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samedi 22 avril 2017

PsychoFood 15 - Nous mangeons (encore plus) avec les yeux !

En 2013, j'avais publié un billet intitulé "Nous mangeons (aussi) avec les yeux!" (7e billet de la série PyschoFood).  En substance, le billet indiquait : l'information visuelle affecte notre perception gustative ou olfactive ! Les sens interagissent entre eux. Si nous ne mangeons pas avec nos yeux, ils jouent cependant un rôle dans l'appréciation d'un mets.


Une équipe internationale s'est intéressée à l'activité des neurones du centre de la motivation alimentaire des poissons-zèbres en présence d'une proie. Ils ont découvert que la visualisation d'une proie par un poisson-zèbre activait le centre de la motivation alimentaire. Autrement dit, l'envie de manger un produit est déclenchée par sa vue. Cette équipe localisée au Japon a probablement été inspirée dans sa recherche par la pratique de nombreux restaurants de ce pays: à savoir, proposer une photographie des plats à l'entrée des restaurants et dans les menus. Un moyen pour nous inviter à entrer et à consommer.  



Les billets de la série PyschoFood mettent en relation l'alimentation, la psychologie et les neurosciences.

lundi 2 janvier 2017

PsychoFood 14 : Messieurs, en 2017, pour être attirant il faut raser votre barbe et manger de l'ail !

J'ajoute ce billet à la série psycho-food. Une manière amusante d'explorer l'alimentation, de la fourche à la fourchette, c'est de s'interroger sur la relation psychologique que nous entretenons avec notre alimentation. J'ai l'intuition qu'il y a là de belles découvertes à partager.

Nous connaissons tous l'odeur désagréable que la consommation de l'ail donne à l'haleine et les propriétés de cette consommation ou de son usage pour la santé. Par exemple, Louis Pasteur avait montré que l'ail avait des propriétés bactériostatiques, lesquelles furent autrefois utilisées pour lutter contre la gangrène. 

Nous connaissons probablement moins le rôle que jouent les odeurs corporelles sur l'attirance entre partenaires. Le secteur de la parfumerie nous le rappelle cependant. Trois chercheurs (Jitka Fialová, Jan Havlíček et S. Craig Roberts) se sont intéressés à l'effet de la consommation d'ail sur la perception des odeurs corporelles (essentiellement les odeurs des aisselles). Pour cela, ils ont monté plusieurs expériences au cours desquelles des hommes consommaient de l'ail sous plusieurs formes et un panel de femmes appréciait les odeurs corporelles. Les hommes répartis en deux groupes consommaient une tranche de pain avec du fromage et 6 grammes d'ail (la dose journalière recommandée) pour ceux du premier groupe et sans ail pour ceux du second groupe. La dose a été augmentée à 12 grammes dans une seconde expérience et remplacée par une gélule de 100à mg d'extrait d'ail (une dose équivalente à 12 grammes d'ail frais) lors d'une troisième expérience. Tous les participants devaient ne pas boire d'alcool, manger des produits susceptibles d'interférer avec l'expérience, de se parfumer, d'utiliser des désodorisants, etc. 

Les odeurs corporelles ont été recueillies par l'intermédiaire de tampons de démaquillage en coton placés sous leurs aisselles. Les tampons ont ensuite été présentés en paire (un issu d'un mangeur d'ail et l'autre d'un non-consommateur d'ail). Pour chacune des variables mesurées, les évaluatrices, toutes des femmes, devaient donner deux notes non identiques aux deux tampons (méthode des choix forcés). Les odeurs ont été évaluées sur les quatre descripteurs suivants: plaisant, attirant, masculin et intense. 



Les odeurs d'aisselle des mangeurs d'ail ont été considérées comme significativement plus plaisantes et attirantes que celles des non-mangeurs d'ail et la masculinité (virilité) et l'intensité moins forte. Comment expliquer ces résultats ? La perspective évolutionniste apporte une possible explication à ces notations. Si la sélection d'un partenaire sexuel (ici par les femmes) est centrée sur la recherche d’un partenaire qui prend soin de leur santé, l'odeur corporelle produite par la consommation d'ail peut être un signal de ce comportement. 

Messieurs, osez l'aventure ... mangez de l'ail... 




Les billets de la série PyschoFood mettent en relation l'alimentation et la psychologie.

vendredi 3 janvier 2014

PsychoFood 11: les achats d'impulsion - L'hypothèse de l'attention.


