Le monde change, les technologies le transforment. Des positions, autrefois bien établies, sont susceptibles demain de vaciller. Les startups participent de ce phénomène. Le secteur agricole n'est pas épargné. C'est plus particulièrement le cas des relations privilégiées que les agriculteurs entretenaient avec la division approvisionnement de leur coopérative. Celle-ci représente d'ailleurs souvent un élément essentiel de l'équilibre économique d'une coopérative. Ses conseillers recommandaient aux adhérents des solutions à leurs problématiques et ceux-ci s'y approvisionnaient en semences, engrais, produits phytosanitaires, etc. Donnant-donnant !
Cette relation est aujourd'hui challengée. Lors d’une discussion récente sur les transformations en mouvement dans le secteur agricole, une de mes connaissances évoquait la montée en puissance dans les services d’acteurs déjà présents de longue date dans l’écosystème de l’exploitation. Il a mentionné le semencier DEKALB. Cette entreprise se propose d'apporter à ses clients agriculteurs des conseils personnalisés dans le choix de leurs semences, par exemple de maïs, une spécialité de la maison avec le colza! Il est vrai que leur offre est large -- j'ai dénombré 45 possibilités d'achat de maïs grain dans leur catalogue.- pour satisfaire à des conditions pédo-climatiques variées. Les entreprises comme DEKALB nourrissent leur expertise de milliers de données de terrain qu'elles accumulent auprès de leurs clients et des techniques analytiques modernes. Elles permettent d'interpréter les données afin ensuite de mieux accompagner tous leurs clients quelque soit leur localisation géographique par une prescription adaptée. DEKALB avec DK PREVI accompagne ainsi ses clients tout au long du cycle de production : sélection de la variété, moment idéal pour semer, l'irrigation et le moment optimum de la récolte.
Les coopératives sont à la peine lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre les techniques du BigData et, sauf à s'associer entre elles, elles ne disposeront probablement pas du volume et surtout de la variété de données suffisant pour assurer la même qualité de conseil que celle d'un grand producteur de semence international. La proximité géographique, par une connaissance supérieure du terrain, était souvent perçue comme une source d'avantage concurrentiel. Mais le BigData déplace aujourd'hui les lignes. Les coopératives réalisent souvent des essais de terrain avant de proposer les semences des obtenteurs à leurs adhérents. Ces essais sont réalisés dans le périmètre de la coopérative, dans son terroir pédoclimatique. Mais ce concept a-t-il encore une valeur, si l'on considère les incertitudes imputables au changement climatique. Une zone large pour conduire les essais sera demain un plus. Un obtenteur comme DEKALB peut réaliser ses tests sur un espace étendu. Par exemple, son maïs fourrage DKC 3640 a été testé en Bretagne, dans le nord de la France, mais aussi en Allemagne. Il peut ainsi apprécier la réaction de son maïs lorsqu'il est soumis à des situations nombreuses et variées.
Voir la vidéo ci-dessous.
Je m'interroge sur l'intérêt, avec le changement climatique, à chercher à sélectionner la variété qui donnera en moyenne le meilleur résultat plutôt que la variété qui garantira un rendement agricole, quelles que soient les conditions météorologiques. La résilience (la fiabilité) d'une semence me semble un critère de choix de plus en plus important lorsqu'une exploitation est soumise aux incertitudes du climat.
Si les positions des coopératives sont challengées dans le domaine du conseil aux agriculteurs par les semenciers, ce n'est pas pour autant qu'elles ne pourraient pas jouer un rôle dans la distribution physique des intrants. Mais là aussi leurs positions sont attaquées par des plateformes en ligne de distributeurs. Elles se retrouvent dans la même situation que celle des libraires, petits ou grands, il y a quelques années, lorsque Amazon a fait son apparition. Les seules librairies de l'ancienne économie qui se sont développées sont celles qui ont joué le jeu du commerce en ligne. Il existe bien ça et là des petites librairies de quartier, mais pour combien de temps encore ! Ces distributeurs modernes n'ont même plus besoin d'acheter les produits qu'ils distribuent. Ils servent de vitrine et de logisticiens aux fournisseurs moyennant une commission ou le paiement d'une prestation. On parle de Market place. Le risque de mévente n'est donc pas un problème pour ses sociétés puisqu'elles ne sont pas propriétaires des produits qu'elles commercialisent. Elles peuvent ainsi proposer une offre très large de produits.
Si l'on combine les deux points de mon propos, conseils optimisés et distribution en ligne, le challenge auquel les coopératives seront confrontées est immense. Mais, comment réagir ? Voici un des sujets stratégiques que nous traitons dans les programmes de formation que l'Essec met en œuvre avec l'institut de la Coopération agricole, Coop de France et Dirca pour les dirigeants (Aristée) ou les administrateurs de coopératives agricoles (Sénèque). La prochaine session d’Aristée débutera en Janvier 2017.
Excellente période estivale.
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