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jeudi 5 juillet 2012

La réputation : 8 Leviers pour améliorer la compétitivité - L'effet "Proust"



Ca se bouffe pas, ça se mange ! Tel est le titre d'une célèbre émission radiophonique animée par Jean-Pierre Coffe. Ce titre résume admirablement le point central de ce billet : comment peut-on prendre du plaisir à manger si l'on se contente d'ingurgiter sans déguster un plat ? C'est aussi le cas pour le vin ou la bière. Dans la relation que nous entretenons avec nos aliments, ce n'est pas le plat ou le vin que l'on doit mettre en question, mais c'est notre propre attitude vis-à-vis des aliments et des boissons qui doit être challengée chaque fois que nous portons la fourchette à la bouche.


Pour moi, la prise de conscience a pris forme il y a quelques années. J'étais alors en voyage au Japon lorsque l'on m'a fait remarquer que je ne pourrais jamais apprécier toutes les subtilités des saveurs d'un bol de riz blanc, si je continuais à le manger comme je le faisais. À l'époque, je pensais que le riz n'avait pas de goût ; il convenait soit de l'avaler promptement soit de l'assaisonner abondamment. On m'a alors appris qu'il fallait pour en révéler toutes les saveurs et en apprécier la texture le mâcher abondamment. Apprendre à déguster le riz ! Une chose qui nous semble pourtant évidente, à nous les Français, lorsqu'il s'agit d'un bon vin : pas question de boire une gorgée sans en avoir longuement apprécié la couleur de sa robe, ses arômes et son goût.

Quelle valeur peut donc avoir un plat pour une personne si celle-ci ne prend pas le temps pour en apprécier toutes les saveurs ? Elle m’apparaît limitée. Mais cela est aussi vrai pour un livre, un film, une oeuvre artistique, etc. Il faut redonner du goût aux choses.

Voilà donc un bel enjeu pour toutes les entreprises des filières agroalimentaires et au-delà. Réapprendre à chacun à déguster les produits ? Oui, mais vous me rétorquerez très probablement que : « Tous les produits ne sont pas bons ! », que « Certains n'ont aucune saveur ! », etc. Il vous suffira alors de repenser à mon anecdote sur le riz. Les saveurs se cachent ; il faut apprendre à les traquer, et à les débusquer. Le produit n'est pas bon : c'est probablement une question de goût. Ce mot a un double sens. S'agit-il du goût du produit ou de notre propre goût ? L'un et l'autre sont indissociables.



Quelle est donc la relation entre ce billet et le concept de réputation ? Mais c'est la réputation même de l'ensemble de notre alimentation dont il est question ici ! Manger est-ce se nourrir, se faire un petit plaisir rapide, ou accéder aux expériences d'un monde de saveurs cachées et qui n'attendent juste qu'on les révèle. Dans les représentations mentales de nos citoyens... Cela dépendra de la réputation explicite ou implicite que nous attribuerons à notre alimentation. Et indirectement à sa valeur.


En écho à Jean-Pierre Coffe, je conclurais ce billet 


par un vin, ca se boit pas, ça se déguste ! 

« Les gouttes de Dieu », ce manga nous y convie maintenant depuis plusieurs années ! 


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J'ai intitulé ce billet :

La réputation : 8 Leviers pour améliorer la compétitivité - L'effet "Proust"


En effet, Marcel Proust nous a appris qu'une simple madeleine peut être bien plus qu'une madeleine. 

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Vous trouverez ci-dessous les liens vers les autres billets de ce blog sur le thème de la réputation. Ce billet est le 10e publié sur ce thème.



mercredi 27 juin 2012

La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (10) - La légitimité et autres dimensions



En tant que consommateur, ce n'est pas uniquement la qualité « générale » des produits de l'entreprise que nous questionnons ou bien ses méthodes de production. Pour ces deux aspects, l'entreprise est, de fait, considérée comme compétente. Nous pouvons nous interroger sur certaines de ses pratiques, mais aussi sur les opinions qu'elle met en avant dans les médias ou des aspects plus spécifiques de la qualité de ces produits.



J'avais, il y a quelques années, questionné des nutritionnistes ou des médecins sur le rôle que devaient jouer les entreprises agroalimentaires dans l'éducation nutritionnelle des consommateurs. Leurs réponses étaient presque unanimes : les entreprises n'étaient pas qualifiées pour parler de nutrition aux consommateurs ! Elles n'étaient pas légitimes pour parler de nutrition, et cela même si elles comptaient parmi leurs employés des nutritionnistes ou si elles en consultaient. Et le procès d'intention n'était jamais loin (surtout dans le cas où ils considéraient les produits de l'entreprise comme nutritionnellement incorrects).

Au même moment, les organismes internationaux, tels que la FAO et l'OMS, et nationaux enjoignaient les entreprises à participer à une croisade contre l'obésité dont un des volets était justement l'éducation nutritionnelle. Un autre volet consistait à favoriser la pratique sportive, une chose pour laquelle les entreprises agroalimentaires semblaient par contre légitimes, mais qui m’apparaît plus éloigné des compétences intrinsèques des entreprises agroalimentaires.

La légitimité est le droit que l'on confère à une entreprise ou à une personne d'agir sur une chose. Lorsque l'on questionne la légitimité de l'action d'une personne, on se demande de quel droit cette personne-là agit-elle. En a-t-elle les compétences ? C'est parfois la première question que l'on se pose ? En effet, le diplôme confère souvent à son détenteur des prérogatives. Dispose-t-elle d'un quelconque mandat légal ?

La légitimité établit donc une frontière entre les actions que les parties prenantes autorisent spontanément l'entreprise à prendre et celles qui lui sont naturellement interdites ? Elle limite donc le champ d'action des entreprises, mais elle donne du poids aux actions qui sont dans le champ de la légitimité.

J'avais un instant effleuré l'espoir que l'on puisse considérer comme légitimes toutes les actions qui sont susceptibles d'améliorer une situation, quel que soit celui ou celle qui en est l'auteur. Ne doit-on pas juger la qualité des actes et s'interdire de juger, au contraire, la qualité de leur auteur ? Plusieurs fois, j'ai constaté que cela n'était pas le cas. On questionne souvent les intentions de ceux qui se commettent à réaliser une bonne action ! Cela a pour corollaire que la crainte d'un procès d'intention impose aux entreprises, même celles qui ont les meilleures intentions, de s'interdire d'agir pour le bien de la société.

Le lecteur ne saurait sous-estimer le poids des interdits, plus généralement des normes, qu'une société impose souvent à ces membres ou les comportements qu'elle considère comme conformes et qui s'imposent alors souvent à chacun selon leur position (on parle de rôle social) et parfois au-delà. C'est ainsi que, dans l'espace des émotions, chacun se doit d'adopter les attitudes conformes aux attentes collectives (voir l'excellent livre de B. Rimé, Le partage social des émotions). Dans la plupart des situations de partage des émotions, certaines réponses sont considérées comme adéquates alors que d’autres seront perçues comme inappropriées. Ainsi, lors d'un évènement dramatique, montrer du désintérêt vis-à-vis de la souffrance d'autrui ou bien faire des reproches à ceux qui prennent des risques insensés est considéré comme un comportement inadéquat.


On pourra également lire les travaux particulièrement intéressants de Sylviane Giampino et Brigitte Grésy (mai 2012) sur le poids des normes dites masculines sur la vie professionnelle et personnelle d'hommes du monde de l'entreprise.

Vous trouverez ci-dessous les liens vers les autres billets de ce blog sur le thème de la réputation. Ce billet est le 10e publié sur ce thème.

dimanche 24 juin 2012

La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité des entreprises - (9) Influencer les actions des concurrents.


