jeudi 31 mai 2012

Conférence : Les défis des chefs d'entreprise agricole demain

Le 14 juin 2012, la Société des Agriculteurs de France (SAF) organise une grande conférence sur les défis futur auxquels les chefs d'entreprise agricole seront probablement confrontés.

mercredi 30 mai 2012

Manger coûte cher - Objectivons donc les choses !

Je suis parfois admiratif des travaux des Américains. Il y a quelques jours, je présentais sur ce blog une partie de leurs recherches sur le prix des aliments. Aujourd'hui, je vous propose d'explorer une autre partie de leurs travaux : le prix d'une alimentation équilibrée.

Depuis 1994, le ministère de l'agriculture américain calcule le coût d'achat d'une alimentation équilibrée, moins après moins. Le système actuel a été mis en oeuvre en 2006-2007. Les calculs ne prennent pas en considération les repas achetés et consommés à l'extérieur du foyer. Mais quatre « plans » alimentaires sont utilisés selon le prix des aliments incorporés : formule économique, formule à faible coût, plan à coûts modérés et plan « libéral »). Les calculs sont effectués pour toutes les classes d'âge et les deux sexes. Ils prennent en considération deux types de familles : les familles de deux et les familles de quatre personnes pour différentes compositions d'âge. On retiendra que le plan à faible coût correspondrait en France à une bonne maîtrise du budget alimentaire de la famille alors que le plan « libéral » correspondrait à des dépenses sans contraintes, mais sans excès. Dans tous les cas, les formules alimentaires choisies sont équilibrées sur le plan nutritionnel et elles sont diversifiées.

Ces différentes formules sont utilisées dans plusieurs cas. La formule économique sert de base à la politique de distribution des coupons alimentaires. Les plans alimentaires faibles coûts, coûts modérés et « libéral » sont utilisés par les avocats lors d'un divorce pour fixer le montant de la pension alimentaire et plus généralement par les systèmes judiciaire et exécutif.

Au-delà des données chiffrées, ces informations permettent d'objectiver les choses. Ce n'est malheureusement pas le cas en France où l'information est souvent réduite à quelques maigres données dont le sens reste souvent caché pour l'homme de rue. Les Français alloueraient, parait-il, 14 à 15 % de leur budget à l'alimentation. So what ! (Et alors !) Ainsi aux USA, les débats sont sensiblement différents de ceux qui animent l’hexagone. On cherchera à s'assurer que tous les citoyens américains, quartier par quartier, ont bien accès à la formule alimentaire à faible coût, qu'ils connaissent la pyramide alimentaire (aujourd'hui l'assiette). Il y a certes quelques controverses aux USA autour du prix de l'alimentation. Mais elles restent confinées aux discussions privées, car elles pourraient apparaître comme politiquement incorrectes et les débatteurs seraient probablement mis à l'index. Parfois, elles font irruption dans la sphère publique, pour aussitôt disparaître. En effet, certains suggèrent que si de nombreux Américains sont obèses c'est justement parce que le prix de l'alimentation est trop faible aux USA. Une thèse qui tranche avec celle qui domine dans notre pays où l'on pense souvent que les aliments bons pour la santé sont inabordables.

Certains estiment de l'autre côté de l'Atlantique qu'il conviendrait alors de taxer lourdement tous les aliments dont le profil nutritionnel n'est pas bon et qui, d'un faible prix, sont consommés en abondance. Mais cette approche n'est pas en accord avec l'idée que d'autres Américains se font de la justice. Il conviendrait de taxer directement ceux qui sont en surcharge pondérale. En effet, pourquoi faire payer l'addition à tous ceux qui consomment ces produits avec modération ? Chacun est libre de ces choix ! Et chacun doit donc en supporter seul la responsabilité. Le concept de « déterminisme » ne me semble pas posséder la même force ici et là-bas. Le déterminisme ici est remplacé par les facteurs déterminants là-bas, facteurs qui exercent une influence statistiquement significative.

On découvrira qu'au mois d'avril 2012, un couple avec deux enfants (6-8 et 9-11 ans) devait dépenser un minimum de 820 $ (650 €) par mois pour se nourrir de manière équilibrée. Le coût du plan « libéral » était lui de 1300 $ (1040 €).

mardi 29 mai 2012

Ecoutez les poulets ! Ils vous diront comment ils vont !

Les poulets, comme une grande majorité des oiseaux, vocalisent. Les chercheurs de l'université de Géorgie aux États-Unis et de l'institut de technologie de ce même état, se fondant sur les allégations de certains éleveurs qui pensent comprendre ce que les volatiles expriment, ont cherché à « craquer le code ». L'intérêt d'une telle recherche : apprécier le degré du bien-être des animaux. Cela permettrait alors d'améliorer la productivité des exploitations en restaurant les conditions du bien-être des oiseaux.

Extraire des informations de la vocalisation des poulets dans un environnement lui-même perturbé par de nombreux bruits offre de véritables challenges techniques. A l'aide des données sonores et vidéo recueillies lors de plusieurs expériences au cours desquelles les chercheurs ont fait évoluer les conditions de l'élevage, il a été possible de corréler le discours des volailles avec le niveau de stress qu'elles subissaient alors de leur environnement.

Les chercheurs sont aujourd'hui en mesure de comprendre de manière précise ce que les volatiles pensent de leur environnement. Ces travaux permettront de réduire le coût d'exploitation en remplaçant de capteurs particulièrement onéreux, comme les capteurs d'ammoniaque, par des microphones et un système d'analyse vocale. Les données vidéo n'ont jusqu'à présent rien révélé.



samedi 26 mai 2012

Événements climatiques extrêmes - le cas du Midwest

Le rapport du Rocky Mountain Climate Organization, une association dont l'objet est la protection de la nature des régions de l'Ouest américain, sur l'évolution climatique dans le Midwest est particulièrement intéressant. Il montre l'évolution en un demi-siècle des événements climatiques extrêmes. Nous avions déjà évoqué ce sujet dans un billet précédent. Ce rapport met dans une perspective historique cette évolution dans une des régions agricoles les plus importantes des USA.

Le rapport focalise notre attention sur les pluies intenses, celles de plus de 1 pouce (soit 2,54 cm) par jour et les états de l'Illinois, de l'Indiana, de l'Iowa, du Michigan, du Minnesota, du Missouri, de l'Ohio et du Wisconsin. Les comparaisons entre périodes de 10 ans sont réalisées à partir des relevés de plus de 200 stations météorologiques de l'U.S. Historical Climatology Network.

