jeudi 29 août 2013

PsychoFood 8 : La force (de l'autosuggestion) du BIO ?

Dans un article datant du mois de juillet 2013, Wan-chen Jenny Lee, Mitsuru Shimizu, Kevin M. Kniffin et Brian Wansink se sont interrogés sur la possibilité d'un biais d'appréciation associé avec les produits issus de l'agriculture biologique. Par exemple, sommes-nous enclins à attribuer des vertus à un produit si l'on sait que ce produit est de marque ou qu'il est labellisé ? 

L'approche expérimentale permet d'estimer si notre jugement est influencé. 115 personnes ont participé à un test au cours duquel on leur a demandé de comparer deux échantillons identiques de trois produits (un biscuit, des chips de pommes de terre et un yogourt). L'un des échantillons était labellisé BIO (organic) et l'autre standard (regular). L'influence de l'étiquette se matérialise par un jugement différent entre les deux échantillons (c'est le seul élément différent entre les deux échantillons). Ces chercheurs ont demandé aux sujets d'apprécier plusieurs dimensions :
  • Nombre de calories
  • Aspects nutritionnels - matières grasses, fibres, nutritifs (échelle avec 9 points)
  • Aspects gustatifs - appétissant, aromatisé, bon goût, goût artificiel (Échelle avec 9 points)
  • Le prix que l'on est prêt à payer pour le produit    (PPP)    

De nombreuses différences d'appréciation ont été observées. Par exemple, une différence de 30 centimes de dollar a été observée sur le PPP (1,95 contre 1,68  pour les biscuits ; 1,74 contre 1,41 pour les chips ; 1,40 contre 1,14 pour les yogourts). On observe des différences très significatives en grand nombre pour les chips.

Ce biais est connu sous le nom d'effet halo. Ici on parle d’effet halo santé. On doit ce terme au psychologue Edward Thorndike qui a observé des erreurs systématiques dans l'appréciation entre les caractéristiques observables de soldats et l'appréciation de leur caractère par deux officiers [ Il avait découvert que l'habit faisait le moine.]  Les effets halo projettent des qualités (positives ou négatives) à partir de caractéristiques directement observables. En économie, le prix est souvent considéré comme un indicateur de qualité et un vin onéreux est ainsi souvent considéré de meilleur goût. Dans la vie en société, un costume bien taillé indique les qualités de celui qui le porte. Plus récemment, des études ont montré que la beauté affecte les chances de succès. 

L'apport significatif de ce travail porte sur les interactions entre l'appréciation des sujets sur les aspects mentionnés ci-dessus et leur attitude et leur comportement  sur :
  • la lecture des informations nutritionnelles
  • l'achat régulier de produits BIO
  • Attentif aux actions favorables à l'environnement

L'effet halo est habituellement considéré comme dépendant d'un processus automatique. Une atténuation ou une amplification de l'effet de halo par une prédisposition suggère que l'effet de halo n'est pas être totalement considéré comme automatique. Les chercheurs ont trouvé que les personnes qui consomment régulièrement des produits BIO sont moins affectées par un effet halo. Le processus mental produisant l'effet halo serait donc moins automatique que ce que les psychologues pensaient puisqu'il est modéré par l'expérience.

D'autres études montrent l'effet pervers que l'effet halo peut avoir sur le comportement alimentaire. G P Faulkner, L K Pourshahidi, J M W Wallace, M A Kerr, T A McCaffrey and M B E Livingstone ont publié en mai 2013 les résultats d'une étude associant des indications concernant la qualité nutritionnelle avec des aspects habituellement associés avec le comportement alimentaire. Leurs résultats suggèrent que les restrictions que certaines personnes s'imposent pourraient s'envoler si le produit est qualifié de sain. Autrement dit, on pourrait facilement consommer plus de calories en mangeant de plus grandes quantités d'un produit allégé qu'en consommant un produit riche en colorie, mais avec modération.

Bon appétit !

Les cahiers de la série PyschoFood mettent en relation l'alimentation et la psychologie.

vendredi 23 août 2013

Vous fumez ! Mangez de l'ail !

L'article d'Annie-Rose Harrison-Dunn publié sur le site Nutraingredient.com nous rappelle combien des pratiques anciennes, comme croquer une gousse d'ail par jour, méritent d'être remises au goût du jour. Si l'on en croit la petite histoire - Henri IV, l'ail avait de nombreuses vertus. 

Annie-Rose nous indique que selon les chercheurs du CDC de la province chinoise de Jiangsu l'ail posséderait un pouvoir préventif contre le cancer du poumon. Les fumeurs, d'après cette étude, pourraient réduire leur risque de 33%. Certes ! Mais dans son article, c'est l'usage que font nos voisins de l'ail dans leur pharmacopée. En Chine, l'ail est dans l'armoire à pharmacie et l'Organisation mondiale de la Santé en préconiserait l'usage. L'ail est réputé pour ses effets cardiovasculaires et son pouvoir bactériostatique... en Allemagne, les médecins prescrivent l'ail pour lutter contre l'athérosclérose. 