Le principe n'est pas récent ! En effet, Sun Tzu (-544, -496) en parle déjà dans son ouvrage l'Art de la guerre. Comment influencer les décisions des généraux des armées ennemies sans combattre et gagner la guerre ? L'un des principes consiste à « brûler les ponts derrière soi » afin de signaler à l'adversaire que, privés des moyens de la retraite puisque les ponts sont détruits, les guerriers combattront jusqu'à la mort. Qui voudrait alors affronter une armée qui n'a d'autre choix que la mort ou la victoire ! Il existe aujourd'hui encore de nombreuses applications de ce principe ou de principes similaires.
  1. La réputation de position : En altérant le terrain (par exemple en brûlant les ponts) ou la configuration de l'entreprise (faible diversification), certaines entreprises apparaissent comme les soldats de Sun Tzu, c'est-à-dire sans autres moyens que de réagir avec violence aux attaques d'un concurrent. Ce fut le cas de Gerber Products Company (spécialiste des produits pour enfants) a longtemps été une entreprise indépendante, considérée comme susceptible de réagir avec force aux attaques des concurrents... qui pendant longtemps ont évité l'engagement.
  2. La réputation construite : Ralston Purina dans le pet food aux USA a la réputation de suivre les baisses de prix de ces concurrents et d'engager une riposte commerciale de grande ampleur... Ce cas est très proche du cas précédent, mais contrairement à celui-ci, Ralston Purina a une longue histoire de ripostes pour le prouver.
  3. La réputation énoncée : citons le cas de 3 M. cette entreprise clamait, il y a quelques années, vouloir dériver 50 % de ses ventes de produits de moins de 3 ans. La chaîne de magasins d'habillement Nordstrom avait l'habitude d'acheter une pleine page dans les gazettes locales pour souhaiter la bienvenue à ses concurrents (We Welcome the New Kid in Town). Un moyen de leur dire qu'il n'y avait pas lieu pour eux de craindre un coup tordu.
Le lecteur se rappellera des billets précédents sur la réputation et ses effets, que celle-ci est avant tout une réponse à une question que l'on se pose lorsque l'on doit faire un choix. Il est étrange de penser que les choix d'un concurrent puissent être affectés par les messages d'une entreprise concurrente qui cherche à influencer son comportement à son propre avantage. Ne s'agit-il pas d'un bluff ? La menace est-elle bien crédible ? Ces questions sont d'une grande importance.
Il convient de faire la différence entre une alerte (Warning) et une menace (ou une promesse) implicite ou explicite. Une alerte signale à une autre entreprise, en général un concurrent, mais parfois un fournisseur ou un client, un mouvement que l'entreprise réalisera de toute manière, parce que c'est dans son intérêt et qu'il n'y a pas d'autres alternatives pour elle. On se retrouve dans la configuration du pont détruit. L'armée n'a pas d'autres possibilités de se battre ou de se soumettre. Cela est une évidence qu'il n'est pas nécessaire de rappeler à l'ennemi. Il suffit de lui laisser voir le pont détruit. Et lorsque la soumission n'est pas culturellement une option... l'ennemi sait à quoi s'attendre. L'alerte consiste donc à rappeler aux forces économiques opposées le choix que l'entreprise suivra, quelles que soient les décisions que celles-ci prendront... À elles alors de prendre les bonnes décisions.
Une menace, contrairement à une alerte, est une action que l'entreprise ne souhaiterait pas prendre sauf si elle y est contrainte par le comportement d'un concurrent. Un parent qui menace un enfant d'une punition substantielle si le comportement de celui-ci n'est pas approprié souffre toujours de devoir appliquer la punition si l'enfant se comporte effectivement mal. L'enfant ne l'ignore pas. Il peut en jouer en se disant qu'il ne sera finalement pas puni. Pour que le comportement inapproprié soit effectivement puni, la punition doit être certaine. Si ... alors ... ! Il existe plusieurs moyens de la rendre certaine. La réputation est un de ces moyens. Si la punition a été appliquée dans 100 % des cas auparavant, alors il y a de fortes chances qu'elle sera encore une fois appliquée. Dans tous les cas, la menace doit être crédible si l'on veut que l'opposant la prenne au sérieux. Dans le domaine des affaires, il n'y a rien de tel pour crédibiliser une menace de l'établir sous la forme d'un contrat. On ne peut alors que l'appliquer puisqu'elle est inscrite dans un contrat.
En voici un exemple : « Si vous trouvez moins cher, ailleurs, je vous rembourse deux fois la différence. » Ce message qui s'adresse aux consommateurs en fait s'adresse aux concurrents. En effet, si le concurrent propose un prix inférieur, alors le consommateur bénéficiera d'un meilleur deal en achetant auprès de l'entreprise qui lui propose de rembourser deux fois la différence et de se faire rembourser effectivement la différence. Cette menace serait couteuse si l'entreprise devait la mettre à exécution. Mais ni elle ni ses concurrents n’ont un intérêt à ce qu'elle soit appliquée.

Ce billet est le 9e billet de la série sur la réputation :

    dimanche 10 juin 2012

    La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (8) - Réduire les coûts de transaction


    La réputation d'une entreprise n'a pas pour unique cible les consommateurs. De fait, toutes les parties prenantes sont susceptibles de fonder leur décision vis-à-vis d'une entreprise ou de ses dirigeants sur la base de leur réputation que celle-ci soit bonne ou mauvaise, vraie ou fausse.

    Les coûts de transaction sont des coûts que deux acteurs supportent lors d'une transaction en sus de la valeur de la transaction elle-même. Par exemple, une entreprise désireuse de recruter des collaborateurs devra engager des coûts pour se faire connaitre de la population qu'elle cible. De la même manière un jeune diplômé à la recherche d'un emploi devra identifier les entreprises qui pourraient lui offrir de postes qui correspondent à ce qu'il recherche. Dans cette situation, et bien d'autres situations similaires à celle-ci, la réputation va affecter l'amplitude de ces coûts. Une entreprise réputée auprès des jeunes diplômés recevra probablement plusieurs centaines de CV de manière spontanée sans engager de dépenses pour se faire connaitre, alors qu'une entreprise moins réputée, mais offrant des missions aussi intéressantes devra déployer une énergie importante pour recevoir une poignée de bons CV. C'est par exemple le cas des entreprises de la distribution qui proposent souvent des missions intéressantes, de belles progressions et des salaires intéressants, mais dont la réputation auprès des jeunes diplômés (en particulier ceux des grandes écoles) est souvent mauvaise.

    Dans une Vidéo (intitulée Histoire de Stratégie), Franck Riboud dit « .. Lorsque vous avez une marque comme Evian, et que vous souhaitez faire des affaires, par exemple avec une famille en Indonésie, et bien, c'est plus facile... parce qu'avec une marque comme Evian vous n'avez pas à prouver vos compétences... ».

    Une entreprise comme Toyota est réputée pour la qualité de son travail d'optimisation de la chaîne logistique avec ses fournisseurs qui permet de faire, conjointement au bénéfice des deux parties, des économies. Cette réputation donne un attrait supplémentaire pour un partenaire potentiel qui acceptera de donner la main à Toyota sur sa logique aval.

    Que certains Franchisés d'une entreprise avec de multiples établissements manifestent leur mécontentement dans un pays, et c'est la capacité de recruter des franchisés dans les pays où la marque se développe portant bien qui est affectée !

    La réputation n'a cependant pas que du bon ! Reprenons l'exemple du recrutement des jeunes diplômés. Si ne recevoir que quelques CV est problématique, recevoir plus de 500 candidatures pour chacun des stages proposés sur le site internet de l'entreprise peut être aussi problématique.

    Ce billet est le 8eme billet de la série sur la réputation:

    mardi 5 juin 2012

    La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (7) - Effet Marketing

    La réputation, qu'elle soit bonne ou mauvaise, est une information que l'on partage. Les statistiques nous apprenaient qu'autrefois un consommateur satisfait d'un produit ou d'un service parlait de son expérience à 6 autres personnes. S'il était insatisfait, le nombre de ses interlocuteurs augmentait pour atteindre la trentaine.

