Après avoir étudié les différences de perception entre les hommes et les femmes, leur possible application en Markteting et les stratégies développées par certaines marques, il est intéressant de se pencher sur le ressenti des consommateurs pour dresser plusieurs constats et élaborer des pistes de travail.
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L'étude de différentes stratégies de marques puis des interviews spontanées de consommateurs m'ont permis de faire plusieurs constats. Tout d'abord, si une marque souhaite se
lancer dans une stratégie de marketing genré, elle doit avoir une légitimité à
s’adresser à sa cible. Son offre produit doit apporter de réels bénéfices non
équivoques pour sa cible. En effet le marketing genré n’est pas simplement une
question d’emballage féminin ou masculin, mais de caractéristiques
particulières à l’un des genres. Le consommateur n’est pas dupe : s’il ne
perçoit pas ces caractéristiques il rejettera le produit.
Nous pouvons
illustrer ce risque par l’exemple du yaourt Essensis créé par Danone en 2007.
Fort du succès de la marque Actimel (plus d’un milliard d’euros de chiffre
d’affaires), produit emblématique de Danone et pionnier sur le marché de
l’alicament, le leader mondial des produits laitiers frais a souhaité se lancer
sur le marché de la « cosmétofood », tendance venue d’Asie qui allie
l’alimentation à la cosmétique. Il est en effet connu que notre alimentation a
un lien direct sur notre peau notamment. Danone lance alors Essensis, le
premier yaourt qui « nourrit la peau de l’intérieur » et cible les
femmes trentenaires. Le packaging fuchsia et argent est remarqué sur un marché
où la concurrence est extrêmement forte. Le produit est exceptionnellement bien
référencé et les ventes satisfaisantes. Cependant la marque ne réussit pas à fidéliser
ses consommatrices et voit ses ventes chuter de 60% au bout de la première
année. Fin 2007, la recette est modifiée pour répondre aux attentes des
consommatrices : le sucre est enlevé, la texture est rendue moins grasse
et plus gourmande, et de nouvelles saveurs très féminines voient le jour
(framboise-grenade, litchi-raisin blanc). Essensis met également ses composants
(bourrache, Oméga 6 et vitamine E) en avant sur le packaging et cible dès lors
les femmes ménopausées. Là encore le succès escompté ne vient pas. Un nouveau
format est alors lancé en mars 2008 : de petites bouteilles à boire,
rappelant le format d’Actimel. En septembre 2008 une étude de l’association
UFC-Que choisir vient alors porter le coup de grâce : le produit n’a aucun
effet tangible sur la peau. A cela s’ajoute un prix élevé : 2,58 euros les
4 pots alors que Danone recommande d’en consommer deux par jour pendant
plusieurs mois pour en ressentir les bienfaits. En janvier 2009, deux ans après
son lancement, Danone retire
Essensis des ventes en France, même si le groupe affirme croire encore en ce
nouveau marché. On constate par cet exemple que, malgré un concept qui en
théorie devait séduire une part importante de consommatrice, un produit ne
convaincra pas sa cible si les promesses énoncées ne sont pas tenues. Le
produit ne répond pas aux attentes spécifiques de sa cible, qui le rejette.
Le
marketing genré, malgré une corrélation avec les nouvelles tendances de
consommation, peine à convaincre les consommateurs. Après avoir réalisé des
interviews consommateurs de manière spontanée, des pistes de réflexion
s’ouvrent. Ceux-ci retiennent en majorité les images désuètes et stéréotypées
que le marketing peut renvoyer des hommes et des femmes. Ils ne se
reconnaissent pas dans l'image que renvoient les marques, ce qui affaiblit le
marketing en général. Si certaines marques évoquées dans le précédent billet
ont bien réussi leur stratégie, proposant des produits genrés qui séduisent les
consommateurs et qui sont parvenues à les fidéliser, voyant ainsi leurs parts
de marché en progression constante, ces marques restent en proportion minime,
de nombreux échecs commerciaux étant à comptabiliser. Les marques doivent
intégrer, entre autres, deux principaux constats à leur stratégie :
premièrement, le marketing genré n’est pas qu’une question d’identité de
marque, le produit doit correspondre à sa cible en lui proposant des
caractéristiques spécifiques et innovantes ; deuxièmement, les marques
doivent s’éloigner des stéréotypes concernant les hommes et les femmes, pour se
rapprocher des véritables préoccupations et modes de consommation de leur
cible.
Les stéréotypes dans la publicité et le sexisme notamment soulèvent régulièrement des débats. En 2009 un rapport sur la publicité et l'image de la personne humaine a été rendu par l'ARPP et une commission de "Lutte contre les stéréotypes et la répartition des rôles sociaux" se tient au sein du Haut Conseil à l’Égalité entre les hommes et les femmes.
Précédent billet : Marketing Genré (4) : qu'observe-t-on sur le terrain ?
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