Pratiquement : On recommande une demi-gousse fraîche par jour / 3 gousses par semaine...En vente libre dans les grandes et petites surfaces... et sur les marchés.
         

lundi 19 août 2013

Que mange-t-on à l'autre bout du monde ?

Que mange-t-on à l'autre bout du monde ? 

J’ai découvert il y’a peu de temps le photographe américain Peter Henzel et son beau projet « Hungry Planet », que je trouve intéressant de partager avec vous.

Ce projet solidaire a pour objectif de nous faire découvrir à travers une série de photographies les habitudes alimentaires qui existent dans les familles du monde entier.

De l’Europe à l’Afrique en passant par l’Asie, Peter Menzel a réalisé des clichés représentant des familles dans leur univers de consommation alimentaire. Pour cela,  il a rencontré une trentaine de familles de 24 pays différents, de milieux sociaux variés, à qui il a demandé de présenter la nourriture consommée par la famille par semaine, ainsi que le budget hebdomadaire consacré à cette nourriture.

En résulte une série de clichés très variés, qui nous amènent subtilement à réfléchir à nos propres habitudes alimentaires marquées par notre culture, mais aussi à notre société de consommation qui nous pousse souvent à trop consommer (pour rappel environ 20kg/habitants/an de déchets alimentaires en France).

Un beau projet dont je vous laisse découvrir quelques photos ci-dessous.

Pour information, le projet « Hungry Planet » sera présenté au Nobel Peace Center d’Oslo en septembre prochain. Toutes les photos sont disponibles dans le livre Hungry Planet : What the world eats.



Allemagne : Famille Melender (Bargteheide)
Budget alloué à une semaine de nourriture: 375.39 Euros soit $500.07
Plats favoris:pommes de terres frites avec oignons, bacon et hareng, nouilles frites avec des œufs et du fromage, pizza, pudding vanille






Etats Unis: La famille Revis (Caroline du Nord)
Budget alloué à une semaine de nourriture: $341.98
Plats favoris: spaghettis, pommes de terre, poulet au sésame



Tchad: la famille Aboubakar (Breidjing Camp) 
Budget alloué à une semaine de nourriture: 685 CFA Francs soit $1.23 
Plats favoris: la soupe avec de la viande de mouton

lundi 5 août 2013

Rumeurs...(billet initialement posté le 6 décembre 2011)

J'avais présenté ce billet en décembre 2011. Il y a quelques jours Luisa M. m'a adressé une copie d'un message qui circule sur Internet....depuis 2009. Ce message est la traduction de l'article de Didier Raoult (Voir Episode 1 - Ci-dessous). A l'évidence avec internet les rumeurs ont la vie dure !


* *


Rien de plus facile que de créer une rumeur et, aujourd'hui, de la faire circuler auprès de milliers de personnes avec internet. J'ai reçu il y a quelques jours un message m'expliquant qu'après 15 ans de matraquage et de dégâts une entreprise alimentaire avait été obligée de retirer sa publicité mensongère. Cette information m'a semblé à la fois vraisemblable (le retrait d'une publicité) et, cependant, la formulation du message m'a interpellé. Est-ce que les informations mentionnées étaient véridiques ? S'agit-il d'un canular ? Est-ce une escarmouche dans la guerre de la désinformation dont certaines marques ou industries, comme lors de la guerre du saumon d'élevage européen, peuvent être victimes ?
Ci-dessous, ma tentative pour reconstituer les faits.

Épisode 1 : Didier Raoult, un chercheur réputé membre de l'Unité de Recherche en Maladies Infectieuses et Tropicales Emergentes (CNRS-IRD UMR 6236) de la faculté de Médecine de Marseille, publie dans Nature Reviews Microbiology 7, 616 (September 2009) une note dans laquelle il s'interroge sur un lien possible entre la consommation des probiotiques (que l'on trouve dans produits frais laitiers) et l'obésité (Probiotics and obesity: a link?) Il met en avant des travaux récents sur la flore digestive des personnes obèses. Celle-ci serait moins diversifiée que celle des personnes non obèses. Il apparaît qu'elle serait également plus riche en Firmicutes et moins riche en Bacteroidetes. Il note enfin que les probiotiques sont utilisés en élevage, sous contrôle, pour faciliter la croissance des volailles, des porcs et des veaux. Il précise que des bactéries de la même famille sont également utilisées avec succès chez les enfants atteints de diarrhées, puisqu'ils reprennent plus facilement du poids.