Entre 1960 et 2010, les précipitations ont augmenté de 24 %, le nombre de jours avec des précipitations de 10 %, le volume des précipitations par jour de pluie de 12 %. Derrière ces valeurs moyennes se cache cependant une réalité plus problématique :
  • La fréquence des pluies de plus de 3 pouces par jour a augmenté de 104 %.
  • La fréquence des pluies de 2 à 3 pouces par jour a augmenté de 81 %.
  • La fréquence des pluies de 1 à 2 pouces par jour a augmenté de 34 %.
  • La fréquence des pluies de moins de 1 pouce par jour a augmenté de 8 %.
Par ailleurs, le volume des précipitations de chacune des classes a également augmenté dans des proportions similaires à celle des fréquences.

Dans le Wisconsin, un état cher à mon cœur, la fréquence des pluies de plus de 3 pouces par jour a même augmenté de 204 % (243 % en volume). Les conséquences de ces pluies intenses sont nombreuses et importantes aussi bien pour les infrastructures que pour les sols agricoles, et les personnes. Les plus intenses des pluies produisent des inondations qui affectent l'ensemble des activités et des habitants.

Ces effets sont imputables aux activités humaines d'une part parce qu'elles affectent le climat et en second lieu parce que les infrastructures exacerbent les effets de ces pluies. Par exemple, les routes ne sont pas propices à la percolation des eaux de pluie vers les nappes phréatiques. Le rapport propose quelques pistes pour modérer les effets de ces pluies.

Pour la France Météo France dispose d'un site internet spécifique pour les pluies extrêmes avec de nombreuses cartes interactives.


jeudi 24 mai 2012

Bien manger coute cher ! vraie ou fausse idée?

Dans le cahier N°4 de la Chaire Européenne Filière d'Excellence Alimentaire de l'ESSEC Perrine Nadaud s'était interrogée sur le montant du budget d'un régime alimentaire idéal (équilibré sur le plan nutritionnel, diversifié, etc.).


Ce cahier là intitulé « Une alimentation équilibrée coûte cher : Mythe ou réalité ?" est disponible gratuitement auprès de Christine Cantrel (cantrel@essec.edu) en format électronique.


Le public considère souvent que bien manger, c'est-à-dire en accord avec les recommandations nutritionnelles, est particulièrement onéreux. Les fruits et les légumes qui devraient occuper une part substantielle du régime alimentaire sont considérés comme particulièrement chers. Mais cette appréciation, largement partagée, est-elle réellement fondée ? C'est aussi la question que deux économistes du ministère de l'Agriculture des USA se sont posée. Elles ont comparé les prix des produits nutritionnellement corrects à ceux des produits moins sains. Pour former un jugement objectif, elles ont utilisé trois critères : le prix de la calorie, le prix pour 100 GR et le prix pour une portion consommable (par exemple après épluchage). Finalement, elles ont estimé le coût de la portion recommandée selon les normes nutritionnelles en vigueur aux États-Unis. Les trois premiers critères peuvent être utilisés indépendamment du régime alimentaire adopté. Le troisième donne une idée du prix pour une portion moyenne. La portion moyenne est calculée sur la base des données de la consommation réelle des Américains. La portion peut être substantiellement différente d'une personne à l'autre. Les auteurs indiquent que les produits les plus énergétiques sont souvent consommés sous la forme de grandes portions.

Leur étude présente un autre intérêt : celui de montrer qu'il existe une différence substantielle de prix au sein d'une même catégorie de classe de produits (comme la classe des produits laitiers).

Le graphique ci-dessous (extrait de leur rapport) donne une bonne idée des résultats entre les différents groupes alimentaires. Les « Moderation Foods » sont les produits régulièrement consommés, mais dont le profit nutritionnel n'est pas idéal (trop gras, trop sucré ou trop salé).

Le lecteur notera la grande différence de prix au sein d'une même famille (exprimé sous la forme de gradients de couleur dans chacune des barres).

Le prochain graphique indique quel est le coût (sur l'axe des abscisses) nécessaire pour satisfaire aux recommandations alimentaires par groupe d'aliments (par exemple, selon la pyramide alimentaire) avec des produits les moins coûteux de chacune des familles. Le prix le plus élevé dans le graphique est le prix « moyen » du marché. Plus précisément, 50 % des produits ont un prix inférieur au prix à partir de la ligne 50 et 50 % des produits ont un prix supérieur.

Cette étude montre qu'il n'est pas aisée de répondre à la question du prix d'une formule alimentaire en prenant en compte ce que les consommateurs voient du prix des produits (le prix au kilo). Elle souligne à nouveau le fait que les produits les moins chers sont en général ceux qui sont les plus denses sur le plan énergétique, mais de moindre densité nutritionnelle.

Lire cette étude au format pdf : Are Healthy Foods Really More Expansive ?

lundi 21 mai 2012

La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (5)

Quelle est la mécanique de la réputation ? Par quels dispositifs agit-elle ?
 
Ce cinquième billet sur la réputation est la suite de quatre précédents publiés il y a quelques jours sur ce blog (billet 1, billet 2, billet 3 et billet 4).
 
 
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La réputation apporte une information toujours imparfaite, souvent incomplète, parfois non pertinente, mais suffisante pour prendre la décision pour laquelle on recherche de l'information.
 
On pourra dire qu'une information est pertinente pour une décision donnée si cette information permet de se former une opinion plus précise sur la qualité de la décision. A priori le décideur ne devrait donc pas prendre en considération pour former cette décision-là une information qui n'est pas pertinente. Cependant, lorsque l'on ne dispose pas des informations nécessaires, une information, quelle qu'elle soit, même inutile, peut apparaître comme utile. Afin d'illustrer ce concept, il n'est rien de plus simple que de considérer nos jugements dans le domaine de la politique. Imaginez que l'on soumette à votre jugement une proposition de loi. Vous devez donc formez une opinion sur la qualité du texte qui est proposé. Vos critères de jugement peuvent porter sur les bénéfices pour la société, le respect de principes supérieurs, sa facilité d'exécution, etc. Supposer que l'on vous présente le texte comme émanent de la réflexion des membres d'un parti qui est en général opposé aux idées du parti auquel vous êtes affilié. Cette dernière information (l'affiliation des auteurs du texte) est-elle pertinente pour juger de la qualité du texte ? Non, elle n'est pas pertinente. Elle ne permet pas d'améliorer notre opinion sur cette proposition en particulier en regard des critères de jugement que l'on avait mis en avant. Par exemple, connaitre les auteurs de la proposition nous permet-il de juger de sa facilité d'exécution ? Non, pas plus! Mais pas moins aussi !