    Aujourd'hui, avec internet et les réseaux sociaux, le nombre des personnes potentiellement touchées est beaucoup plus important. Jezz Bezos, le fondateur et patron d'Amazon.com, a coutume de dire que « dans l'économie réelle, une personne mécontente en parle à 6 autres personnes ; dans l'économie virtuelle, une personne mécontente touche plus de 6000 personnes. » Les personnes touchées, sont-elles pour autant aussi sensibles au message que l'étaient les quelques personnes auxquelles on s'adressait autrefois de vive voix ? Je pense que certaines le sont effectivement, plus particulièrement celles qui sont en recherche d'informations, parce qu'elles ont une décision à prendre, et celles qui peuvent mettre la main sur cette information. Toute fois si une publication entache la réputation, cette information en particulier peut être difficile à trouver. Elle peut être noyée dans une multitude d'informations sur le produit ou sur la marque qui forme un halo parfois bien difficile à comprendre.

    Quelle crédibilité accorder aux informations que l'on trouve sur internet et qui vont servir d'ingrédient à l'e-réputation ? La crédibilité dépend de la manière dont l'information est présentée, par qui elle est présentée et ce sur quoi elle porte. La société Edelman produit chaque année un baromètre de la confiance. Les facteurs qui affectent la réputation d'une entreprise semblent évoluer particulièrement vite. Par exemple, le public considère en majorité en 2010 que l'on peut faire confiance à une entreprise qui développe des partenariats avec des ONG pour résoudre des challenges globaux tels que le changement climatique, la pauvreté ou les maladies. En 2006, l'attention portée aux attentes des clients et la qualité des produits et des services d'une entreprise étaient les deux principaux éléments sur lesquels la réputation d'une entreprise s'établissait. J'invite les lecteurs à consulter les rapports de la société Edelman qui sont une précieuse source d'information sur la réputation et la confiance. En particulier, ils pondèrent les effets des réseaux sociaux que la presse considère souvent comme la panacée. Peut-être, cette différence est-elle à mettre en relation avec le rôle que les réseaux sociaux jouent comme source d'information dans le développement de certains évènements tel que le printemps arabe.

    De nombreuses marques ont confié l'analyse de leur e-réputation à des entreprises spécialisées comme SYNTHESIO dont voici une vidéo de présentation.




    Les coûts marketing sont diminués lorsque l'on dispose, comme Nespresso, de six à huit millions de fidèles vendeurs dans le monde. En effet, on estime que 70 % environ des 10 millions de personnes qui appartiennent au Club Nespresso s'engage dans des missions d'évangélisation. Il s'agit d'un actif dont le poids est particulièrement important. J'ai interrogé certains des membres du Club Nespresso ; ils m'ont parlé, avec entrain, de services du club qu'eux-mêmes n'avaient encore jamais utilisés ni même leurs amis.

    La réputation véhiculée par les clients n'est pas limitée à l'univers des consommateurs. Elle opère également dans le domaine du BtoB ou du BtoP. Par exemple, Virgin Airlines est devenu l'avocat de l'association Boeing - Rolls Royce dans son aptitude à répondre aux besoins spécifiques d'une compagnie aérienne.
    Finalement, que penser d'un article de presse (sur internet) qui est repris en totalité ou partiellement par plus de 71 000 sites ? Eux-mêmes seront visités par des millions d'internautes. Cet article a créé il y a quelques années aux États-Unis une controverse sur les eaux en bouteille (Is America $8 Billion Bottled Water Industry a Fraud ?). Ne doit-on pas suspecter une manipulation compte tenu de l'envergure de la couverture internet ? À qui profite donc le crime (s'il y a bien crime !) ?

    La foule, peinture présentée dans ce billet, est de Jocelyn Chambellan.

    samedi 2 juin 2012

    La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (6) - Réputation et consommation.

    L'analyse de la réputation sur la consommation pose un problème méthodologique. Il s'agit en effet de séparer clairement dans les décisions d'achat des consommateurs les effets qui résultent de la réputation et ceux qui résultent de l'appréciation de la qualité de la chose achetée par le consommateur. Pour mesurer l'effet de la réputation, il s'agit de mettre le consommateur dans une situation où il ne dispose pas des informations qui lui permettraient de porter un jugement ou de prendre une décision en connaissance de cause. Il sera alors dépendant de la réputation et uniquement de la réputation. C'est par exemple le cas lorsque l'on décide d'acheter un vin que l'on ne connait pas, c'est-à-dire que l'on n’a jamais eu l'occasion d'apprécier. C'est aussi le cas lorsque l'on nous demande de formuler un jugement sur la valeur monétaire d'un produit alimentaire que l'on déguste (sur ce sujet-là, voir le second billet de cette série).

    Aujourd'hui, un grand nombre d'allégations sont invérifiables au moment de l'achat :
    « Produit issu de l’agriculture biologique », « Riche en oméga 3 », « Réalisé selon une recette traditionnelle », etc. Ce n'est pas en scrutant mieux le produit ou même lors de sa dégustation que l'on sera en mesure de vérifier ces allégations. On devra donc se reposer sur des indices de réputation dont la qualité du signal peut être plus ou moins bonne.

    Desinicu et all. (AAWE working paper 93 2011) ont réalisé un méta-analyse de l'effet des labels AOP et IGP par rapport à des produits similaires non labellisés sur le prix que les consommateurs étaient prêts à payer. Dans tous les cas, les tests avaient été réalisés avec des produits que les consommateurs n'avaient pas directement expérimentés. Autrement dit, le consommateur devait décider d'acheter un produit sur la base des informations disponibles et du prix sans pouvoir le goûter au préalable. Les labels servaient d'indicateur de qualité. C'est leur réputation, c'est-à-dire leur capacité à signaler un produit de qualité, qui est donc mesurée dans ces différents tests. Si le label n'a pas la réputation de signaler un produit de qualité, alors le produit qu'il marque ne bénéficiera pas de ce signal.

    Cette étude souligne plusieurs aspects particulièrement intéressants. Les auteurs ont recherché à séparer les effets des labels AOP/AOC et IGP selon leur amplitude de leur effet sur la prime de prix. Ils distinguent des situations où les labels sont particulièrement efficaces. Il s'agit des catégories suivantes : grains (+80 %), fruits et légumes (+58 %) et de la viande (+32 %). Ils notent qu'il s'agit de produits du faible degré d'élaboration, pour lesquels il est souvent difficile de faire une différence qualitative. Il n'existe que très rarement de marque dans ces univers produits et les producteurs (généralement des agriculteurs) sont nombreux. En contraste, les labels sont moins efficaces pour les familles suivantes : Vins et huiles d'olive (+24 %) et les fromages (+40 %). Ils observent par ailleurs de très grandes disparités de primes de prix dans ces catégories. Les produits sont souvent marqués, leur degré d'élaboration est élevé et ils sont souvent très différenciés. Les producteurs sont peu nombreux.

    Ces chercheurs observent même dans certains cas des primes de prix négatives. C'est par exemple le cas des vins de la région de Bordeaux où presque tous les vins sont des AOC et où le signal de qualité est alors la marque. Le label AOC n’apparaît alors plus comme un marqueur de qualité. On peut en conclure que la valeur d'un indice est d'autant plus forte que les indices sont peu nombreux et que les produits se ressemblent (visuellement). La diversité du niveau de qualité est un des autres facteurs qui donne du poids à la réputation de qualité que l'AOC transmet aux vins.

    Alors que dans le cas précédent on s'intéressait à un produit en particulier, la réputation peut également affecter une catégorie de produits. Ainsi on pourra imputer le refus d'acheter des fruits à la réputation d'être des produits onéreux (pour ce qu'ils apportent !) Mais la réputation structure aussi les attentes des clients vis-à-vis du marché. Ces attentes ne portent pas toujours sur la qualité des produits. Si l'on nous dit que les fruits sont bons pour la santé, mais qu'ils sont chers, alors il convient de faire baisser les prix... et pour cela, il n'y a rien de mieux que de demander au distributeur, de réduire ses marges... car tout le monde le sait, la marge des distributeurs est gigantesque... On pourrait même les accuser de mettre notre santé en jeu en privant les citoyens de l'accès aux fruits à un prix abordable. C'est ainsi, sur la base de croyances, souvent erronées, que les attentes sociales se structurent.