Un article publié dans la revue Scientific American MIND (janvier 2014) et intitulé "freeing up intelligence" a attiré mon attention. Parlons justement d'attention ! Les deux auteurs, Sendhil Mullainathan et Eldar Shafir, se sont intéressés aux effets que peut avoir un partage de l'attention sur l'intelligence. Lorsque l'on est préoccupé ou distrait, une partie de l'attention que l'on devrait consacrer à une tâche est alors réduite. Les performances intellectuelles sont alors réduites. Les auteurs donnent plusieurs exemples. Dans une école aux États Unis, certaines classes donnent sur une voie de chemin de fer, alors que d'autres sont à l'abri des bruits que font les trains qui circulent régulièrement sur la voie. Les performances scolaires des étudiants sont substantiellement différentes entre les deux types de classe, celles exposées aux bruits des trains et celles qui ne le sont pas. Le bruit des trains capture une partie de la bande passante de l'attention.

Bon ! Et alors ! Quelle est donc la relation entre ces faits et la promesse du titre de ce billet ? Nous y venons. Le déficit d'attention affecte la performance intellectuelle, mais elle perturbe également la fonction dite exécutive du cerveau. Celle-ci est l'équivalent du centre de contrôle du cerveau. Si elle est perturbée, une personne éprouve des difficultés à contrôler son comportement... Par exemple, son comportement d'achat. Cette personne devient alors plus impulsive.

Comment parvient-on à cette conclusion ? Plusieurs expériences produisent en laboratoire des comportements incontrôlés. Les auteurs en citent plusieurs réalisées avec des produits alimentaires. Dans toutes les expériences, l'attention des personnes est captée par une tâche intellectuelle, par exemple par une tâche de mémorisation. Les tâches proposées sont plus ou moins exigeantes en "bande passante." Autrement dit, elle utilise plus ou moins des capacités d'attention. Dans une des expériences, un plat chinois à base de volaille est proposé à des étudiants américains. Cependant, les pattes des volatiles sont présentes dans leur totalité ce qui rend l'ensemble pas très appétissant. La réponse des étudiants est différente selon le conditionnement. Lorsque la tâche intellectuelle ne consommait qu'une partie limitée de la bande passante, les réponses des étudiants pouvaient être qualifiées de "civilisées". Ce n'était pas le cas lorsque la tâche intellectuelle proposée exigeait une grande quantité de bande passante. Dans ce cas, on peut dire de manière vulgaire que "les étudiants se lâchaient" et ils tenaient des propos peu civilisés (voir insultant pour le cuisinier chinois).

Ces travaux suggèrent que l'on pourrait augmenter le taux des achats impulsifs si l'on était en mesure, par exemple sur le lieu de vente, de consommer une partie de la bande passante des clients. Les opportunités ne manquent pas !


Les cahiers de la série PyschoFood mettent en relation l'alimentation et la psychologie.
* * 

J'espère que les spécialistes de l'attention me pardonneront mes simplifications abusives sur l'attention et le concept de bande passante.

mardi 17 septembre 2013

PsychoFood 10 - Accorder le vin avec la ...... musique ou l'inverse !

Dans un billet de la série PsyhcoFood, je me faisais l'écho de recherche sur le rôle de la vision dans l'appréciation des produits alimentaires. Adrian North de l'université Heriot Watt d’Édimbourg s'est intéressé au rôle de la musique dans l'appréciation du vin. Plusieurs études ont déjà tenté d'explorer le rôle de la musique sur l'achat de vin. Par exemple, Areni et Kim ont trouvé en 1993 que l'utilisation de la musique classique dans un magasin de vin favorisait l'achat de vins onéreux. Ils ont également trouvé que les vins français étaient fréquemment plus achetés si l'on jouait de la musique avec des airs français dans le rayon d'un supermarché et les vins allemands si la musique jouée était perçue comme allemande.  La musique classique favorise également la dépense dans les restaurants. A-t-elle un effet sur l'appréciation du goût du vin ?

Pour répondre à cette question Adrian North a travaillé avec un producteur de vin. Dans un premier temps, il a demandé à quelques étudiants d'associer une musique (parmi plusieurs musiques proposées) avec des paires de descripteurs du vin proposés par le producteur, comme subtil ou raffiné. De cette manière, on peut produire un accord entre un vin et une musique. Quatre musiques ont été sélectionnées qui correspondent aux paires de descripteurs. 
Dans un second temps, 250 étudiants ont été recrutés sur la promesse d'un verre de vin s'ils répondaient à quelques questions concernant ce vin. L'expérience a consisté à faire apprécier deux vins (un blanc et un rouge) dans un environnement sans musique ou avec l'une des 4 pièces de musiques sélectionnées. On a proposé aux participants de noter leur appréciation du vin selon les 4 paires de descripteurs (chacune est en accord avec une musique, dont celle écoutée par un participant), puis d'indiquer s'ils ont aimé le vin (0 = pas du tout, 10 = beaucoup). Finalement, on a demandé aux participants d'apprécier la musique, puis d'encercler parmi les 4 paires de descripteurs la paire en accord avec la musique proposée. Seulement quatre participants sur 250 n'ont pas réalisé la bonne association. Leurs données ont été éliminées de l'analyse finale et ils ont été remplacés par quatre autres personnes.

