Ce quatrième billet sur la réputation est la suite de trois précédents publiés il y a quelques jours sur ce blog (billet 1, billet 2, billet 3).
Dans les précédents billets, je postulais que la réputation servait dans un contexte de décision de succédané à une information de meilleure qualité qui n'est malheureusement pas disponible au moment où le décideur en a besoin ou bien qui est trop chère à acquérir. Plutôt que prendre une décision en état d'ignorance, le décideur va utiliser les indices que la réputation lui apporte. Nous avions également observé que la réputation est un actif que l'on partage avec d'autres, que l'un peut emprunter, transmettre, etc. La réputation peut également conduire à des erreurs. Et douter de la réputation d'une chose peut parfois s'avérer une source de succès.
Aujourd'hui, je souhaite concentrer mes explications sur la cible de la réputation. Si la réputation possède une quelconque utilité pour celui qui va s'en servir et un bénéfice pour celui qui la possède, il convient alors de savoir qui va s'en servir, comment et dans quel but. C’est alors en connaissance de cause que celui à qui elle est attachée pourra la moduler à son avantage. Comme dans le cas du précédent billet je vais me reposer sur quelques exemples pour illustrer ma thèse.
Exemple 1. Une jeune pousse a conçu des logiciels pour des professionnels de la santé. De l'avis de très nombreux clients potentiels, que les gérants de cette entreprise ont rencontrés, ce logiciel est « de loin le meilleur produit du marché » et il est également « très abordable par rapport aux produits concurrents. » Cependant, cette entreprise n'arrive pas à vendre une seule unité de ce merveilleux produit. Pourquoi donc ? Pour répondre à cette question, il convient de se demander qu'elles sont les questions auxquelles un client pourrait en ce qui concerne l'achat d'un logiciel à usage professionnel se poser ! Est-ce que l'entreprise répond bien à toutes ces questions dont, par ailleurs, certaines ne sont jamais posées ouvertement ? Les clients sont en permanence à la recherche d'indices qui viendraient satisfaire leur besoin d'information. La réputation si elle apporte une réponse satisfaisante à une question que le client se pose jouera pleinement son rôle. Si la réputation est bonne, mais qu'elle n'apporte pas une réponse à la question que le client se pose, alors elle est superflue ! Avoir engagé des dépenses pour créer une réputation inutile constitue une perte en argent, comme en temps. Ces dépenses soulignent le manque de professionnalisme des dirigeants de l'entreprise.
Le principe implicitement exposé ci-dessus connu sous le vocable du principe de l'auditoire cible. À savoir, répondre aux questions que les cibles les plus importantes pour l'entreprise se posent. Il convient également de parler un langage que ces cibles sont en mesure de bien comprendre.
Exemple 2. Lorsque la maison de couture Versace accepte de proposer une collection pour les magasins H&M prend-elle un risque de ternir sa réputation auprès de ses habituels clients ? Quelles questions les clients de la marque se posent-ils vis-à-vis de la marque lorsqu'ils prennent connaissance de cette initiative ? Ils connaissent bien la qualité des produits des collections traditionnelles de la marque qu'ils apprécient au travers de leur expérience de consommation. La réputation n’est pas, en ce qui les concerne, utile puisqu’ils connaissent d’expérience la marque. Versace pour H&M propose des produits de qualité moindre de celle des produits qu'ils achètent et ne sont pas directement concernés par ces produits-là. Des études ont montré que les consommateurs habituels des marques de luxe ne sont pas affectés par de telles initiatives.
Cependant, ce type d'initiatives affectera certains prospects de la marque. En effet, les prétendants à l'acquisition des produits griffés, qui cherchent par l'acquisition d'une marque de luxe à montrer leur réussite sociale, seront contrariés par cette initiative. En effet, les néophytes auprès desquels ils souhaitent briller pourraient penser qu'il s'agit d'un produit de la gamme Versace pour H&M. Finalement, cette initiative sera plébiscitée par des consommateurs qui n'ont pas les moyens et qui trouveront dans la collection Versace pour H&M le moyen d'accéder à un design typique de la marque à un cout très abordable. Seule une des trois cibles, à savoir les personnes qui achètent les produits de la marque comme emblème de leur prétendue condition sociale supérieure sera affectée. La marque devra si elle le souhaite répondre à leur questionnement. Les autres cibles, à savoir les clients habituels de la marque et les personnes qui n'ont pas les moyens pour accéder aux produits de haute couture ou au prêt-à-porter de luxe, ne sont pas sensibles à l'idée de risque de dégradation de l’image de qualité des produits de luxe de la marque. Les premiers parce qu'ils disposent une appréciation directe de la qualité des produits qui découle de leur usage. Les seconds parce qu'ils ne sont pas concernés par les produits de luxe.
De cette histoire nous tirons la conclusion que toutes les cibles d'une marque ne sont pas concernées de la même manière par une initiative de la marque de proposer une extension de gamme. Il conviendra d'apporter une réponse uniquement aux cibles qui se posent des questions. Mais dans le cas qui vient d'être présenté, la maison de couture pourrait tirer un bénéfice de cette initiative en se séparant des clients qui n'achètent pas ses produits pour de bonnes raisons. Car les clients font aussi la réputation d’une marque !
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