    On a également observé des effets d'éviction de designs non dominants (et des concurrents qui avaient adopté ce design) par le design adopté par la marque leader. C'est particulièrement frappant dans le cas des baladeurs numériques où le design du leader de coeur (iPod) sert de point de comparaison pour tous les autres produits. La réputation d'une marque conditionne donc les attentes du consommateur qui recherchent des produits qui « ressemblent » le plus à ceux de la marque leader. Et cela bien que les mêmes consommateurs notent souvent objectivement les performances du produit leader moins bien que celles d'un produit challenger.

    Finalement, notons un aspect intéressant. La réputation pour s'affirmer n'a besoin que d'informations vraisemblables. Ainsi, on pourra, même en absence de preuve, jeter le discrédit sur un produit, une marque, une entreprise ou une personne, dès lors qu'une explication vraisemblable, du point de vue de celui qui est juge, est utilisée. Pour restaurer sa bonne réputation, l'entité mise en cause devra apporter une preuve. C'est cette asymétrie qu'il appartient de souligner à nouveau entre la vraisemblance et la preuve. Autrement dit, la réputation est une qualité particulièrement fragile qui peut être mise en danger par une rumeur dès lors que celle-ci possède la saveur de la vérité; alors que restaurer sa réputation nécessitera souvent d'apporter la preuve que la rumeur est infondée.

    On retiendra que la bonne réputation permet d'obtenir une prime de prix substantielle, qu’elle est véhiculée par des indices comme les labels de qualité. Ceux-ci sont d'autant plus importants que le risque d'acheter un produit de qualité inférieure à un prix élevé est important et qu'il n'existe pas d'autres indices à la disposition du consommateur tels qu'une marque. Le lecteur extrapolera de lui même les résultats obtenus sur le prix au volume.

    lundi 21 mai 2012

    La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (5)

    Quelle est la mécanique de la réputation ? Par quels dispositifs agit-elle ?
     
    Ce cinquième billet sur la réputation est la suite de quatre précédents publiés il y a quelques jours sur ce blog (billet 1, billet 2, billet 3 et billet 4).
     
     
                                    * *
     
     
     
    La réputation apporte une information toujours imparfaite, souvent incomplète, parfois non pertinente, mais suffisante pour prendre la décision pour laquelle on recherche de l'information.
     
    On pourra dire qu'une information est pertinente pour une décision donnée si cette information permet de se former une opinion plus précise sur la qualité de la décision. A priori le décideur ne devrait donc pas prendre en considération pour former cette décision-là une information qui n'est pas pertinente. Cependant, lorsque l'on ne dispose pas des informations nécessaires, une information, quelle qu'elle soit, même inutile, peut apparaître comme utile. Afin d'illustrer ce concept, il n'est rien de plus simple que de considérer nos jugements dans le domaine de la politique. Imaginez que l'on soumette à votre jugement une proposition de loi. Vous devez donc formez une opinion sur la qualité du texte qui est proposé. Vos critères de jugement peuvent porter sur les bénéfices pour la société, le respect de principes supérieurs, sa facilité d'exécution, etc. Supposer que l'on vous présente le texte comme émanent de la réflexion des membres d'un parti qui est en général opposé aux idées du parti auquel vous êtes affilié. Cette dernière information (l'affiliation des auteurs du texte) est-elle pertinente pour juger de la qualité du texte ? Non, elle n'est pas pertinente. Elle ne permet pas d'améliorer notre opinion sur cette proposition en particulier en regard des critères de jugement que l'on avait mis en avant. Par exemple, connaitre les auteurs de la proposition nous permet-il de juger de sa facilité d'exécution ? Non, pas plus! Mais pas moins aussi !

    Pourtant nous sommes souvent influencés lorsque nous formons un jugement à propos d'une chose par un grand nombre d'informations dont certaines ne sont évidemment pas pertinentes. Il est toujours souvent difficile de s'extraire des influences qui ne sont pas pertinentes. Dans mon métier, je dois évaluer le travail des étudiants qui participent à mes cours. Le professeur appréciera la qualité du travail pour former une note. L'appréciation de l'étudiant qui résulte d'un trimestre d'échange ne devrait cependant pas être prise en considération ! Il est cependant très difficile de séparer les deux, c'est-à-dire de ne pas prendre en considération ce que l'on sait d'une personne lorsque l'on évalue un travail. Une copie peut toujours être anonymisée, mais pour une présentation orale ce n'est pas possible.

    On pourra dire qu'une information est parfaite lorsqu'elle apporte une certitude quant à la valeur d'une décision sur un critère de jugement. Par exemple, si l'on considère l'acquisition d'un véhicule et que l'on évalue comme particulièrement importante, en autres critères, la consommation énergétique de ce véhicule, alors on sera attentif à toutes les données qui pourraient nous informer de la performance énergétique des modèles disponibles. Souvent, les fabricants présentent des données de consommation, en cycle urbain ou en cycle mixte... Mais dans le « cycle de notre trajet le plus fréquent » qu'elle sera la performance réelle des véhicules que nous considérons. Comment cette performance va-t-elle évoluer avec l'âge du véhicule ? Les données fournies par le constructeur sont certes précises (véridiques, certaines). Pour informer notre critère d'évaluation, ces données ne sont cependant pas parfaites. Elles doivent être, avec un degré d'incertitude, transformées pour alimenter notre critère de décision. Dans l'agroalimentaire, les conditions météorologiques affectent la bonne réalisation des décisions les plus importantes. Quelles seront les conditions au cours du prochain mois ? Personne ne peut le prédire avec certitude.

    Les informations seront considérées comme incomplètes si l'on ne dispose d'aucune information sur les valeurs d'un ou de plusieurs critères de décision. Ces critères sont pertinents, mais aucune information n'est disponible. Nous serons alors au moment de prendre une décision dans un état d'ignorance vis-à-vis de ces critères. Par exemple, lors d'un voyage nous sommes parfois soucieux de pouvoir lire nos messages email. Ce besoin va conditionner le choix de notre hébergement. Cette information n'est malheureusement pas toujours disponible !

    Ces précisions apportées, la réputation agira sur deux dimensions :
    • La valeur indicatrice. On recherche, dans un premier temps, une indication quant à la grandeur d'un critère utile pour prendre une décision.
    • La réduction de l'incertitude autour de la valeur indicatrice. Dans un second temps, on cherchera à confirmer cette valeur indicatrice.
    Ce désir de confirmation, bien que dans la nature humaine, est, par ailleurs, considéré comme problématique. On parlera de biais de confirmation. Il s'agit d'une erreur systématique qui consiste à rechercher des informations qui confirment une intuition au détriment des informations qui pourraient infirmer cette même intuition. Le dossier est instruit uniquement à charge (ou uniquement à décharge). Faire jaillir la vérité apparaît alors périlleux !

    Focalisons notre attention sur le désir de réduction de l'incertitude autour de la valeur indicatrice. Quelle confiance peut-on avoir dans cette information ? On omet souvent cette dimension lorsque l'on considère la réputation. La réputation est duale. Elle est composée d'une valeur indicatrice et d'un degré de confiance. Il y a ce que l'on nous dit d'une chose et la confiance que l'on attribue à ces propos. On prendra d'autant plus en considération une information pour former une décision que nous considérons celle-ci comme crédible.

    Avec Perrine Nadaud et Francis Declerck, nous avons réalisé une série d'expériences visant à évaluer l'importance de la confiance dans l'achat d'un produit alimentaire présentant une allégation invérifiable par l'expérience. L'impossibilité de vérifier une allégation est une situation particulièrement fréquente dans le domaine alimentaire. Le consommateur n'est pas en mesure de vérifier si un produit est effectivement issu de l'agriculture biologique, si une allégation santé est effective, etc. La confiance est alors une dimension critique. Par contre, l'expérience de consommation permettra d'objectiver certaines allégations (goût, service, etc.). La confiance est alors ici secondaire, puisque le consommateur pourra, sur ces dimensions, se forger au travers d'une expérience de consommation une opinion.

