Depuis
des décennies, la doctrine dans l'établissement des contrats au sein des
filières agricoles donnait une place importante au prix du marché mondial ou à
son succédané régional. Il s'agissait souvent du seul prix dont on connaissait
la valeur, tout simplement parce que celle-ci était disponible. Ainsi des
formules, plus ou moins sophistiquées selon l'emplacement que le client occupait
dans la chaîne ou sa localisation géographique, étaient établies à partir du
cours mondial pour fixer la modalité prix de l'échange entre un fournisseur et
son client.
Depuis
plusieurs années, cette approche posait aux clients comme aux fournisseurs des
problèmes en raison d'une volatilité des prix sur les marchés mondiaux qui ne
reflétaient plus les conditions auxquelles les clients comme les fournisseurs
étaient confrontées. Prenons le cas d'une chaîne de restauration rapide, comme
McDonald, qui achète du blé pour faire les petits pains ronds qui seront
utilisés dans les hamburgers. Ses clients s'attendent à trouver lors de chacune
de leurs visites un hamburger d'une qualité constante à un prix constant ! Si
McDonald achète du blé à un prix qui est déterminé par une formule adossée sur
le prix mondial du blé et que celui-ci est particulièrement volatile, alors sa
marge fera le yoyo.
Certes
une entreprise comme McDonald peut s'assurer contre les fluctuations des cours
des matières premières en ayant recours à des produits financiers d'assurance
comme un contrat à terme. Ces produits financiers sont échangés sur des places
financières, telles que le Chicago Board of Trade. Leur vertu principale est que
leur prix est corrélé avec celui de la matière première associée. Si le prix de
la matière première augmente au cours d'une période donnée, le prix du contrat à
terme équivalent évoluera de manière similaire. Si McDonald souhaite se prémunir
contre une augmentation future du prix de blé, alors il pourra acheter un
contrat à terme dont l'échéance est proche de la date de livraison fixée avec le
vendeur. Si le prix du blé augmente, le contrat prendra de la valeur. En
revendant ce contrat, au moment approprié, McDonald réalisera un bénéfice sur le
contrat dont le prix aura augmenté en parallèle avec celui du blé. Cette marge
financière, viendra combler l'augmentation du prix auquel McDonald devra payer
son blé.
Le
contrat à terme présenterait un intérêt évident si McDonald achetait son blé
auprès d'une bourse de commerce. Mais si McDonald achète son blé auprès d'une
coopérative française proche des usines qui fabriquent ses fameux petits pains
ronds, a-t-il toujours besoin d'acheter une assurance contre la fluctuation des
cours du blé à la bourse du commerce ? Cela dépend des accords que cette
entreprise va passer avec cette coopérative. Cette coopérative produit du blé
avec un coût donné et elle cherche à faire un profit suffisant pour rémunérer
les efforts des agriculteurs qui en sont membres. Ses coûts de production sont
relativement stables. Ils sont probablement bien plus stables que le prix de blé
sur le marché mondial. Supposons que McDonald et cette coopérative décident de
fixer le prix du blé qu'ils échangent entre eux sur la base des coûts de
production de la coopérative. Par exemple, en remboursant les coûts de
production et avec une prime permettant une rémunération juste de l'heure de
travail de l'agriculteur.
Ce
système fonctionne dès lors que le prix fixé permet de bien rémunérer les
producteurs agricoles et s'il est, pour McDonald, moins coûteux et moins risqué.
Si le prix est garanti pendant une période relativement longue, l'agriculteur
peut alors faire en toute sécurité certains investissements qui lui permettront
de gagner en productivité. Avec un tel dispositif, McDonald échappe à la
tyrannie des cours mondiaux et les agriculteurs aussi ! Les deux parties ont
toutes les raisons d'être satisfaites. Toutes les parties, sauf une ! Exit : Les «
financiers » qui proposaient des contrats d'assurance et ceux qui parmi eux
manipulaient les cours à leur avantage.
Cette histoire montre que lorsque la qualité des marchés devient insuffisante pour les opérateurs, les opérateurs fuient les marchés. Est ce là l'un des premiers exemples de la fin de la financiarisation des marchés?
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