Je ne suis pas agronome ou agriculteur. Ma capacité d'appréciation est donc limitée lorsqu'il s'agit de porter un jugement sur des faits scientifiques ou énoncés comme tels. Dans mon esprit, et jusqu'à présent, les insectes s'attaquent à une culture, quelle que soit la santé des plantes. Disons que j'imaginais que les insectes avaient même tendance à se repaître sur des plantes plutôt appétissantes et donc en bonne santé, gorgées de nutriments. Certes, en arboriculture, l'effet des ravageurs sera d'autant plus important sur l'arbre que celui-ci présente des fragilités. Mais, il s'agit de l'effet. L'attaque nécessitait donc d'appliquer des traitements pour protéger les plantes des insectes ravageurs. Plusieurs stratégies sont mises à la disposition des agriculteurs pour protéger leurs cultures des insectes ravageurs comme les insecticides, les prédateurs des ravageurs ou équivalents (lutte biologique) ou bien encore des substances produisant une confusion sexuelle. Dans le domaine de la lutte contre les moustiques, susceptibles de transmettre à l'homme des maladies graves, d'autres méthodes sont employées.
Dans mon esprit, tout cela faisait sens. Mais je suis tombé, par hasard, sur une histoire différente qui me semble constituer, pour partie, un changement de paradigme. Les laboratoires Dykstra (le Dr Thomas Dykstra est entomologiste de formation avec un doctorat de l'université de Floride) mettent en avant, ce que faute d'autres supports scientifiques je qualifie d'hypothèse, l'idée selon laquelle seules les plantes en mauvaise santé sont attaquées par des insectes ravageurs. Comment peut-on savoir si une plante est en bonne santé? Une analyse de la sève ou bien une mesure du Brix des feuilles permet d'apprécier la santé d'une plante, au moins partiellement. Un réfractomètre d'une trentaine d'euros permet de mesurer le Brix des feuilles qui est, en grande partie, de l'appréciation de la teneur en sucre dans les feuilles. Le sucre est produit par la photosynthèse. La teneur en sucre permet donc d'apprécier le fonctionnement de la photosynthèse d’une plante. Un Brix est équivalent à 1 g de sucre pour 100 g de solution.
Revenons aux insectes. Le Dr Thomas Dykstra observe que les plantes dont le Brix est supérieur à 12 ne sont pas les cibles des ravageurs. Selon les familles d'insectes, les attaques vont dépendre du niveau du Brix. Les insectes de la famille des sauterelles et des criquets s'attaquent aux plantes dont le Brix se situe entre 10 et 12. Les coléoptères et les lépidoptères ne s'attaquent pas aux plantes avec des valeurs supérieures à 9 ou à 11 (selon les familles d'insectes). Les cicadelles, les thrips et les autres insectes suceurs perdent un intérêt pour les plantes dont les valeurs sont au-dessus 7-9. Et pour les pucerons et ceux de la famille des Coccidés, ils opèrent pour des valeurs encore plus faibles. Le Dr Tom Dykstra indique que les insectes sont un très bon indicateur du niveau du Brix et réciproquement.
Et alors? Il faut bien traiter! Et bien, peut-être pas! Pour protéger les plantes des insectes ravageurs, il serait suffisant de faire passer le taux de sucre au-dessus de 12 Brix. Et pour cela, il est nécessaire de se demander pourquoi il est parfois inférieur à 12. Pour le Dr Tom Dykstra, la cause principale est une forme de déficience des sols en certains minéraux. En supplémentant les sols avec différentes solutions, et par triangulation, il serait possible de déterminer lesquels des minéraux sont déficitaires. Une analyse de la sève pourrait guider les pas de ceux qui chercheraient à identifier les minéraux déficients dans le sol.
Les travaux du Dr Tom Dykstra laissent penser qu'il serait envisageable d'envisager de substituer les insecticides par une supplémentation sélective des sols. L'hypothèse du Dr Tom Dykstra n'est pas invraisemblable. De nombreux travaux montrent que les plantes développent des systèmes de défense efficaces pour parer aux attaques des insectes. Certaines protéines semblent jouer un rôle dans les mécanismes de défense. Les déficiences minérales, des sols et par effet ricochet celles des plantes, pourraient affecter la production de ces protéines, mais également la photosynthèse et donc le taux de Brix. La faiblesse en sucre de la plante n'est donc probablement la raison pour laquelle les insectes s'attaquent aux plantes, mais un des signes du dysfonctionnement d'un ou de plusieurs cycles physiologiques des plantes, celui de la production de sucres, de protéines ou bien encore d’autres types de molécules. Certaines de ces molécules semblent jouer un rôle dans la protection des plantes contre les insectes. Elles peuvent être toxiques pour les insectes ou être simplement repoussantes. La recherche sur la biochimie de la production de ces molécules dans les plantes est encore limitée. Si l’on procède par analogie et si l’on considère donc la production par les plantes de molécules agissant sur la santé humaine, comme le lycopène des tomates, l’hypothèse d’une relation entre la santé des plantes et le taux de molécules insecticides ou repoussantes pour les insectes n’est plus totalement farfelue.
Est-il moins coûteux de supplémenter un sol que d'appliquer des insecticides? À creuser!
Pour en savoir plus:
Lire aussi:
Plant Insecticidal Toxins in Ecological Networks
Sébastien Ibanez 1, Christiane Gallet 2, Laurence Després 3,*
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