    Dans une expérience nous avons cherché à évaluer l'effet de la confiance sur l'intention d'achat, pour plusieurs niveaux de prix, d'un produit alléguant :

    « Jus de fruits, contribue à lutter contre le vieillissement cellulaire »
    On peut que constater qu'il est presque impossible de vérifier par la consommation, même répétée, cette allégation. On devra admettre également que cette allégation n'intéressera que des personnes soucieuses de réduire le poids des années.

    Nous avons cherché à estimer les apports de trois indices qui se présentent sous la forme d'affirmations :
    • Contenu : « produit riche en antioxydants et polyphénols »
    • Preuve : « effet validé par 20 travaux de recherche ... »
    • Agence : « allégation certifiée par l'Agence Européenne ... »
    Au cours de cette expérience, nous avons constaté qu'il existe un degré de confiance dans l'allégation spontanée. Il est en moyenne (sur plus d'une centaine de personnes interrogées) de 30 %. L'indice de Contenu fait progresser la confiance de 4-5 % en moyenne. La contribution de la Preuve est de 14-15% et celle de l'Agence de 10 % environ. Ces trois indices permettent de doubler le niveau de confiance moyen. Il passe de 34 % à 60 %.

    Nous avons également constaté que la confiance affecte positivement l'intention d'achat de la manière suivante. Un point de confiance supplémentaire donne 0.6 point d'intention d'achat supplémentaire. Nous avons constaté un degré de transmission similaire de la confiance à l'intention d'achat au cours d'une autre étude portant sur les produits issus de l'agriculture biologique.

    L'intention d'achat dépend également du prix. En moyenne, elle passe de 50 % à 28 % lorsque le prix passe de 1,5 €/ L à 3 €/ L. Mais en présence des trois indices (Contenu, Preuve, Agence), elle passe de 67 % à 45 % pour une même variation de prix. Nous avons estimé que pour un niveau d'intention d'achat de 50 %, l'apport en confiance de ces trois autorisait un accroissement de prix de 0.9 €/ L à partir d'un prix initial de 1,5 €/L. Autrement dit, un même niveau d'intention d'achat (ici 50 %) peut être obtenu dans les deux cas suivants :
    1. pour un prix de vente de 1,5 €/L.
    2. Pour un prix de vente de 2,4 €/L, lorsque la confiance a été au préalable doublée par l'apposition des indices de Contenu, de Preuve et d'Agence.
    Le lecteur devra dans tous les cas considérer qu'une bonne réputation aura d'autant plus de valeur que celle-ci sera également jugée comme crédible.

    Cette expérience nous apprend également que certains indices sont moins signifiants que d'autres indices. Par exemple, l'effet de l'indice Contenu est beaucoup plus faible que celui des deux autres indices. Les personnes interrogées méconnaissaient en majorité la relation entre la richesse en antioxydants et polyphénols du produit et le vieillissement cellulaire. Cet indice n'était pas signifiant.

    J'ai observé au cours d'autres expériences d'autres aspects dont les effets sont substantiels. Voici un résumé de mes observations :
    • La pertinence : en quoi cette information (réputation) est-elle utile pour cette décision-là ?
    • La visibilité/accessibilité. L'accès une information pertinente n'est pas toujours aisée. Internet a profondément modifié ce paramètre.
    • La signification. L'information est délivrée sous une forme qui n'est pas toujours signifiante pour le décideur. Par exemple, si l'on s'adresse à un enfant, il conviendra de parler sa langue. Un jeune enfant n'aura pas de difficulté à comprendre que Prince (le biscuit) lui apportera l'énergie nécessaire pour délivrer la Princesse de son coeur. Que penser de l'information nutritionnelle ?
    • La clarté. La même recette de cuisine présentée avec une typographie de lecture facile aura plus de chances d'être considérée comme plus facile à mettre en oeuvre (un critère important pour un néophyte) que si la typographie est plus difficile à lire.
    • La crédibilité. Nous venons de consacrer l'essentiel de ce billet à cet aspect.
    • Le storytelling. La manière dont l'information sera délivrée est d'une grande importance. Mes étudiants ont testé les effets de la présentation d'un produit probiotique sur les intentions d'achat. L'effet est indéniable. Par ailleurs, une histoire est souvent plus facile à transmettre à un tiers qu'une liste d'avantages et d'inconvénients. Elle est également plus facile à mémoriser. On devra se poser la question de l'usage des images, du texte et des sons.
    • L'émotion. On ne saurait sous-estimer, dans le cas d'une décision importante pour celui ou celle qui s'apprête à la prendre, les aspects émotionnels qui sont naturellement attachés à cette décision. Certaines composantes de l'information seront très probablement perçues plus importantes que d'autres.
    • La notoriété (la familiarité). Une information répétée deviendra familière et sa crédibilité naturellement rehaussée. Il conviendra toujours de différencier une vérité réelle d'une vérité sociale. Voir dans les billets précédents la section sur les croyances concernant le prix des fruits.

    * *
    Dans le prochain billet, j'évoquerais le premier des huit leviers : les effets de la réputation sur les ventes d'un produit.

    Les travaux de recherche mentionnés dans ce billet sont disponibles en version électroniquegratuitement auprès de l'assistante de la chaire Madame Cantrel (cantrel@essec.edu).
    Il s'agit du cahier n°13 Produits de l'agriculture biologique : Quelles mentions pour garantir la confiance et du cahier n°14 Allégation santé : quelles mentions pour garantir la confiance ?

    Les lecteurs intéressés par le Storytelling pourront consulter les 7 billets de ce blog sur les mythologies péri-alimentaires. Ils ont été publiés au début de l'année 2012.

    lundi 14 mai 2012

    La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (4)

    Ce quatrième billet sur la réputation est la suite de trois précédents publiés il y a quelques jours sur ce blog (billet 1, billet 2, billet 3).

    Dans les précédents billets, je postulais que la réputation servait dans un contexte de décision de succédané à une information de meilleure qualité qui n'est malheureusement pas disponible au moment où le décideur en a besoin ou bien qui est trop chère à acquérir. Plutôt que prendre une décision en état d'ignorance, le décideur va utiliser les indices que la réputation lui apporte. Nous avions également observé que la réputation est un actif que l'on partage avec d'autres, que l'un peut emprunter, transmettre, etc. La réputation peut également conduire à des erreurs. Et douter de la réputation d'une chose peut parfois s'avérer une source de succès.

    Aujourd'hui, je souhaite concentrer mes explications sur la cible de la réputation. Si la réputation possède une quelconque utilité pour celui qui va s'en servir et un bénéfice pour celui qui la possède, il convient alors de savoir qui va s'en servir, comment et dans quel but. C’est alors en connaissance de cause que celui à qui elle est attachée pourra la moduler à son avantage. Comme dans le cas du précédent billet je vais me reposer sur quelques exemples pour illustrer ma thèse.

    Exemple 1. Une jeune pousse a conçu des logiciels pour des professionnels de la santé. De l'avis de très nombreux clients potentiels, que les gérants de cette entreprise ont rencontrés, ce logiciel est « de loin le meilleur produit du marché » et il est également « très abordable par rapport aux produits concurrents. » Cependant, cette entreprise n'arrive pas à vendre une seule unité de ce merveilleux produit. Pourquoi donc ? Pour répondre à cette question, il convient de se demander qu'elles sont les questions auxquelles un client pourrait en ce qui concerne l'achat d'un logiciel à usage professionnel se poser ! Est-ce que l'entreprise répond bien à toutes ces questions dont, par ailleurs, certaines ne sont jamais posées ouvertement ? Les clients sont en permanence à la recherche d'indices qui viendraient satisfaire leur besoin d'information. La réputation si elle apporte une réponse satisfaisante à une question que le client se pose jouera pleinement son rôle. Si la réputation est bonne, mais qu'elle n'apporte pas une réponse à la question que le client se pose, alors elle est superflue ! Avoir engagé des dépenses pour créer une réputation inutile constitue une perte en argent, comme en temps. Ces dépenses soulignent le manque de professionnalisme des dirigeants de l'entreprise.

