Depuis quelques années, les allégations « sans » font une belle concurrence aux allégations « avec » en France comme à l'étranger. Sans gluten, sans sucre ajouté, sans huile de palme, etc. Cependant, bien que les deux formes d'allégations apportent aux consommateurs des informations sur le contenu des produits, et s'il s'agit de produits carnés parfois sur celui de l'alimentation des animaux, la problématique des allégations « sans » est plus complexe que celles des allégations « avec ». Nous nous essayons dans ce billet à en tracer les contours.
- Bien informer les consommateurs. Les allégations « sans » répondent à un désir de bonne information du consommateur. C'est l'argument qui est, en général, mis en avant par les pouvoirs publics, certaines marques et certaines enseignes. Il est socialement et éthiquement désirable que les choix des consommateurs soient correctement informés. En absence d'information sur la présence ou l'absence de gluten d'un produit sans gluten, une personne souffrant d'une intolérance au gluten s'abstiendrait très probablement d'en consommer. L'allégation « sans gluten » permet l'existence d'un marché des produits sans gluten qui autrement n'existerait pas.
- L'information doit être complète et pertinente. Les opposants aux allégations « sans » sont en général en parfait accord avec l'argument de la bonne information. Ils mettent en avant, à juste titre, qu'une bonne information doit être juste, mais elle doit aussi être la plus complète possible. Souvent, aucune autre information complémentaire ne vient compléter une allégation « Sans ». Ainsi, le consommateur ne peut faire la différence entre plusieurs situations substantiellement différentes.
On notera l'exception notoire de l'allégation « sans OGM » des produits issus de l'agriculture biologique. Ces produits ne contiennent déjà pas d'OGM. Le législateur souhaite qu'à cette allégation « sans » soit ajoutée une mention du type « conformément à la législation des produits bio. » Cette mention rappelle aux consommateurs qu'un produit issu de l'agriculture biologique ne contient pas d'OGM. On ne peut induire en erreur le consommateur qui n'ayant pas connaissance de ce fait pourrait à tort considérer qu'il y a deux types de produits issus de l'agriculture biologique, ceux avec des OGM et ceux sans OGM.
Bien des controverses pourraient être évitées si le législateur, garant de la bonne information des consommateurs, demandait que la mention « sans » soit complétée d'autres informations pertinentes, c'est-à-dire d'informations utiles pour prendre une décision en totale connaissance de cause. L'objectif n'est pas la véracité de l'information en tant que telle, mais ce qu'elle permet de faire, à savoir prendre une bonne décision. Je vais préciser cet aspect-là dans les points 3 et 4. - L'information ne doit pas être trompeuse. Une information peut être juste et trompeuse à la fois. C'est pour cette raison que le législateur a souhaité que l'on mentionne qu'il n'y a pas d'OGM dans les produits issus de l'agriculture biologique. L'allégation eau minérale « sans matière grasse » serait à l'évidence juste et trompeuse. Elle est juste parce que c'est effectivement le cas. Elle est trompeuse parce qu'elle laisse penser aux consommateurs que d'autres eaux minérales pourraient contenir ou contient effectivement des matières grasses, alors que ce n'est pas le cas. L'allégation « sans l'ingrédient A » n'est trompeuse que si le produit de référence ne contient jamais l'ingrédient A. On pourrait encore la considérer comme trompeuse si le produit de référence ne contient généralement pas l'ingrédient A ou si la législation interdit déjà l'ingrédient A. Certes il y a des cas intermédiaires où des produits peuvent contenir l'ingrédient A, par exemple, de manière fortuite.
- L'information ne doit pas porter préjudice à tiers. Une allégation « sans l'ingrédient A » peut suggérer que l'ingrédient A est néfaste, par exemple pour la santé du consommateur, alors que ce n'est effectivement pas le cas. Lorsqu'il existe déjà une controverse de notoriété publique, l'allégation « sans » apporte implicitement un soutien à l'un des camps, sauf si les termes de la communication sont choisis avec soin.
Lorsque l'ingrédient n'est pas bien connu ou lorsqu'il est présenté sous une forme inconnue du public, l'allégation « sans » peut être très préjudiciable, même si l'ingrédient ne présente aucun danger. On se rappellera l'expérience portant sur l'interdiction ou non d'interdire le DHMO (le dihydrogène monoxyde ; pour en savoir plus sur le DHMO visiter le site et lire la note de bas de page de ce billet). Si l'ingrédient A présente un danger pour le consommateur, il appartient au législateur de l'interdire. Si ce n'est pas le cas, les risques de préjudice sont potentiellement considérables pour les producteurs de l'ingrédient A comme pour ceux qui utilisent cet ingrédient. Certaines affaires viennent devant la cour. Une controverse avérée modère l'importance d'un éventuel préjudice. On pourra alors invoquer le principe de précaution.
