L'article
du Financial Times du 3 janvier sur l'estimation des coûts associés au
changement climatique de Louise Lucas m'a particulièrement interpellé.
D'après
la Nationale Farmers' Union, c'est une perte de plus de 1.3 milliard de livres
sterling (1,5 milliard d'€) que les évènements extrêmes, imputables au
changement climatique, ont causé à l'agriculture anglaise. Ainsi, le rendement
du blé a été de 15 % plus faible que celui de la moyenne des cinq dernières
années ; celui de la pomme de terre a été égal à 75 % de celui de l'année 2011
et le plus bas depuis 1976. La Grande-Bretagne est devenue un importateur net de
blé, un évènement rare depuis de nombreuses années.

Alors
que l'on discute les contours d'une nouvelle politique agriculture commune, il
me parait judicieux de suggérer à nos représentants de favoriser la mise en
oeuvre de dispositifs permettant d'atténuer les effets du changement climatique
sur la production agricole. Rappelons que le changement climatique est
caractérisé par une évolution lente des moyennes (par exemple une augmentation
de la température moyenne), mais surtout par un accroissement de la fréquence
des phénomènes climatiques extrêmes (
lire mon billet à ce sujet).
Il
existe plusieurs moyens pour atténuer les effets du changement climatique. Alors
qu'il est difficile d'envisager de changer le climat dans le court terme, c'est contre ses effets qu'il faut se protéger.
La
première démarche consiste à favoriser une agriculture moins sensible au climat.
Pour certaines productions, une migration vers une agriculture en environnement
totalement (ou partiellement) contrôlé peut être envisagée. Mais ce n'est pas le
cas pour les grandes cultures que l'on ne peut mettre sous serre qu'avec un
coût exorbitant (sauf à inventer de nouvelles technologies ou bien démultiplier
la productivité). Pour celle-ci, l’hétérospécificité des choix culturaux peut
offrir une possibilité d'assurance contre des pertes de production
importantes.
L'hétérospécificité
des choix culturaux est une démarche qui consiste à optimiser les choix des
cultures et des variétés compte tenu de la typologie des sols et de
l'anticipation que l'on forme sur la distribution des évènements climatiques
dans une région. Il n'y a là rien de nouveau. Mais alors que l'optimisation est
habituellement réalisée pour obtenir
le rendement moyen (que l'on prend seul
en considération) le plus élevé
pour une exploitation. Lorsque le risque est d'amplitude et de fréquence
faibles, on peut faire abstraction de sa variation. Mais lorsque le risque est
important en amplitude et en fréquence, on ne peut plus ne pas le prendre en
compte. La démarche habituelle est altérée sur deux aspects :
- En premier lieu, on prend en compte le rendement moyen ET sa variation imputable au changement climatique. La
technique mise en oeuvre ici n'est substantiellement pas différente de
l'approche proposée par Harry Markowitz, prix Nobel d'économie en 1990, pour la
gestion des portefeuilles financiers composés de produits financiers.
- En second lieu, le modèle prend en compte l'intérêt de l'association entre
des agriculteurs exposer de manière différente au risque climatique. La nature
de la différence d'exposition est ici un critère important pour le succès de la
mitigation des risques.
Comme cette technique n'est pas
encore déployée, il est difficile d'obtenir des données de terrain. Cependant,
le recours à des simulations souligne l'intérêt de l'hétérospécificité des choix
culturaux.
Pour en savoir plus sur cette technique lire un article sur ce sujet (suivre ce lien).
L'agroforestry, association entre
les cultures agricoles et la production de bois, présente également des pistes
intéressantes d'atténuation des effets climatiques.
Finalement, on peut toujours
suggérer de compenser les pertes imputables aux évènements extrêmes. Cette
solution apparaît la plus facile à mettre en oeuvre, mais elle présente quelques
problèmes. Il est concevable de mettre en oeuvre une politique s'il y a
redistribution entre la production et la consommation. Les politiques agricoles
qui favorisent la production permettent aux consommateurs de bénéficier de prix
bas. Il s'agit d'un gain pour le consommateur. Il n'apparaît pas injuste de
récompenser l'agriculture sous la forme de subvention.
Dans le cas de pertes de production
imputables au changement climatique, le prix à la consommation augmente. Le
consommateur comme l'agriculteur sont pénalisés. Les gains de l'un ne peuvent
compenser le manque à gagner de l'autre, puis les effets sont négatifs sur les
uns comme sur les autres.