Pourtant nous sommes souvent influencés lorsque nous formons un jugement à propos d'une chose par un grand nombre d'informations dont certaines ne sont évidemment pas pertinentes. Il est toujours souvent difficile de s'extraire des influences qui ne sont pas pertinentes. Dans mon métier, je dois évaluer le travail des étudiants qui participent à mes cours. Le professeur appréciera la qualité du travail pour former une note. L'appréciation de l'étudiant qui résulte d'un trimestre d'échange ne devrait cependant pas être prise en considération ! Il est cependant très difficile de séparer les deux, c'est-à-dire de ne pas prendre en considération ce que l'on sait d'une personne lorsque l'on évalue un travail. Une copie peut toujours être anonymisée, mais pour une présentation orale ce n'est pas possible.

On pourra dire qu'une information est parfaite lorsqu'elle apporte une certitude quant à la valeur d'une décision sur un critère de jugement. Par exemple, si l'on considère l'acquisition d'un véhicule et que l'on évalue comme particulièrement importante, en autres critères, la consommation énergétique de ce véhicule, alors on sera attentif à toutes les données qui pourraient nous informer de la performance énergétique des modèles disponibles. Souvent, les fabricants présentent des données de consommation, en cycle urbain ou en cycle mixte... Mais dans le « cycle de notre trajet le plus fréquent » qu'elle sera la performance réelle des véhicules que nous considérons. Comment cette performance va-t-elle évoluer avec l'âge du véhicule ? Les données fournies par le constructeur sont certes précises (véridiques, certaines). Pour informer notre critère d'évaluation, ces données ne sont cependant pas parfaites. Elles doivent être, avec un degré d'incertitude, transformées pour alimenter notre critère de décision. Dans l'agroalimentaire, les conditions météorologiques affectent la bonne réalisation des décisions les plus importantes. Quelles seront les conditions au cours du prochain mois ? Personne ne peut le prédire avec certitude.

Les informations seront considérées comme incomplètes si l'on ne dispose d'aucune information sur les valeurs d'un ou de plusieurs critères de décision. Ces critères sont pertinents, mais aucune information n'est disponible. Nous serons alors au moment de prendre une décision dans un état d'ignorance vis-à-vis de ces critères. Par exemple, lors d'un voyage nous sommes parfois soucieux de pouvoir lire nos messages email. Ce besoin va conditionner le choix de notre hébergement. Cette information n'est malheureusement pas toujours disponible !

Ces précisions apportées, la réputation agira sur deux dimensions :
  • La valeur indicatrice. On recherche, dans un premier temps, une indication quant à la grandeur d'un critère utile pour prendre une décision.
  • La réduction de l'incertitude autour de la valeur indicatrice. Dans un second temps, on cherchera à confirmer cette valeur indicatrice.
Ce désir de confirmation, bien que dans la nature humaine, est, par ailleurs, considéré comme problématique. On parlera de biais de confirmation. Il s'agit d'une erreur systématique qui consiste à rechercher des informations qui confirment une intuition au détriment des informations qui pourraient infirmer cette même intuition. Le dossier est instruit uniquement à charge (ou uniquement à décharge). Faire jaillir la vérité apparaît alors périlleux !

Focalisons notre attention sur le désir de réduction de l'incertitude autour de la valeur indicatrice. Quelle confiance peut-on avoir dans cette information ? On omet souvent cette dimension lorsque l'on considère la réputation. La réputation est duale. Elle est composée d'une valeur indicatrice et d'un degré de confiance. Il y a ce que l'on nous dit d'une chose et la confiance que l'on attribue à ces propos. On prendra d'autant plus en considération une information pour former une décision que nous considérons celle-ci comme crédible.

Avec Perrine Nadaud et Francis Declerck, nous avons réalisé une série d'expériences visant à évaluer l'importance de la confiance dans l'achat d'un produit alimentaire présentant une allégation invérifiable par l'expérience. L'impossibilité de vérifier une allégation est une situation particulièrement fréquente dans le domaine alimentaire. Le consommateur n'est pas en mesure de vérifier si un produit est effectivement issu de l'agriculture biologique, si une allégation santé est effective, etc. La confiance est alors une dimension critique. Par contre, l'expérience de consommation permettra d'objectiver certaines allégations (goût, service, etc.). La confiance est alors ici secondaire, puisque le consommateur pourra, sur ces dimensions, se forger au travers d'une expérience de consommation une opinion.

Dans une expérience nous avons cherché à évaluer l'effet de la confiance sur l'intention d'achat, pour plusieurs niveaux de prix, d'un produit alléguant :

« Jus de fruits, contribue à lutter contre le vieillissement cellulaire »
On peut que constater qu'il est presque impossible de vérifier par la consommation, même répétée, cette allégation. On devra admettre également que cette allégation n'intéressera que des personnes soucieuses de réduire le poids des années.

Nous avons cherché à estimer les apports de trois indices qui se présentent sous la forme d'affirmations :
  • Contenu : « produit riche en antioxydants et polyphénols »
  • Preuve : « effet validé par 20 travaux de recherche ... »
  • Agence : « allégation certifiée par l'Agence Européenne ... »
Au cours de cette expérience, nous avons constaté qu'il existe un degré de confiance dans l'allégation spontanée. Il est en moyenne (sur plus d'une centaine de personnes interrogées) de 30 %. L'indice de Contenu fait progresser la confiance de 4-5 % en moyenne. La contribution de la Preuve est de 14-15% et celle de l'Agence de 10 % environ. Ces trois indices permettent de doubler le niveau de confiance moyen. Il passe de 34 % à 60 %.

Nous avons également constaté que la confiance affecte positivement l'intention d'achat de la manière suivante. Un point de confiance supplémentaire donne 0.6 point d'intention d'achat supplémentaire. Nous avons constaté un degré de transmission similaire de la confiance à l'intention d'achat au cours d'une autre étude portant sur les produits issus de l'agriculture biologique.

L'intention d'achat dépend également du prix. En moyenne, elle passe de 50 % à 28 % lorsque le prix passe de 1,5 €/ L à 3 €/ L. Mais en présence des trois indices (Contenu, Preuve, Agence), elle passe de 67 % à 45 % pour une même variation de prix. Nous avons estimé que pour un niveau d'intention d'achat de 50 %, l'apport en confiance de ces trois autorisait un accroissement de prix de 0.9 €/ L à partir d'un prix initial de 1,5 €/L. Autrement dit, un même niveau d'intention d'achat (ici 50 %) peut être obtenu dans les deux cas suivants :
  1. pour un prix de vente de 1,5 €/L.
  2. Pour un prix de vente de 2,4 €/L, lorsque la confiance a été au préalable doublée par l'apposition des indices de Contenu, de Preuve et d'Agence.
Le lecteur devra dans tous les cas considérer qu'une bonne réputation aura d'autant plus de valeur que celle-ci sera également jugée comme crédible.