Quels sont les résultats de ces tests ?  La paire qui décrit le mieux un vin est influencée par la musique proposée. Ainsi un vin sera plutôt considéré comme "subtil et raffiné" si la musique en écoute est elle-même "subtile et raffinée." Ces résultats sont intéressants : lorsque l'on goûte un vin, ce sont les caractères de la musique que l'on entend dans le vin. La musique est donc en position d'influencer la perception d'un vin. Corollaire : il convient de sélectionner une musique cohérente avec les descripteurs du vin que l'on souhaite promouvoir. Dans le cas contraire, on risque de produire une dissonance qui sera préjudiciable à la crédibilité de l'énoncé des descripteurs du vin proposé. L'auteur pense que la musique pourrait servir de médium pour communiquer les qualités d'un vin. Une musique généreuse pourrait contribuer à révéler le caractère généreux d'un vin.

Bien que les résultats de l'étude ne soient pas concluants quant à l'appréciation du vin (aime ou n'aime pas le vin) et de la musique... On doit cependant s'interroger sur les effets de la musique. Est ce que le Rap ou la techno sont des musiques en adéquation avec le vin ? Peut-on les utiliser pour promouvoir la consommation modérée de vin auprès des aficionados de ces musiques ?  

Les cahiers de la série PyschoFood mettent en relation l'alimentation et la psychologie.

[Charles S. Areni and David Kim (1993) ,"The Influence of Background Music on Shopping Behavior: Classical Versus Top-Forty Music in a Wine Store", in NA - Advances in Consumer Research Volume 20, eds. Leigh McAlister and Michael L. Rothschild, Provo, UT : Association for Consumer Research, Pages: 336-340.]

J'ai également trouvé les référence d'un livre qui pourrait prolonger cette exp
loration sur la relation entre le vin et la musique.

jeudi 29 août 2013

PsychoFood 8 : La force (de l'autosuggestion) du BIO ?

Dans un article datant du mois de juillet 2013, Wan-chen Jenny Lee, Mitsuru Shimizu, Kevin M. Kniffin et Brian Wansink se sont interrogés sur la possibilité d'un biais d'appréciation associé avec les produits issus de l'agriculture biologique. Par exemple, sommes-nous enclins à attribuer des vertus à un produit si l'on sait que ce produit est de marque ou qu'il est labellisé ? 

L'approche expérimentale permet d'estimer si notre jugement est influencé. 115 personnes ont participé à un test au cours duquel on leur a demandé de comparer deux échantillons identiques de trois produits (un biscuit, des chips de pommes de terre et un yogourt). L'un des échantillons était labellisé BIO (organic) et l'autre standard (regular). L'influence de l'étiquette se matérialise par un jugement différent entre les deux échantillons (c'est le seul élément différent entre les deux échantillons). Ces chercheurs ont demandé aux sujets d'apprécier plusieurs dimensions :
  • Nombre de calories
  • Aspects nutritionnels - matières grasses, fibres, nutritifs (échelle avec 9 points)
  • Aspects gustatifs - appétissant, aromatisé, bon goût, goût artificiel (Échelle avec 9 points)
  • Le prix que l'on est prêt à payer pour le produit    (PPP)    

De nombreuses différences d'appréciation ont été observées. Par exemple, une différence de 30 centimes de dollar a été observée sur le PPP (1,95 contre 1,68  pour les biscuits ; 1,74 contre 1,41 pour les chips ; 1,40 contre 1,14 pour les yogourts). On observe des différences très significatives en grand nombre pour les chips.

Ce biais est connu sous le nom d'effet halo. Ici on parle d’effet halo santé. On doit ce terme au psychologue Edward Thorndike qui a observé des erreurs systématiques dans l'appréciation entre les caractéristiques observables de soldats et l'appréciation de leur caractère par deux officiers [ Il avait découvert que l'habit faisait le moine.]  Les effets halo projettent des qualités (positives ou négatives) à partir de caractéristiques directement observables. En économie, le prix est souvent considéré comme un indicateur de qualité et un vin onéreux est ainsi souvent considéré de meilleur goût. Dans la vie en société, un costume bien taillé indique les qualités de celui qui le porte. Plus récemment, des études ont montré que la beauté affecte les chances de succès. 