    Le principe implicitement exposé ci-dessus connu sous le vocable du principe de l'auditoire cible. À savoir, répondre aux questions que les cibles les plus importantes pour l'entreprise se posent. Il convient également de parler un langage que ces cibles sont en mesure de bien comprendre.

    Exemple 2. Lorsque la maison de couture Versace accepte de proposer une collection pour les magasins H&M prend-elle un risque de ternir sa réputation auprès de ses habituels clients ? Quelles questions les clients de la marque se posent-ils vis-à-vis de la marque lorsqu'ils prennent connaissance de cette initiative ? Ils connaissent bien la qualité des produits des collections traditionnelles de la marque qu'ils apprécient au travers de leur expérience de consommation. La réputation n’est pas, en ce qui les concerne, utile puisqu’ils connaissent d’expérience la marque. Versace pour H&M propose des produits de qualité moindre de celle des produits qu'ils achètent et ne sont pas directement concernés par ces produits-là. Des études ont montré que les consommateurs habituels des marques de luxe ne sont pas affectés par de telles initiatives.

    Cependant, ce type d'initiatives affectera certains prospects de la marque. En effet, les prétendants à l'acquisition des produits griffés, qui cherchent par l'acquisition d'une marque de luxe à montrer leur réussite sociale, seront contrariés par cette initiative. En effet, les néophytes auprès desquels ils souhaitent briller pourraient penser qu'il s'agit d'un produit de la gamme Versace pour H&M. Finalement, cette initiative sera plébiscitée par des consommateurs qui n'ont pas les moyens et qui trouveront dans la collection Versace pour H&M le moyen d'accéder à un design typique de la marque à un cout très abordable. Seule une des trois cibles, à savoir les personnes qui achètent les produits de la marque comme emblème de leur prétendue condition sociale supérieure sera affectée. La marque devra si elle le souhaite répondre à leur questionnement. Les autres cibles, à savoir les clients habituels de la marque et les personnes qui n'ont pas les moyens pour accéder aux produits de haute couture ou au prêt-à-porter de luxe, ne sont pas sensibles à l'idée de risque de dégradation de l’image de qualité des produits de luxe de la marque. Les premiers parce qu'ils disposent une appréciation directe de la qualité des produits qui découle de leur usage. Les seconds parce qu'ils ne sont pas concernés par les produits de luxe.

    De cette histoire nous tirons la conclusion que toutes les cibles d'une marque ne sont pas concernées de la même manière par une initiative de la marque de proposer une extension de gamme. Il conviendra d'apporter une réponse uniquement aux cibles qui se posent des questions. Mais dans le cas qui vient d'être présenté, la maison de couture pourrait tirer un bénéfice de cette initiative en se séparant des clients qui n'achètent pas ses produits pour de bonnes raisons. Car les clients font aussi la réputation d’une marque !

    mercredi 9 mai 2012

    La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (3)


    Ce billet fait suite à deux premiers billets publiés il y a déjà quelques jours. Pour les lire, vous pouvez cliquer sur les liens suivants (billet 1, billet 2).

    Dans les premiers billets, je présentais la réputation comme un succédané pour une information parfaite, complète et pertinente, mais une information qui n'est malheureusement pas à notre disposition pour prendre une décision ou porter un jugement au moment nécessaire.

    Le billet d'aujourd'hui présente quelques moments de l'histoire au cours desquels la réputation a joué un rôle important. Chacun d'entre nous garde en tête plusieurs de ces faits historiques. Je vais donc essayer ici de vous surprendre en évoquant trois courtes histoires. J'ai sélectionné ces histoires pour ce qu'elles nous apprennent sur le concept de réputation.

    Première histoire : en 2005, Barry Marshall et Robin Warren reçoivent le prix Nobel de médecine. Pourtant leurs travaux n'avaient reçu aucun intérêt de la part de la communauté médicale lors de leur publication en 1980. En effet quelle crédibilité pouvait-on accorder à l'article deux jeunes praticiens hospitaliers et qui portait sur un sujet relativement éloigné de leur champ de compétence ? Par ailleurs, dans cet article ils montraient que les ulcères gastriques étaient très probablement d'origine bactérienne. Il s'agissait d'une hypothèse qui tranchait alors avec les hypothèses communément admises dans l'étiologie des ulcères gastriques. Autant dire que leurs travaux furent reçus avec un profond dédain. Comment les travaux de deux médecins hospitaliers, dans l'occurrence des non-chercheurs, pourraient-ils donc s'avérer d'un quelconque intérêt ? Le caractère particulièrement innovant de leurs travaux les plaçait dans la catégorie Science-Fiction. Et pourtant leur article répondait à tous les critères de la plus haute qualité scientifique. Les lecteurs pouvaient s'en assurer en effectuant une lecture attentive de leur article. Petit hôpital, petite revue, etc., d'autres indices ne plaidaient pas en leur faveur.

    Cette courte histoire souligne que pour former un jugement une personne repose souvent sur un stéréotype, c'est-à-dire sur une représentation que l'on se fait sur un groupe en faisant abstraction des particularités des individus dont on cherche à apprécier la qualité. Les stéréotypes souvent des emprunts sociaux. On le sait bien : « Les agriculteurs sont ... », « La grande distribution est ... », « Les enseignants sont tous ... » Cela même, si l'on n’a jamais été au contact d'un agriculteur, jamais travaillé chez un distributeur ou pour l'un de ses partenaires commerciaux, etc.

    On peut tirer plusieurs conclusions de cette première histoire. La réputation est à l'évidence un actif partagé par une communauté d'entités similaires. La réputation de la communauté est extrapolée sur les entités spécifiques qui la composent, même si l'on sait que chacune des entités est singulière. Certains faits sont occultés. Ainsi, on pourrait reconnaitre une certaine forme d'éloignement des standards de leur communauté à deux médecins qui publient un article scientifique dans une revue médicale où habituellement seulement des chercheurs exposent leurs travaux. Dans cette compétition entre indices, on peut penser que seuls ceux qui confirment un présupposé sont pris en considération. Le corollaire est que la gestion de cet actif partagé incombe implicitement à tous les membres de la communauté. Le comportement de certains peut être préjudiciable à la réputation de la communauté et de chacun de ses membres.

    Seconde histoire : John Akerlof a reçu le prix Nobel d'économie en 2001. Une de ses publications les plus connues est son article de 1970 intitulé « Market for lemons. » Dans cet article il modélise et explique l'intérêt de vieux dictons comme celui de Gresham (vers 1550) selon lequel « la mauvaise monnaie chasse la bonne monnaie ! » Autrefois, la valeur monétaire d'une pièce de monnaie était équivalant à sa valeur métal. Un marc de 122 g d'or avait une valeur équivalant à la valeur marchande de 122 g d'or. Une pièce était donc de la mauvaise monnaie si son poids ou son contenu était altéré par rapport à la norme en vigueur (poids, pureté minérale). Dans un marché, l'offre est souvent constituée de produits de grande qualité (les pêches ou le bon argent) et de produits de médiocre qualité (les citrons ou le mauvais argent). Il est souvent difficile pour les usagers ou les consommateurs qui ne sont pas des spécialistes de discriminer entre les bons produits et les mauvais produits. Dans ce cas là, dès lors que la proportion de produits de qualité médiocre dépasse un certain seuil, alors les usagers ou les consommateurs n'acceptent plus de prendre de risque. À savoir, de recevoir de la mauvaise monnaie qu'il ne pourrait pas éventuellement échanger contre des biens ultérieurement ou d'acheter un produit de médiocre qualité qu'un fournisseur proposerait au niveau de prix d'un produit de qualité supérieure. On est en mesure d'observer aujourd'hui ce comportement chez les commerçants qui refusent des coupures d'un montant élevé. Certaines d'entre elles sont, parait-il des contrefaçons !