- Une bonne information, mais aussi de bonnes connaissances. On confond souvent information et connaissance. On peut être bien informé, sans pour autant savoir donner du sens à une information. La connaissance permet d'accéder au sens de l'information. Seul celui-ci permet de faire un bon usage de cette information. Au début des années 2000, mon collègue Frédéric Oble avait testé la perception des consommateurs quant à l'enrichissement de jambons secs en Oméga 3 et 6. Une grande majorité des personnes interrogées était défavorable à cet enrichissement et une minorité était en faveur de l'enrichissement. Le déterminant principal de l'attitude des consommateurs vis-à-vis de leur produit reposait leur connaissance de ces deux acides gras. Le dicton « dans le doute abstiens-toi » était appliqué à la lettre par les personnes défavorables. Sans de bonnes connaissances, beaucoup d'informations peuvent apparaître comme particulièrement effrayantes.
La fragilité des connaissances et la crédulité sont deux facteurs importants dans cette affaire. La transparence ne consiste pas à dire si une chose est saine ou si elle ne l'est pas, mais à dire avec précision pourquoi on considère qu'elle l'est ou qu'elle ne l'est pas. Pour ma part, je suis enclin à considérer qu'une bonne éducation scientifique permettrait alors aux consommateurs de tirer un meilleur parti de toutes informations qui leur seraient fournies.
- Crédibilité, légitimité et expertise. Dans cette affaire, celui qui parle en défaveur de l'ingrédient A a toujours les faveurs du public et des médias. Sa crédibilité est d'emblée assurée et cela d'autant plus qu'une emphase est donnée à l'exposition des arguments. On parlera « d'affaire », « d'omerta », et de « révélations » pour donner plus d'attrait à la chose. La personne sera considérée comme lanceur d'alerte ! La vraisemblance est alors suffisante. Le public sera enclin à demander à l'autre camp de prouver que l'ingrédient A est sain. Pour affronter avec succès la vraisemblance, on devra fournir des évidences. Dans ce que l'on pourrait appeler une guerre de l'information, le combat est bien inégal.
Cette asymétrie se double parfois d'une question de légitimité. Autrement dit et en l'occurrence, la légitimité est le droit conféré à une personne de s'exprimer sur un sujet. Il s'agit pour dénier implicitement le droit à une personne de s'exprimer sur un sujet, même s'il s'agit en la matière d'un expert, d'insinuer que ses intérêts personnels sont implicitement de soutenir l'ingrédient A. La parole de l'expert devient, par l'intermédiaire d'un conflit d'intérêts présupposé ou réel, alors illégitime. Au cours des dernières années, les procédures mêmes d'évaluation ont été mises en cause dans les médias. Sans experts légitimes et sans procédures crédibles, l'allégation « sans » a de fortes chances de devenir roi.
Je conclurai ce billet en soulignant que les allégations « sans » bien que répondant à une demande sociale indéniable ne sont pas le seul des moyens de bien y répondre. Les autres moyens, à savoir l'éducation scientifique des consommateurs en association avec l'énoncé clair par le législateur des raisons pour lesquelles un produit est autorisé ou une allégation autorisée, devraient contribuer à redonner de la sérénité aux consommateurs et lui permettre de décider en connaissance de cause. Cela permettrait également aux entreprises d'investir dans des domaines qui en valent vraiment la peine.
* *
Note : Faut-il interdire le DHMO ?
Cette molécule est impliquée dans de très nombreux phénomènes inquiétants, des pluies acides aux empoisonnements. Elle est inodore et sans saveur, deux caractéristiques qui rendent une détection particulièrement difficile... Voici en substance des données parfaitement véridiques qui ont conduit des millions de personnes à demander l'interdiction de cette molécule dans les aliments en Europe et ailleurs dans le monde. Malgré ces faits et de très nombreuses pétitions, le législateur n'a pas bougé... et pour cause le DHMO est plus familièrement connu sous la forme H2O. Il s'agit tout simplement de l'eau.
Cette molécule est impliquée dans de très nombreux phénomènes inquiétants, des pluies acides aux empoisonnements. Elle est inodore et sans saveur, deux caractéristiques qui rendent une détection particulièrement difficile... Voici en substance des données parfaitement véridiques qui ont conduit des millions de personnes à demander l'interdiction de cette molécule dans les aliments en Europe et ailleurs dans le monde. Malgré ces faits et de très nombreuses pétitions, le législateur n'a pas bougé... et pour cause le DHMO est plus familièrement connu sous la forme H2O. Il s'agit tout simplement de l'eau.
1 commentaire:
olivier
merci pour ce billet
peut etre auriez vous pu indiquer comment les consommateurs sont exposés à des messages confusants
a titre d exemple, le gluten est maintenant considere par beaucoup comme une molecule artificielle toxique, tout comme l acide palmitique est devenu une cause de cancer !!!
ceci est totalement irrationel, frole la stupidite et conduit a des comportements alimentaires a risque
oui le gluten doit etre evite par les 0,7% de malades coeliaques qui vivent en france
mais faut il laisser penser a 100 % de la population qu il faudrait arreter de consommer du pain, des pates ou bien de la biere
oui certaines huiles de palme sont produites dans des conditions ou l environnement n est pas respecte
mais faut il recommander d interdire l allaitement maternel sous pretexte qu il est une source d acide palmitique indispensable pour le developpement du nouveau ne
ou allons nous ???
tarasboulba
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