Cette expérience nous apprend également que certains indices sont moins signifiants que d'autres indices. Par exemple, l'effet de l'indice Contenu est beaucoup plus faible que celui des deux autres indices. Les personnes interrogées méconnaissaient en majorité la relation entre la richesse en antioxydants et polyphénols du produit et le vieillissement cellulaire. Cet indice n'était pas signifiant.

J'ai observé au cours d'autres expériences d'autres aspects dont les effets sont substantiels. Voici un résumé de mes observations :
  • La pertinence : en quoi cette information (réputation) est-elle utile pour cette décision-là ?
  • La visibilité/accessibilité. L'accès une information pertinente n'est pas toujours aisée. Internet a profondément modifié ce paramètre.
  • La signification. L'information est délivrée sous une forme qui n'est pas toujours signifiante pour le décideur. Par exemple, si l'on s'adresse à un enfant, il conviendra de parler sa langue. Un jeune enfant n'aura pas de difficulté à comprendre que Prince (le biscuit) lui apportera l'énergie nécessaire pour délivrer la Princesse de son coeur. Que penser de l'information nutritionnelle ?
  • La clarté. La même recette de cuisine présentée avec une typographie de lecture facile aura plus de chances d'être considérée comme plus facile à mettre en oeuvre (un critère important pour un néophyte) que si la typographie est plus difficile à lire.
  • La crédibilité. Nous venons de consacrer l'essentiel de ce billet à cet aspect.
  • Le storytelling. La manière dont l'information sera délivrée est d'une grande importance. Mes étudiants ont testé les effets de la présentation d'un produit probiotique sur les intentions d'achat. L'effet est indéniable. Par ailleurs, une histoire est souvent plus facile à transmettre à un tiers qu'une liste d'avantages et d'inconvénients. Elle est également plus facile à mémoriser. On devra se poser la question de l'usage des images, du texte et des sons.
  • L'émotion. On ne saurait sous-estimer, dans le cas d'une décision importante pour celui ou celle qui s'apprête à la prendre, les aspects émotionnels qui sont naturellement attachés à cette décision. Certaines composantes de l'information seront très probablement perçues plus importantes que d'autres.
  • La notoriété (la familiarité). Une information répétée deviendra familière et sa crédibilité naturellement rehaussée. Il conviendra toujours de différencier une vérité réelle d'une vérité sociale. Voir dans les billets précédents la section sur les croyances concernant le prix des fruits.

* *
Dans le prochain billet, j'évoquerais le premier des huit leviers : les effets de la réputation sur les ventes d'un produit.

Les travaux de recherche mentionnés dans ce billet sont disponibles en version électroniquegratuitement auprès de l'assistante de la chaire Madame Cantrel (cantrel@essec.edu).
Il s'agit du cahier n°13 Produits de l'agriculture biologique : Quelles mentions pour garantir la confiance et du cahier n°14 Allégation santé : quelles mentions pour garantir la confiance ?

Les lecteurs intéressés par le Storytelling pourront consulter les 7 billets de ce blog sur les mythologies péri-alimentaires. Ils ont été publiés au début de l'année 2012.

dimanche 20 mai 2012

Quelles sont les raisons pour lesquelles on décide de ne pas acheter un produit alimentaire?

Je vous propose de répondre au questionnaire d’une étude sur le thème du non-achat. On s’intéresse souvent aux raisons pour lesquelles on achète un produit et rarement aux raisons pour lesquelles on n’achète pas un produit. Répondre au questionnaire ne prend que quelques minutes (5 à 8 minutes).

Par avance un grand merci pour votre aide.

Questionnaire : les raisons de ne pas acheter un produit alimentaire

Invitez vos amis et parents à y participer. A diffuser sans modération...

samedi 19 mai 2012

Alimentation: Comment (faire) adopter un comportement plus sain ? La piste de la théorie de l'engagement !


Dans le domaine de la santé par l'alimentation, cela fait plus de 50 ans que l'on connait les difficultés à faire adopter un comportement plus sain. Cette difficulté n'est pas spécifique au champ de l'alimentation. On peut également penser au tabagisme, à l’alcoolisme et à d'autres addictions. Certes, il existe des différences d'ampleur entre addiction et habitude, mais le constat est souvent le même : l'information, aussi bonne soit-elle, est largement insuffisante pour faire adopter un comportement plus sain.


Les stratégies d'influence par l'information n'ont que très rarement permis d'affecter les comportements. À la fin des années 1940, Kurt Lewin a cherché comment faire adopter aux ménagères Américaines un comportement alimentaire plus sain. Il s'agissait à l'époque de prévenir une forme de malnutrition en favorisant l'achat plus fréquent d'une viande moins onéreuse. Elles ressortaient des séances organisées par Kurt Lewin bien informées et totalement convaincues des bienfaits de cette stratégie. Cependant, seulement 3 % des participantes adoptèrent la stratégie proposée par Kurt Lewin. Celui-ci avait conclu qu'il n'existait qu'un lien très faible entre une idée stockée dans notre cerveau et sa mise en oeuvre au travers d'un comportement. Cependant, il avait observé que 10 fois plus de ménagères (soit 30 % environ) adoptaient effectivement le régime proposé si elle prenait déjà la décision d'utiliser ce régime lors des séances de formation. Kurt Lewin leur demandait de lever la main si elles envisageaient d'adopter ce régime. Elles étaient libres de l'adopter effectivement ou de ne pas l'adopter lorsqu'elles rentraient chez elles. Kurt Lewin constatait ainsi qu'une personne a d'autant plus de chance de changer leur comportement que lorsqu'elle a pris la décision de le faire. Autrement dit, le passage à l'acte par procuration favorise le passage à l'acte effectif. Il suffirait donc d'obtenir qu'une personne prenne une décision de changer de comportement pour leur donner de plus grandes chances de changer de comportement. On parle de « Freezing effect ».

Or certaines décisions sont relativement aisées à prendre. Il suffit souvent de simplement le demander. Alors, pourquoi ne pas utiliser ce levier qui peut s'avérer parfois particulièrement puissant ? Les experts en psychologie sociale ont démontré cet effet à l'aide de plusieurs expériences. On peut l'observer très régulièrement, par exemple, lorsque l'on nous demande de répondre à quelques questions on acceptera plus facilement de répondre à un questionnaire plus long quelques jours après que si le conditionnement préparatoire (accepter de répondre à un petit questionnaire) n'avait pas été déployé. Il semblerait que les chances de répondre au second questionnaire seraient encore plus grandes si l'on précisait au préalable à la personne qu'elle n’est en rien obligée de répondre à ce questionnaire si elle ne le souhaite pas ("free will").

