biologique.
BALLE
est une organisation américaine, dont le motto est "be a localist", conceptualise le
développement économique local au service de l'homme et de la nature, toutes les
économies locales (plus vertueuses) s'intégrant dans un réseau global. Dans la
conception économique de BALLE, le réseau économique local est la clef de voûte
sans laquelle l'économie globale ne peut véritablement s'épanouir. Je vous
propose ci-dessous une traduction des principes du localisme selon BALLE.
*
*
Les
7 principes du localisme selon BALLE
1.
Pensez local d'abord : BALLE
construit des économies locales en achetant des aliments, des biens et des services
produits localement, en investissant le capital localement et
en soutenant les arts locaux et les médias locaux
indépendants. Penser d'abord local améliore la santé de l'environnement,
renforce la communauté et contribue à la démocratie fonctionnelle.
2.
Accroître l'autonomie : BALLE
travaille à augmenter l'autonomie personnelle, communautaire et régionale
en renforçant les capacités de
production pour satisfaire aux
besoins fondamentaux comme la nourriture, de l'eau et de l'énergie au plus près possible du
domicile. L'autonomie augmente la
résilience locale, économise l'énergie et contribue à une solide fondation pour
la paix dans le monde .
3.
Partager la prospérité : la répartition juste et équitable des ressources et
des profits est essentielle à la qualité de vie que nous recherchons. Les moyens
d'une juste répartition passent par un investissement dans les entreprises
locales qui adoptent un comportement équitable vis-à-vis de leurs employés et de
leurs partenaires économiques (locaux).
4.
Construire la Communauté : BALLE
construit les communautés au travers des échanges économiques locaux, en
s'établissant auprès des producteurs et des consommateurs, des investisseurs et
des entrepreneurs, des prêteurs et des emprunteurs. La vie communautaire crée un
sentiment d'identité et d'appartenance qui favorise la sécurité et le bonheur.
La collaboration, la coopération et le commerce équitable entre les communautés
permettent de créer une architecture à taille humaine pour une société mondiale
durable.
5.
Travailler avec la nature : BALLE
cherche à intégrer les activités humaines avec les systèmes naturels afin de
créer de la prospérité réelle et durable. Chaque décision que nous prenons
affecte la vitalité de notre écosystème, la santé de toutes les espèces et de la
disponibilité des ressources qui soutiennent la vie .
6.
Célébrez la diversité : BALLE
célèbre et nourrit la diversité naturelle de la famille humaine, les écosystèmes
et les économies. La diversité accroît la résilience, propulse l'innovation,
cultive la paix, et favorise la beauté et la joie.
7.
Mesurer ce qui compte : BALLE
mesure le succès par les choses qui comptent vraiment pour nous - la
connaissance , la créativité , les relations , la santé , la conscience et le
bonheur - plutôt que la croissance continue des biens matériels.
*
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Les
articulations de la théorie de BALLE doivent être explorées en profondeur pour
mieux apprécier comment la recherche d'une plus grande autonomie et une réduction du champ des choix aux opportunités locales peuvent s'intégrer
harmonieusement. Qu'il s'agisse de biocénose industrielle ou de localisme, la
réflexion porte essentiellement sur l'impact pour une économie, locale ou
globale, de la décision d'un acteur économique à limiter unilatéralement ses
degrés de liberté (ce qui consiste à s'interdire de manière crédible plusieurs
choix). La théorie des jeux souligne l'intérêt qu'il peut exister pour un acteur
économique à restreindre ses choix et celui que ce mouvement produit chez
d'autres acteurs. Par exemple, il est souvent intéressant pour des concurrents
de s'interdire de proposer leurs produits à des prix trop faibles (on parle
alors de collusion). Dans cette histoire, les entreprises sont les
bénéficiaires, mais les consommateurs sont lésés et l'économie n'est pas
efficiente (la totalité du potentiel économique n'est pas révélée). Les profits
des uns se font au détriment de la satisfaction des autres.
L'organisation
économique proposée par BALLE tente de concilier profit et consommation par
l'intermédiaire d'une non-séparation des rôles d'actionnaires, d'employés et de
consommateurs. Si les agents économiques individuels sont simultanément
propriétaires, employés et clients des entreprises qui constituent l'économie
locale, alors la recherche d'un intérêt économique unilatéral peut sembler
futile par rapport à la recherche d'une plus grande efficacité (produire les
biens utiles au bonheur des agents économiques) et d'une plus grande efficience
économique (produire en consommant le moins de ressources possibles).
Si
cette conciliation peut apparaître comme conceptuellement attrayante, on doit
cependant s'interroger sur l'existence et le rôle de l'incitation économique.
Plus généralement, à quelles incitations les individus obéissent-ils dans le
système proposé par BALLE ? Mais à l'évidence, il y a bien plus dans le système
proposé par BALLE que les incitations économiques seules ! La théorie des sentiments moraux qui, sous une expression ou sur une autre,
est l'un des piliers de la philosophie anglo-saxonne résonne dans la conception
de BALLE. Si l'on ne peut nier l'existence d'un intérêt personnel, on doit
considérer que l'homme est également motivé au bien public (celui de ses amis,
de sa famille, et du public). BALLE ancre l'idée de la recherche du bien-être
public dans la proximité (la communauté) et propose une architecture globale
s'organisant autour du concept que la multiplicité des actions visant au
bien-être public local peut produire un bien-être public global. J'avais
scénarisé, certes dans un autre domaine et il y a plusieurs années maintenant,
le concept des îlots de vertus dans
une mer de vice, BALLE, plus optimiste, prône la multiplication des îlots de
vertus et suggère que l'on ne doit pas attendre que l'ensemble du système change
pour produire des changements locaux vertueux.
Comment les solutions locales se matérialisent-elles aujourd'hui en France ? Je trouve l'initiative de Deux Gourmands très intéressante.
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