    Cette histoire suggère aussi quelques conclusions intéressantes. Comme dans la première histoire, on constate que la réputation est un actif partagé et qu'il affecte sans discernement et également toutes les entités dont on ne peut déterminer la qualité, quels soient des pêches ou des citrons ? Notons que, dans ces conditions, c'est l'ensemble du marché qui est touché, qu'il est en risque de ne plus fonctionner du tout.

    Notons également qu'une rumeur suffit dans ces conditions pour bloquer le marché. Il suffit de faire courir de la rumeur que certaines coupures de 100 € sont des contrefaçons pour qu'un comportement de précaution s'active vis-à-vis de toutes coupures de ce montant. Il n'est pas nécessaire que cette rumeur soit véridique, il suffit qu'elle soit crédible.

    Comment discerner entre les bons et les mauvais produits ? C'est le rôle central des labels de qualité et des agences de notation (lesquelles sont si souvent décriées). Le néophyte, qui ne peut lui-même faire la différence entre les bons produits et les mauvais produits, se repose sur des indicateurs de qualité, comme des labels de qualité, ou l'avis de tiers. Ceux-ci peuvent être des entreprises qui référencent le produit comme les distributeurs ou des ouvrages de référence comme des guides tels que le guide Hachette des vins. Mais que le label manque de crédibilité, que le distributeur soit négligent dans le choix des produits qu'il référence ou que l'agence de notation ou le guide propose de classement douteux, alors leur (mauvaise) réputation affecte tous les produits sous leur responsabilité.

    Cette observation suggère que la réputation peut passer de l'organisme qui garantit la qualité au produit. Par ailleurs, un restaurateur qui est réputé pour la qualité de ses vins peut espéré retirer un bénéfice de cette réputation comme il peut bénéficier de la bonne réputation d'un vin en particulier. La transmission de la réputation peut donc s'effectuer dans les deux sens du vendeur vers le produit et du produit vers le vendeur.

    Troisième histoire : Sam Walton avait l'habitude de dire que pour réussir dans la vie il fallait souvent « nager à contre-courant. » [>Rule 10: Swim upstream. Go the other way. Ignore the conventional wisdom. If everybody is doing it one way, there's a good chance you can find your niche by going in exactly the opposite direction.] Sam Walton est le fondateur de Walmart le premier distributeur alimentaire au monde (440 milliards de dollars de chiffre d'affaires, 2,2 millions de collaborateurs, plus de 10 000 magasins sous 65 enseignes dans 27 pays). Il faut savoir qu'au moment d'implanter son premier magasin, les responsables des enseignes concurrentes pensaient qu'il n'était pas profitable d'installer un magasin général dans une petite ville. Sam Walton découvrit que les fondations de cette règle ancienne manquaient de substance. Il décida donc d'installer un magasin dans une petite ville et celui-ci rencontra un vif succès. La petite histoire nous apprend que les responsables des enseignes concurrentes pensaient toujours qu'il n'était pas profitable d'installer un magasin dans des petites villes alors que Sam Walton ouvrit, toujours avec beaucoup de succès, son 100e magasin dans une petite ville et qu'entre eux ils prophétisaient la fin de son entreprise Walmart. Mais, c'est la réaction que les boutiquiers avaient eue des années auparavant en prédisant la mort du magasin « Le bon marché », le premier libre service et probablement l'inventeur du discount.

    À mon avis, cette histoire nous apprend trois choses.
    1. La réputation porte aussi sur des principes, des règles de gestion.
    2. La réputation peut perdurer sur une longue période même si elle est erronée. Elle perdurera d'autant plus longtemps que la communauté auprès de laquelle elle exerce son influence continue à la véhiculer.
    3. On peut éventuellement tirer un bénéfice d'une réputation erronée. Il est nécessaire pour cela de s'assurer qu'une réputation est erronée et ensuite d'adopter une position contraire à celle adoptée par les croyants. Certains acheteurs recherchent les produits « décotés », mais dont la qualité n'est pas à remettre en question. Par exemple, les tablettes HP qui ont été retirées du marché sont considérées par les experts comme d'excellente qualité... mais leur prix n'est qu'une fraction de celle du fameux iPad (ce fait constitue probablement une rumeur). Vous pourrez également observer les bénéfices de ce comportement en regardant un film intitulé le stratège.
    Dans ce film, un ancien joueur de baseball prometteur, mais qui n'a pas réussi sur le terrain, décide de tenter sa chance comme General Manager (DG) d'une équipe. Alors que son équipe vient de perdre ses meilleurs joueurs et que son budget est limité, il cherche des solutions innovantes pour former une grande équipe. Il va, malgré l'opposition de son équipe de recruteurs, s’intéresser à des joueurs décotés : trop vieux, blessés ou avec un comportement difficile, etc. ... Une équipe qui de l'avis unanime des commentateurs n'a aucune chance. Mais une équipe qui rivalisera finalement avec les meilleures pour le titre national.


    Ces trois petites histoires montrent combien lorsque l'on est confronté à des situations d'asymétrie de l'information, la réputation est importante. Elle peut jouer dans les deux sens, en faveur ou en défaveur d'une personne ou d'un produit. Elle est assurée par plusieurs mécanismes : label, agence de notation, référencement, etc. dont la réputation devient à son tour alors particulièrement importante pour assurer la réputation des produits concernés.



    Pour donner à penser à mes lecteurs, voici une petite étude de cas et un dilemme. Souvent, les professions sont régies par des ordres (l'ordre des pharmaciens, des médecins, des avocats, etc.) ou des associations professionnelles. Parfois, certains membres s'engagent dans des pratiques qui pourraient être considérées du point de vue des usagers comme problématique. Dans ce cas-là, que doivent faire les organismes ordinaux ? Faut-il punir les membres dont les pratiques pourraient être considérées comme problématique et alors jeter le discrédit sur la profession en révélant ces pratiques ? Dans ce cas, les instances ordinales conservent une bonne réputation auprès du public et des instances gouvernementales. Faut-il, au contraire, être souple avec ces comportements tant qu'ils ne sont pas ouvertement incompatibles avec les lois de la république et donc les couvrir implicitement ? Les instances ordinales risquent alors de perdre leur réputation !

    samedi 5 mai 2012

    La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (2)

    Ce second billet fait suite à un premier billet publié il y a quelques jours sur le même sujet.

    J'aime souvent faire référence à une expérience réalisée par Brian Wansink, professeur de marketing à l'Université de Cornell aux USA, pour exposer le rôle de la réputation, le contexte dans lequel elle est particulièrement utile et ses supports. L'expérience consiste à mesurer l'effet sur la satisfaction des convives d'un restaurant lorsqu'on leur offre un verre de vin en attendant de les accompagner à leur table. Avec cette expérience, le restaurateur se pose la question de savoir s'il doit proposer quel vin proposer et comment le présenter. Dans cette expérience, une seule chose va changer : la présentation du vin. Le reste, à savoir le vin, le verre, la température de service, le menu, etc., sera équivalent entre tous les convives.

    À 50 % d'entre eux, le serveur présentera le vin comme venant d'un domaine Californien... et à 50 % d'entre eux, le serveur présentera le vin comme un vin du North Dakota. La première région est réputée pour ses vins, alors que la seconde région n'est pas réputée pour ses vins (à ma connaissance on ne produit pas de vin dans cet état). L'effet des variations incontrôlées sur d'autres aspects du repas qui pourrait affecter la satisfaction du consommateur sera atténué par la répétition de l'expérience et leur prise en considération lors du traitement statistique. Les variables utilisées pour appréhender la satisfaction des convives sont, par exemple la durée de la présence dans l'établissement — car on reste dans un restaurant si on y passe un bon moment -- le nombre des assiettes terminées, etc. Lorsque le vin est présenté comme un vin de Californie, les indicateurs de la satisfaction atteignent des valeurs supérieures à celles obtenues lorsque l'on indique que le vin vient du North Dakota.