D'après les experts en psychologie sociale, la théorie de l'engagement serait une excellente explication de cet effet. Ils ont observé que l'engagement est d'autant plus performant que l'action préparatoire
  • est libre
  • est publique
  • est sans ambiguïté
  • est irrévocable
  • est répétée
  • a des effets
  • a un coût important
  • peut être imputé à des motifs personnels.
Il sera utile si l'on souhaite faire adopter un comportement alimentaire plus vertueux au plus grand nombre d'ajuster la communication afin que celle-ci facilite le conditionnement préparatoire. Il s'agit de faire faire un premier petit pas... et les autres suivront plus facilement !

Pour aller plus loin : consulter les travaux de Fabien Girandola

mercredi 16 mai 2012

Découvrir Snackeo - le Snack intelligent!

Voici une jeune entreprise à laquelle on souhaite un bel avenir. Snackeo se propose de ré-équilibrer notre quotidien. Et si l'on décide de "snacker" alors autant le faire avec intelligence.

Leur credo :

des en-cas naturels et nourrissants à base de fruits, graines et céréales
pour des pauses saines chez vous ou au bureau.

lundi 14 mai 2012

La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (4)

Ce quatrième billet sur la réputation est la suite de trois précédents publiés il y a quelques jours sur ce blog (billet 1, billet 2, billet 3).

Dans les précédents billets, je postulais que la réputation servait dans un contexte de décision de succédané à une information de meilleure qualité qui n'est malheureusement pas disponible au moment où le décideur en a besoin ou bien qui est trop chère à acquérir. Plutôt que prendre une décision en état d'ignorance, le décideur va utiliser les indices que la réputation lui apporte. Nous avions également observé que la réputation est un actif que l'on partage avec d'autres, que l'un peut emprunter, transmettre, etc. La réputation peut également conduire à des erreurs. Et douter de la réputation d'une chose peut parfois s'avérer une source de succès.

Aujourd'hui, je souhaite concentrer mes explications sur la cible de la réputation. Si la réputation possède une quelconque utilité pour celui qui va s'en servir et un bénéfice pour celui qui la possède, il convient alors de savoir qui va s'en servir, comment et dans quel but. C’est alors en connaissance de cause que celui à qui elle est attachée pourra la moduler à son avantage. Comme dans le cas du précédent billet je vais me reposer sur quelques exemples pour illustrer ma thèse.

Exemple 1. Une jeune pousse a conçu des logiciels pour des professionnels de la santé. De l'avis de très nombreux clients potentiels, que les gérants de cette entreprise ont rencontrés, ce logiciel est « de loin le meilleur produit du marché » et il est également « très abordable par rapport aux produits concurrents. » Cependant, cette entreprise n'arrive pas à vendre une seule unité de ce merveilleux produit. Pourquoi donc ? Pour répondre à cette question, il convient de se demander qu'elles sont les questions auxquelles un client pourrait en ce qui concerne l'achat d'un logiciel à usage professionnel se poser ! Est-ce que l'entreprise répond bien à toutes ces questions dont, par ailleurs, certaines ne sont jamais posées ouvertement ? Les clients sont en permanence à la recherche d'indices qui viendraient satisfaire leur besoin d'information. La réputation si elle apporte une réponse satisfaisante à une question que le client se pose jouera pleinement son rôle. Si la réputation est bonne, mais qu'elle n'apporte pas une réponse à la question que le client se pose, alors elle est superflue ! Avoir engagé des dépenses pour créer une réputation inutile constitue une perte en argent, comme en temps. Ces dépenses soulignent le manque de professionnalisme des dirigeants de l'entreprise.

Le principe implicitement exposé ci-dessus connu sous le vocable du principe de l'auditoire cible. À savoir, répondre aux questions que les cibles les plus importantes pour l'entreprise se posent. Il convient également de parler un langage que ces cibles sont en mesure de bien comprendre.

Exemple 2. Lorsque la maison de couture Versace accepte de proposer une collection pour les magasins H&M prend-elle un risque de ternir sa réputation auprès de ses habituels clients ? Quelles questions les clients de la marque se posent-ils vis-à-vis de la marque lorsqu'ils prennent connaissance de cette initiative ? Ils connaissent bien la qualité des produits des collections traditionnelles de la marque qu'ils apprécient au travers de leur expérience de consommation. La réputation n’est pas, en ce qui les concerne, utile puisqu’ils connaissent d’expérience la marque. Versace pour H&M propose des produits de qualité moindre de celle des produits qu'ils achètent et ne sont pas directement concernés par ces produits-là. Des études ont montré que les consommateurs habituels des marques de luxe ne sont pas affectés par de telles initiatives.

Cependant, ce type d'initiatives affectera certains prospects de la marque. En effet, les prétendants à l'acquisition des produits griffés, qui cherchent par l'acquisition d'une marque de luxe à montrer leur réussite sociale, seront contrariés par cette initiative. En effet, les néophytes auprès desquels ils souhaitent briller pourraient penser qu'il s'agit d'un produit de la gamme Versace pour H&M. Finalement, cette initiative sera plébiscitée par des consommateurs qui n'ont pas les moyens et qui trouveront dans la collection Versace pour H&M le moyen d'accéder à un design typique de la marque à un cout très abordable. Seule une des trois cibles, à savoir les personnes qui achètent les produits de la marque comme emblème de leur prétendue condition sociale supérieure sera affectée. La marque devra si elle le souhaite répondre à leur questionnement. Les autres cibles, à savoir les clients habituels de la marque et les personnes qui n'ont pas les moyens pour accéder aux produits de haute couture ou au prêt-à-porter de luxe, ne sont pas sensibles à l'idée de risque de dégradation de l’image de qualité des produits de luxe de la marque. Les premiers parce qu'ils disposent une appréciation directe de la qualité des produits qui découle de leur usage. Les seconds parce qu'ils ne sont pas concernés par les produits de luxe.

De cette histoire nous tirons la conclusion que toutes les cibles d'une marque ne sont pas concernées de la même manière par une initiative de la marque de proposer une extension de gamme. Il conviendra d'apporter une réponse uniquement aux cibles qui se posent des questions. Mais dans le cas qui vient d'être présenté, la maison de couture pourrait tirer un bénéfice de cette initiative en se séparant des clients qui n'achètent pas ses produits pour de bonnes raisons. Car les clients font aussi la réputation d’une marque !

mercredi 9 mai 2012

La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (3)


Ce billet fait suite à deux premiers billets publiés il y a déjà quelques jours. Pour les lire, vous pouvez cliquer sur les liens suivants (billet 1, billet 2).