Traduction : Le pavé dans le pot de yaourt qu'a lancé Didier Raoult, chercheur français dans la prestigieuse revue scientifique Nature de septembre 2009 a fini par être payant. Pour le patron du laboratoire de virologie de la Timone à Marseille, les yaourts et autres boissons lactées aux probiotiques que l'on nous fait avaler depuis près de 20 ans auraient une grosse part de responsabilité dans l'épidémie d'obésité qui frappe les enfants. [...] Un porc ainsi gavé de probiotiques, c'est plus de 10% de gagné sur la balance. [...] pousse donc a élevé nos enfants comme des cochons ou des poulets. [...] j'ai rencontré de nombreuses femmes potelées bien que sous-alimentées, et qui cherchaient désespérément à maigrir en se limitant à quelques yaourts par jours plus quelques babioles. Et désespérante désillusion, elles continuaient à grossir, étaient de plus en plus fatiguées et fragiles, surtout en hiver où il est indispensable de se Yanguiser, alors que les yaourts sont hyper YIN. [...]

Il y a de mon point vue une différence entre poser une question et affirmer une chose.

Épisode 2 : L'interdiction officielle (Automne 2011).
Il est ici difficile de recoller les morceaux. « C'est officiel depuis fin septembre 2011, c'est pourquoi il n'y a plus de pub à la télé », annonce le message reçu le 1er décembre 2011. Comme la question des probiotiques est sous la tutelle de la Commission Européenne il doit être suffisant pour retrouver trace de l'interdiction de consulter le site de la commission (EFSSA ou EUR-Lex). Autant dire que la recherche sur EUR-Lex (il s'agit du site du journal officiel de l'Europe) n'a pas été trop fructueuse. J'ai effectivement découvert deux règlements de la commission portant sur les probiotiques, mais ils datent du 14 et du 17 novembre 2011. Les avis scientifiques qui sont associés à ces deux règlements sont antérieurs. À supposer que l'auteur du message fasse référence aux avis scientifiques, on se rapproche de la fin [du mois] de septembre 2011 pour un des règlements. Dans ces deux règlements, la commission prononce le rejet de deux demandes d'allégation santé concernant un probiotique. Voici les conclusions des deux règlements :

1. [...] la Commission et les États membres ont reçu l’avis scientifique de l’Autorité dans lequel cette dernière a conclu que les données fournies n’avaient pas permis d’établir un lien de cause à effet entre la consommation de souches de Lactobacillus casei Shirota et l’effet allégué. Par conséquent, étant donné que l’allégation ne satisfait pas aux exigences du règlement (CE) no 1924/2006, il convient de ne pas l’autoriser.(lien)

2. [...] Dans son avis, reçu par la Commission et les États membres le 8 décembre 2010, l’Autorité a conclu, sur la base des données présentées, que les informations fournies n’étaient pas suffisantes pour établir un lien de cause à effet entre la consommation d’Actimel® et la réduction du risque de diarrhée à C. difficile par la réduction de la présence de toxines de C. difficile. Par conséquent, l’allégation ne satisfaisant pas aux exigences du règlement (CE) no 1924/2006, il convient de ne pas l’autoriser. (Lien)

Dans les deux cas, la commission a considéré que les données fournies n'avaient pas permis d'établir un lien de cause à effet dans les deux demandes concernant des allégations santé très spécifiques (Lutte contre les effets des toxines de Clostridium difficile et préservation des défenses des voies respiratoires supérieures en contribuant au soutien des fonctions immunitaires).

Traduction : [...] Finalement, les semeurs d alerte indépendants ont fini par émouvoir mes services officiels avant que le scandale n éclate au grand jour. [...] C'est ainsi qu'ils viennent de mettre la pression sur le [nom de l'entreprise], l'obligeant, selon les termes élégants des grands journaux « à revoir sa copie » [...]

Quel bel amalgame entre le rejet d'une demande d'allégation et une interdiction!

Quels sont les ingrédients indispensables à l'épanouissement d'une belle (et fausse) rumeur ?

  1. Une théorie vraisemblable... (Chacun doit être en mesure de se convaincre du bien-fondé de la rumeur)
  2. Attribuée une personne faisant autorité dans le domaine concerné... (Il faut, d'une part, un point de départ à la rumeur et, d'autre part, il convient de crédibiliser une rumeur naissante.)
  3. Impliquant une marque de grande notoriété... (On est d'autant plus sensible à une rumeur que l'on est susceptible d'être soi-même concerné ou d'avoir des amis ou parents concernés.)
  4. Un danger... (L'aversion aux risques associés à des dangers est souvent importante).
D'autres peuvent venir s'ajouter aux principaux ingrédients pour donner plus de force à la rumeur. Une décision de justice, une décision réglementaire ou un article dans la presse peuvent renforcer la crédibilité. Une star du show-business en quête d'un rôle, un homme politique en mal de reconnaissance à proximité des élections, etc. servent souvent, et parfois, en méconnaissance de cause, de caisse de résonance auprès des médias et des internautes. Et pourquoi ne pas inventer quelques victimes ? Mélangez l'ensemble et vous obtenez une belle et vraisemblable rumeur.





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