    Voici l'analyse que je vous propose de cette expérience. Brian Wansink utilise lui cette expérience pour souligner les effets de levier que certains aspects a priori anodins peuvent exercer sur la consommation alimentaire et la satisfaction. Il convient de se rappeler que le vin est un cadeau offert par le restaurateur à ses convives pour les faire patienter en attendant de les accompagner à leur table. Dans ce contexte, le convive peut se demander quelle valeur le restaurateur attribue à son commerce. On traite les convives de marque avec respect... et on leur offre un vin de qualité plutôt qu'un petit vin... Or lorsque l'on n'est pas en mesure d'apprécier directement la qualité d'un vin par l'expérience, c'est-à-dire en le goûtant, alors on doit se reposer pour en apprécier la valeur sur des indices. Dans ce contexte d'évaluation, le premier indice dont on peut se saisir est la région d'origine du vin. Est-elle réputée pour ses vins ? Si elle ne l'est pas, les chances pour que le vin soit de grande valeur sont réduites. Elles sont plus importantes lorsque le vin vient d'une région réputée pour la qualité de ses produits. Autant dire les vins de Californie ont une excellente réputation, ce qui n'est pas le cas pour le North Dakota qui est connu comme l'état des « high plains » et pour ses productions de grains et d'oléagineux. Pour répondre à la question « Suis-je considéré comme un hôte de marque ? », la réputation de la région d'origine offre un bon indice... et lorsqu'il n'y a qu'un seul indice disponible, alors son importance est encore plus grande.

    Avant de conclure ce second carnet de la série « La réputation : huit leviers pour améliorer la compétitivité », je souhaiterais rappeler que la réputation est une représentation mentale et préciser que celles-ci sont composées d'associations stockées dans nos mémoires. Les représentations mentales peuvent être autobiographiques ou empruntées ; elles peuvent être conscientes ou inconscientes.

    Elles sont autobiographiques lorsque l'on fait référence aux expériences de son passé. Elles sont empruntées lorsque l'on se repose sur des ouï-dire. Ainsi nous avions constaté que l'idée selon laquelle les fruits sont chers est une idée souvent empruntée. Pour s'en assurer, il suffit de demander le prix d'un kilogramme de pommes, de poires ou encore de fraises à une personne qui vous soutient que les fruits sont chers. Nous avons observé que dans plus de 50 % des cas, la personne n'avait aucune idée du prix des fruits les plus fréquents sur un étal (lire le Cahier n°12 : "trop cher! " - Mais est-ce bien une question de prix ? Ce cahier et les autres cahiers de la Chaire sont disponibles gratuitement auprès de Christine Cantrel - cantrel@essec.fr) L'idée est donc parfois empruntée. Il s'agit d'une vérité sociale qui est souvent véhiculée dans la presse, et à laquelle on ne peut s'opposer sans entacher sa propre réputation. J'oppose ici une réalité sociale à une réalité subjective, l'appréciation personnelle (et donc par nature subjective) d'une chose observée. Car il y a une différence de nature entre l'appréciation de celui ou celle qui juge que les fruits sont (ou ne sont pas) chers en connaissance de cause et celui ou celle qui véhicule une idée qui lui a été transmise par les médias ou le bouche-à-oreille. C'est ici que l'on peut parler de réputation. Mais la question n'est pas aussi facile à trancher... Il est possible qu'une vérité sociale transforme l'appréciation subjective réalisée en connaissance de cause. Pour illustrer mes propos : Robert Parker. Ce fameux critique américain de vins aurait, parait-il, fait adopter ses propres goûts à des milliers de passionnés qui lisaient dans la presse ses critiques ou achetaient ses guides. Un vin noté 95/100 par Robert Parker devenait, ipso facto, la référence pour de nombreux dégustateurs amateurs. Et de fait un très bon vin.

    En attendant la publication du prochain billet de cette série, voici une petite question de vocabulaire. On parle parfois de « remède de bonne femme. » Mais quel est donc le rôle des femmes dans cette histoire?

    Olivier Fourcadet

    samedi 28 avril 2012

    La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (1)

    La Société des Agriculteurs de France (SAF) m'avait demandé de préparer un dossier sur le sujet « Réputation et compétitivité des entreprises » pour les Entretiens de la Rue d'Athènes du 25 janvier 2012 dont le thème était : « Filière alimentaire : les nouveaux enjeux de sa réputation et de sa compétitivité. »
     
    Vous trouverez ici, et dans les billets suivants, les points les plus saillants de ma présentation de ce jour-là.
     
    * *
    On admet généralement que la réputation est une idée commune sur quelqu'un ou sur quelque chose. Autrement dit, il s'agit d'une représentation mentale que chacun d'entre nous peut avoir d'une personne, d'une entreprise, d'un produit, d'un service, etc. La définition ci-dessus précise que la réputation est en général partagée (commune) et l'on doit donc suspecter que la réputation d'une chose se transmet de bouche à oreille et par d'autres médias. Je soulignerais ici une différence entre la notoriété et la réputation, la première mesure la présence d'une représentation dans une population donnée et la seconde porte sur le contenu des représentations. Ainsi la notoriété peut être forte ou faible, mais la réputation peut être bonne ou mauvaise. Une marque aura tout intérêt à disposer d'une forte notoriété et d'une excellente réputation.
    Notons que les représentations mentales sont personnelles, même si elles peuvent être « partagées » entre plusieurs personnes. Et comme toutes les représentations mentales, elles peuvent être modifiées et se trouver altérées au cours du temps. Pour une entreprise, sa réputation, par exemple auprès des consommateurs, peut donc faire l'objet d'une construction. Les règles de construction d’une bonne réputation sont un sujet en lui-même.
     
    Précisons le concept de réputation, car il existe d'autres représentations mentales d'une marque, par exemple l'image de marque. Dans l'ensemble des représentations mentales dont nous disposons, la réputation est, en quelque sorte, un résumé de nos représentations mentales que l'on pourrait rapidement transmettre à un tiers ou mobiliser aussi rapidement si l'on devait prendre une décision vis-à-vis d’une marque, d’une personne ou encore d’une entreprise. C'est dans un schéma de recommandation ou décision que la réputation possède un grand intérêt.
     
    Je préfère donc définir la réputation comme la réponse à une question, ou un petit nombre de questions, que tout un chacun peut se poser à un moment critique d'un processus de décision, comme celui d'acheter ou de ne pas acheter un produit lorsque l'on se trouve dans le rayon du magasin. Alors que notre regard se porte sur les produits qui sont exposés sur les étagères d’un rayon, nous nous demandons lequel acheter. Supposons que nous ne connaissions aucun des produits proposés. C'est dans ce contexte-là que la réputation peut jouer. Des représentations mentales viennent souvent à l'esprit sous la forme d'une courte phrase : « trop gras », « très bon », « trop cher », « se conserve bien ».... quelques clichés qui viennent spontanément à l'esprit est sur lesquels on se repose pour aller plus loin avec ce produit. La réputation permet ce premier pas vers l'achat.
     
    Quels sont les deux points clefs de cette mise en contexte ?
    1. une situation de décision
    2. une connaissance limitée sur la qualité des options proposée

    A ces deux aspects, on peut ajouter une relative incertitude sur les critères à prendre en compte pour former une décision…

    C’est dans de tels contextes que la réputation va pleinement s’épanouir !

    * *

    Ce premier billet trouve ici sa conclusion. J'espère vous retrouver très bientôt pour un second billet sur le thème de la réputation.

     

    Je vous propose de répondre au questionnaire d’une étude sur le thème du non-achat. On s’intéresse souvent aux raisons pour lesquelles on achète un produit et rarement aux raisons pour lesquelles on n’achète pas un produit. Répondre au questionnaire ne prend que quelques minutes. Par avance un grand merci pour votre aide.

    Questionnaire : les raisons de ne pas acheter un produit alimentaire

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