Dans les premiers billets, je présentais la réputation comme un succédané pour une information parfaite, complète et pertinente, mais une information qui n'est malheureusement pas à notre disposition pour prendre une décision ou porter un jugement au moment nécessaire.

Le billet d'aujourd'hui présente quelques moments de l'histoire au cours desquels la réputation a joué un rôle important. Chacun d'entre nous garde en tête plusieurs de ces faits historiques. Je vais donc essayer ici de vous surprendre en évoquant trois courtes histoires. J'ai sélectionné ces histoires pour ce qu'elles nous apprennent sur le concept de réputation.

Première histoire : en 2005, Barry Marshall et Robin Warren reçoivent le prix Nobel de médecine. Pourtant leurs travaux n'avaient reçu aucun intérêt de la part de la communauté médicale lors de leur publication en 1980. En effet quelle crédibilité pouvait-on accorder à l'article deux jeunes praticiens hospitaliers et qui portait sur un sujet relativement éloigné de leur champ de compétence ? Par ailleurs, dans cet article ils montraient que les ulcères gastriques étaient très probablement d'origine bactérienne. Il s'agissait d'une hypothèse qui tranchait alors avec les hypothèses communément admises dans l'étiologie des ulcères gastriques. Autant dire que leurs travaux furent reçus avec un profond dédain. Comment les travaux de deux médecins hospitaliers, dans l'occurrence des non-chercheurs, pourraient-ils donc s'avérer d'un quelconque intérêt ? Le caractère particulièrement innovant de leurs travaux les plaçait dans la catégorie Science-Fiction. Et pourtant leur article répondait à tous les critères de la plus haute qualité scientifique. Les lecteurs pouvaient s'en assurer en effectuant une lecture attentive de leur article. Petit hôpital, petite revue, etc., d'autres indices ne plaidaient pas en leur faveur.

Cette courte histoire souligne que pour former un jugement une personne repose souvent sur un stéréotype, c'est-à-dire sur une représentation que l'on se fait sur un groupe en faisant abstraction des particularités des individus dont on cherche à apprécier la qualité. Les stéréotypes souvent des emprunts sociaux. On le sait bien : « Les agriculteurs sont ... », « La grande distribution est ... », « Les enseignants sont tous ... » Cela même, si l'on n’a jamais été au contact d'un agriculteur, jamais travaillé chez un distributeur ou pour l'un de ses partenaires commerciaux, etc.

On peut tirer plusieurs conclusions de cette première histoire. La réputation est à l'évidence un actif partagé par une communauté d'entités similaires. La réputation de la communauté est extrapolée sur les entités spécifiques qui la composent, même si l'on sait que chacune des entités est singulière. Certains faits sont occultés. Ainsi, on pourrait reconnaitre une certaine forme d'éloignement des standards de leur communauté à deux médecins qui publient un article scientifique dans une revue médicale où habituellement seulement des chercheurs exposent leurs travaux. Dans cette compétition entre indices, on peut penser que seuls ceux qui confirment un présupposé sont pris en considération. Le corollaire est que la gestion de cet actif partagé incombe implicitement à tous les membres de la communauté. Le comportement de certains peut être préjudiciable à la réputation de la communauté et de chacun de ses membres.

Seconde histoire : John Akerlof a reçu le prix Nobel d'économie en 2001. Une de ses publications les plus connues est son article de 1970 intitulé « Market for lemons. » Dans cet article il modélise et explique l'intérêt de vieux dictons comme celui de Gresham (vers 1550) selon lequel « la mauvaise monnaie chasse la bonne monnaie ! » Autrefois, la valeur monétaire d'une pièce de monnaie était équivalant à sa valeur métal. Un marc de 122 g d'or avait une valeur équivalant à la valeur marchande de 122 g d'or. Une pièce était donc de la mauvaise monnaie si son poids ou son contenu était altéré par rapport à la norme en vigueur (poids, pureté minérale). Dans un marché, l'offre est souvent constituée de produits de grande qualité (les pêches ou le bon argent) et de produits de médiocre qualité (les citrons ou le mauvais argent). Il est souvent difficile pour les usagers ou les consommateurs qui ne sont pas des spécialistes de discriminer entre les bons produits et les mauvais produits. Dans ce cas là, dès lors que la proportion de produits de qualité médiocre dépasse un certain seuil, alors les usagers ou les consommateurs n'acceptent plus de prendre de risque. À savoir, de recevoir de la mauvaise monnaie qu'il ne pourrait pas éventuellement échanger contre des biens ultérieurement ou d'acheter un produit de médiocre qualité qu'un fournisseur proposerait au niveau de prix d'un produit de qualité supérieure. On est en mesure d'observer aujourd'hui ce comportement chez les commerçants qui refusent des coupures d'un montant élevé. Certaines d'entre elles sont, parait-il des contrefaçons !

Cette histoire suggère aussi quelques conclusions intéressantes. Comme dans la première histoire, on constate que la réputation est un actif partagé et qu'il affecte sans discernement et également toutes les entités dont on ne peut déterminer la qualité, quels soient des pêches ou des citrons ? Notons que, dans ces conditions, c'est l'ensemble du marché qui est touché, qu'il est en risque de ne plus fonctionner du tout.

Notons également qu'une rumeur suffit dans ces conditions pour bloquer le marché. Il suffit de faire courir de la rumeur que certaines coupures de 100 € sont des contrefaçons pour qu'un comportement de précaution s'active vis-à-vis de toutes coupures de ce montant. Il n'est pas nécessaire que cette rumeur soit véridique, il suffit qu'elle soit crédible.

Comment discerner entre les bons et les mauvais produits ? C'est le rôle central des labels de qualité et des agences de notation (lesquelles sont si souvent décriées). Le néophyte, qui ne peut lui-même faire la différence entre les bons produits et les mauvais produits, se repose sur des indicateurs de qualité, comme des labels de qualité, ou l'avis de tiers. Ceux-ci peuvent être des entreprises qui référencent le produit comme les distributeurs ou des ouvrages de référence comme des guides tels que le guide Hachette des vins. Mais que le label manque de crédibilité, que le distributeur soit négligent dans le choix des produits qu'il référence ou que l'agence de notation ou le guide propose de classement douteux, alors leur (mauvaise) réputation affecte tous les produits sous leur responsabilité.

Cette observation suggère que la réputation peut passer de l'organisme qui garantit la qualité au produit. Par ailleurs, un restaurateur qui est réputé pour la qualité de ses vins peut espéré retirer un bénéfice de cette réputation comme il peut bénéficier de la bonne réputation d'un vin en particulier. La transmission de la réputation peut donc s'effectuer dans les deux sens du vendeur vers le produit et du produit vers le vendeur.

