Dans le domaine de la santé par l'alimentation, cela fait plus de 50 ans que l'on connait les difficultés à faire adopter un comportement plus sain. Cette difficulté n'est pas spécifique au champ de l'alimentation. On peut également penser au tabagisme, à l’alcoolisme et à d'autres addictions. Certes, il existe des différences d'ampleur entre addiction et habitude, mais le constat est souvent le même : l'information, aussi bonne soit-elle, est largement insuffisante pour faire adopter un comportement plus sain.
Les stratégies d'influence par l'information n'ont que très rarement permis d'affecter les comportements. À la fin des années 1940, Kurt Lewin a cherché comment faire adopter aux ménagères Américaines un comportement alimentaire plus sain. Il s'agissait à l'époque de prévenir une forme de malnutrition en favorisant l'achat plus fréquent d'une viande moins onéreuse. Elles ressortaient des séances organisées par Kurt Lewin bien informées et totalement convaincues des bienfaits de cette stratégie. Cependant, seulement 3 % des participantes adoptèrent la stratégie proposée par Kurt Lewin. Celui-ci avait conclu qu'il n'existait qu'un lien très faible entre une idée stockée dans notre cerveau et sa mise en oeuvre au travers d'un comportement. Cependant, il avait observé que 10 fois plus de ménagères (soit 30 % environ) adoptaient effectivement le régime proposé si elle prenait déjà la décision d'utiliser ce régime lors des séances de formation. Kurt Lewin leur demandait de lever la main si elles envisageaient d'adopter ce régime. Elles étaient libres de l'adopter effectivement ou de ne pas l'adopter lorsqu'elles rentraient chez elles. Kurt Lewin constatait ainsi qu'une personne a d'autant plus de chance de changer leur comportement que lorsqu'elle a pris la décision de le faire. Autrement dit, le passage à l'acte par procuration favorise le passage à l'acte effectif. Il suffirait donc d'obtenir qu'une personne prenne une décision de changer de comportement pour leur donner de plus grandes chances de changer de comportement. On parle de « Freezing effect ».
Or certaines décisions sont relativement aisées à prendre. Il suffit souvent de simplement le demander. Alors, pourquoi ne pas utiliser ce levier qui peut s'avérer parfois particulièrement puissant ? Les experts en psychologie sociale ont démontré cet effet à l'aide de plusieurs expériences. On peut l'observer très régulièrement, par exemple, lorsque l'on nous demande de répondre à quelques questions on acceptera plus facilement de répondre à un questionnaire plus long quelques jours après que si le conditionnement préparatoire (accepter de répondre à un petit questionnaire) n'avait pas été déployé. Il semblerait que les chances de répondre au second questionnaire seraient encore plus grandes si l'on précisait au préalable à la personne qu'elle n’est en rien obligée de répondre à ce questionnaire si elle ne le souhaite pas ("free will").
D'après les experts en psychologie sociale, la théorie de l'engagement serait une excellente explication de cet effet. Ils ont observé que l'engagement est d'autant plus performant que l'action préparatoire
- est libre
- est publique
- est sans ambiguïté
- est irrévocable
- est répétée
- a des effets
- a un coût important
- peut être imputé à des motifs personnels.
Pour aller plus loin : consulter les travaux de Fabien Girandola
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