Troisième histoire : Sam Walton avait l'habitude de dire que pour réussir dans la vie il fallait souvent « nager à contre-courant. » [>Rule 10: Swim upstream. Go the other way. Ignore the conventional wisdom. If everybody is doing it one way, there's a good chance you can find your niche by going in exactly the opposite direction.] Sam Walton est le fondateur de Walmart le premier distributeur alimentaire au monde (440 milliards de dollars de chiffre d'affaires, 2,2 millions de collaborateurs, plus de 10 000 magasins sous 65 enseignes dans 27 pays). Il faut savoir qu'au moment d'implanter son premier magasin, les responsables des enseignes concurrentes pensaient qu'il n'était pas profitable d'installer un magasin général dans une petite ville. Sam Walton découvrit que les fondations de cette règle ancienne manquaient de substance. Il décida donc d'installer un magasin dans une petite ville et celui-ci rencontra un vif succès. La petite histoire nous apprend que les responsables des enseignes concurrentes pensaient toujours qu'il n'était pas profitable d'installer un magasin dans des petites villes alors que Sam Walton ouvrit, toujours avec beaucoup de succès, son 100e magasin dans une petite ville et qu'entre eux ils prophétisaient la fin de son entreprise Walmart. Mais, c'est la réaction que les boutiquiers avaient eue des années auparavant en prédisant la mort du magasin « Le bon marché », le premier libre service et probablement l'inventeur du discount.

À mon avis, cette histoire nous apprend trois choses.
  1. La réputation porte aussi sur des principes, des règles de gestion.
  2. La réputation peut perdurer sur une longue période même si elle est erronée. Elle perdurera d'autant plus longtemps que la communauté auprès de laquelle elle exerce son influence continue à la véhiculer.
  3. On peut éventuellement tirer un bénéfice d'une réputation erronée. Il est nécessaire pour cela de s'assurer qu'une réputation est erronée et ensuite d'adopter une position contraire à celle adoptée par les croyants. Certains acheteurs recherchent les produits « décotés », mais dont la qualité n'est pas à remettre en question. Par exemple, les tablettes HP qui ont été retirées du marché sont considérées par les experts comme d'excellente qualité... mais leur prix n'est qu'une fraction de celle du fameux iPad (ce fait constitue probablement une rumeur). Vous pourrez également observer les bénéfices de ce comportement en regardant un film intitulé le stratège.
Dans ce film, un ancien joueur de baseball prometteur, mais qui n'a pas réussi sur le terrain, décide de tenter sa chance comme General Manager (DG) d'une équipe. Alors que son équipe vient de perdre ses meilleurs joueurs et que son budget est limité, il cherche des solutions innovantes pour former une grande équipe. Il va, malgré l'opposition de son équipe de recruteurs, s’intéresser à des joueurs décotés : trop vieux, blessés ou avec un comportement difficile, etc. ... Une équipe qui de l'avis unanime des commentateurs n'a aucune chance. Mais une équipe qui rivalisera finalement avec les meilleures pour le titre national.


Ces trois petites histoires montrent combien lorsque l'on est confronté à des situations d'asymétrie de l'information, la réputation est importante. Elle peut jouer dans les deux sens, en faveur ou en défaveur d'une personne ou d'un produit. Elle est assurée par plusieurs mécanismes : label, agence de notation, référencement, etc. dont la réputation devient à son tour alors particulièrement importante pour assurer la réputation des produits concernés.



Pour donner à penser à mes lecteurs, voici une petite étude de cas et un dilemme. Souvent, les professions sont régies par des ordres (l'ordre des pharmaciens, des médecins, des avocats, etc.) ou des associations professionnelles. Parfois, certains membres s'engagent dans des pratiques qui pourraient être considérées du point de vue des usagers comme problématique. Dans ce cas-là, que doivent faire les organismes ordinaux ? Faut-il punir les membres dont les pratiques pourraient être considérées comme problématique et alors jeter le discrédit sur la profession en révélant ces pratiques ? Dans ce cas, les instances ordinales conservent une bonne réputation auprès du public et des instances gouvernementales. Faut-il, au contraire, être souple avec ces comportements tant qu'ils ne sont pas ouvertement incompatibles avec les lois de la république et donc les couvrir implicitement ? Les instances ordinales risquent alors de perdre leur réputation !

samedi 5 mai 2012

La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (2)

Ce second billet fait suite à un premier billet publié il y a quelques jours sur le même sujet.

J'aime souvent faire référence à une expérience réalisée par Brian Wansink, professeur de marketing à l'Université de Cornell aux USA, pour exposer le rôle de la réputation, le contexte dans lequel elle est particulièrement utile et ses supports. L'expérience consiste à mesurer l'effet sur la satisfaction des convives d'un restaurant lorsqu'on leur offre un verre de vin en attendant de les accompagner à leur table. Avec cette expérience, le restaurateur se pose la question de savoir s'il doit proposer quel vin proposer et comment le présenter. Dans cette expérience, une seule chose va changer : la présentation du vin. Le reste, à savoir le vin, le verre, la température de service, le menu, etc., sera équivalent entre tous les convives.

À 50 % d'entre eux, le serveur présentera le vin comme venant d'un domaine Californien... et à 50 % d'entre eux, le serveur présentera le vin comme un vin du North Dakota. La première région est réputée pour ses vins, alors que la seconde région n'est pas réputée pour ses vins (à ma connaissance on ne produit pas de vin dans cet état). L'effet des variations incontrôlées sur d'autres aspects du repas qui pourrait affecter la satisfaction du consommateur sera atténué par la répétition de l'expérience et leur prise en considération lors du traitement statistique. Les variables utilisées pour appréhender la satisfaction des convives sont, par exemple la durée de la présence dans l'établissement — car on reste dans un restaurant si on y passe un bon moment -- le nombre des assiettes terminées, etc. Lorsque le vin est présenté comme un vin de Californie, les indicateurs de la satisfaction atteignent des valeurs supérieures à celles obtenues lorsque l'on indique que le vin vient du North Dakota.

Voici l'analyse que je vous propose de cette expérience. Brian Wansink utilise lui cette expérience pour souligner les effets de levier que certains aspects a priori anodins peuvent exercer sur la consommation alimentaire et la satisfaction. Il convient de se rappeler que le vin est un cadeau offert par le restaurateur à ses convives pour les faire patienter en attendant de les accompagner à leur table. Dans ce contexte, le convive peut se demander quelle valeur le restaurateur attribue à son commerce. On traite les convives de marque avec respect... et on leur offre un vin de qualité plutôt qu'un petit vin... Or lorsque l'on n'est pas en mesure d'apprécier directement la qualité d'un vin par l'expérience, c'est-à-dire en le goûtant, alors on doit se reposer pour en apprécier la valeur sur des indices. Dans ce contexte d'évaluation, le premier indice dont on peut se saisir est la région d'origine du vin. Est-elle réputée pour ses vins ? Si elle ne l'est pas, les chances pour que le vin soit de grande valeur sont réduites. Elles sont plus importantes lorsque le vin vient d'une région réputée pour la qualité de ses produits. Autant dire les vins de Californie ont une excellente réputation, ce qui n'est pas le cas pour le North Dakota qui est connu comme l'état des « high plains » et pour ses productions de grains et d'oléagineux. Pour répondre à la question « Suis-je considéré comme un hôte de marque ? », la réputation de la région d'origine offre un bon indice... et lorsqu'il n'y a qu'un seul indice disponible, alors son importance est encore plus grande.

Avant de conclure ce second carnet de la série « La réputation : huit leviers pour améliorer la compétitivité », je souhaiterais rappeler que la réputation est une représentation mentale et préciser que celles-ci sont composées d'associations stockées dans nos mémoires. Les représentations mentales peuvent être autobiographiques ou empruntées ; elles peuvent être conscientes ou inconscientes.

Elles sont autobiographiques lorsque l'on fait référence aux expériences de son passé. Elles sont empruntées lorsque l'on se repose sur des ouï-dire. Ainsi nous avions constaté que l'idée selon laquelle les fruits sont chers est une idée souvent empruntée. Pour s'en assurer, il suffit de demander le prix d'un kilogramme de pommes, de poires ou encore de fraises à une personne qui vous soutient que les fruits sont chers. Nous avons observé que dans plus de 50 % des cas, la personne n'avait aucune idée du prix des fruits les plus fréquents sur un étal (lire le Cahier n°12 : "trop cher! " - Mais est-ce bien une question de prix ? Ce cahier et les autres cahiers de la Chaire sont disponibles gratuitement auprès de Christine Cantrel - cantrel@essec.fr) L'idée est donc parfois empruntée. Il s'agit d'une vérité sociale qui est souvent véhiculée dans la presse, et à laquelle on ne peut s'opposer sans entacher sa propre réputation. J'oppose ici une réalité sociale à une réalité subjective, l'appréciation personnelle (et donc par nature subjective) d'une chose observée. Car il y a une différence de nature entre l'appréciation de celui ou celle qui juge que les fruits sont (ou ne sont pas) chers en connaissance de cause et celui ou celle qui véhicule une idée qui lui a été transmise par les médias ou le bouche-à-oreille. C'est ici que l'on peut parler de réputation. Mais la question n'est pas aussi facile à trancher... Il est possible qu'une vérité sociale transforme l'appréciation subjective réalisée en connaissance de cause. Pour illustrer mes propos : Robert Parker. Ce fameux critique américain de vins aurait, parait-il, fait adopter ses propres goûts à des milliers de passionnés qui lisaient dans la presse ses critiques ou achetaient ses guides. Un vin noté 95/100 par Robert Parker devenait, ipso facto, la référence pour de nombreux dégustateurs amateurs. Et de fait un très bon vin.

En attendant la publication du prochain billet de cette série, voici une petite question de vocabulaire. On parle parfois de « remède de bonne femme. » Mais quel est donc le rôle des femmes dans cette histoire?

Olivier Fourcadet

jeudi 3 mai 2012

Booster les ventes avec les odeurs!

Le blog de Rachel Herz (voir le billet d'hier intitulé Proust était un Neuroscientifique !) nous relève le rôle important que les odeurs jouent dans notre vie. Rachel souligne les gains que l'on peut espérer en offrant dans les lieux de ventes aux clients qui les fréquentent des odeurs appropriées. Les ventes de café auraient, parait-il, augmenté de 55 % lorsque dans les magasins des stations-services Exxon on a diffusé des odeurs de café. Les ventes en distributeurs automatiques des chocolats Herseys auraient triplé lorsqu'une odeur de chocolat a été diffusée à proximité des machines. En Grande Bretagne... lors d'une campagne pour les pommes de terre, des arrêts de bus diffusèrent, à la demande, une odeur de pomme de terre pour les personnes désirant tester les agréables odeurs des pommes de terre fraîchement cuites présentées sur l'affiche de l'abribus... On trouvera, çà et là, d'autres cas tout aussi intéressants les uns des autres ; tous nous disent que les hommes et les femmes de marketing devraient consacrer plus de temps à apprécier le pouvoir des odeurs dans l'acte d'achat. Il y a quelques années, j'avais ressenti l'odeur de l'huile de cuisine dans un magasin d'une grande chaîne de librairie... et j'en suis ressorti avec l'histoire de la marque Lesieur sous le bras (le livre avait été imprégné avec cette odeur)!






Marketing olfactif en France : site de l'entreprise HBES (voir ci-dessous une vidéo sur l'anéantissement des mauvaises odeurs mis en oeuvre par l'entreprise)



mercredi 2 mai 2012

Proust était un neuro scientifique!

Tel est le titre d'un ouvrage particulièrement intéressant que Jonah Lehrer a publié en 2008. Ce livre traite des découvertes que les écrivains et autres artistes ont réalisées, sans le savoir, sur le cerveau longtemps avant que les scientifiques en démontrent la véracité. L'un des nombreux enseignements de cet ouvrage est l'intérêt pour l'homme moderne d'apprendre à voir les vérités qui souvent se cachent dans une oeuvre artistique qui n'est, après tout, que le reflet des processus intellectuels de son auteur. Alors que le travail des scientifiques est soumis aux rigueurs imposées par l'établissement de la preuve, l'esprit des artistes garde, mais aussi souvent il cultive, une forme de liberté qui permet de belles anticipations.

Des entreprises ont appris à faire un bon usage du travail des artistes, et cela autrement que pour meubler l'entrée de leur siège social des oeuvres de ces artistes. Le lecteur qui en douterait pourra consulter avec intérêt le site du Tomorrow project et découvrir quelle est la grande entreprise industrielle qui utilise les travaux des auteurs de science-fiction pour l'aider à se projeter dans le futur !

Dans cet ouvrage, on découvrira, exposé d'une manière subtile, certains des développements les plus récents des sciences cognitives et des neurosciences. Autant de pistes pour mieux comprendre les relations que les consommateurs entretiennent avec les produits en général et les aliments en particulier. On y apprend par exemple que le goût et l'odorat suivent un schéma mnésique différent de celui, par exemple, de la vision.

Le lecteur consultera également le site du Dr. Herz une psychologue de l'odorat dont certains travaux sont mise en avant dans l'ouvrage de Jonah Lehrer.

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