L'apport significatif de ce travail porte sur les interactions entre l'appréciation des sujets sur les aspects mentionnés ci-dessus et leur attitude et leur comportement  sur :
  • la lecture des informations nutritionnelles
  • l'achat régulier de produits BIO
  • Attentif aux actions favorables à l'environnement

L'effet halo est habituellement considéré comme dépendant d'un processus automatique. Une atténuation ou une amplification de l'effet de halo par une prédisposition suggère que l'effet de halo n'est pas être totalement considéré comme automatique. Les chercheurs ont trouvé que les personnes qui consomment régulièrement des produits BIO sont moins affectées par un effet halo. Le processus mental produisant l'effet halo serait donc moins automatique que ce que les psychologues pensaient puisqu'il est modéré par l'expérience.

D'autres études montrent l'effet pervers que l'effet halo peut avoir sur le comportement alimentaire. G P Faulkner, L K Pourshahidi, J M W Wallace, M A Kerr, T A McCaffrey and M B E Livingstone ont publié en mai 2013 les résultats d'une étude associant des indications concernant la qualité nutritionnelle avec des aspects habituellement associés avec le comportement alimentaire. Leurs résultats suggèrent que les restrictions que certaines personnes s'imposent pourraient s'envoler si le produit est qualifié de sain. Autrement dit, on pourrait facilement consommer plus de calories en mangeant de plus grandes quantités d'un produit allégé qu'en consommant un produit riche en colorie, mais avec modération.

Bon appétit !

Les cahiers de la série PyschoFood mettent en relation l'alimentation et la psychologie.

mardi 23 avril 2013

PsychoFood 7 - Nous mangeons (aussi) avec les yeux !

Quel est le degré de vérité de l'adage « nous mangeons avec nos yeux » ? Il est vrai que nous hésitons à consommer un produit alimentaire s'il ne semble pas très appétissant. C'est un fait que nous rappelle Jeanine F. Delwiche dans un article publié en 2012 dans le journal Physiology and Behavior sur les effets visuels et la gustation.  Mais le fait le plus intéressant est que l'information visuelle affecte notre perception gustative ou olfactive ! Les sens interagissent entre eux. Si nous ne mangeons pas avec les yeux, ils jouent un rôle dans notre appréciation d'un mets.

Dans un article de 2004 et intitulé « The impact of perceptual interactions on perceived flavor », le même auteur présente une carte des interactions entre les différents sens (ci-contre).

Les interactions perceptuelles expliquent cet effet psychologique. De quoi s'agit-il ? La perception d'un stimulus, par exemple visuel, dépend de notre interprétation du signal que le stimulus transporte. Nous savons par ailleurs que le processus d'interprétation est adossé à la recherche d'une cohérence. Autrement dit, notre cerveau cherche à donner sens à une information. L'interprétation du stimulus se fait par l'intermédiaire de nos références autobiographiques, c'est-à-dire la mémoire d'associations d'indices.

Par exemple, notre histoire alimentaire peut nous apprendre qu'une fraise bien mure est, en général, à la fois d'un rouge foncé et très sucré. Cette histoire personnelle forme un triplet {fraise, sucré, rouge foncé} qui sert de référence lors de nouvelles expériences alimentaires.

Imaginez maintenant que l'on vous propose deux yogourts aux fraises, également sucrés, mais dont la couleur diffère par l'intensité de la couleur rouge (rouge pâle / rouge foncé). Il est très probable que le plus coloré  des deux vous donnera l'impression d'être plus sucré que l'autre. C'est un fait qu'un groupe d'étudiants de l'ESSEC a mis en évidence à l'occasion d'un cours de sciences cognitives.

On peut probablement utiliser cet effet pendant une certaine période. Cependant, comme il est fondé sur des références autobiographiques, si celles-ci sont mises à jour au fur et à mesure que l'on consomme un produit l'effet associatif initial va probablement s'atténuer. Cet effet devait inciter les producteurs à être vigilants dans la conduite des tests organoleptiques.


Les cahiers de la série PyschoFood mettent en relation l'alimentation et la psychologie.

vendredi 1 février 2013

PsychoFood 4 : Sommes nous comme nous mangeons !

Une manière d'explorer l'alimentation, de la fourche à la fourchette, c'est de s'interroger sur la relation entre psychologie et alimentation. J'ai l'intuition qu'il y a là de belles découvertes à partager. Ce quatrième billet de la série PsychoFood met en relation le mode de consommation alimentaire et l'impatience.

On connait l'expression « Nous sommes ce que nous mangeons ! ». À celle-ci il convient probablement maintenant d'ajouter « Nous sommes (aussi) comme nous mangeons ! » Deux chercheurs de l'université de Toronto, Cheng-Bo Zhong et Sanford E. DeVoe, ont testé la relation entre l'exposition à des symboles de l'univers des fast-foods et certaines attitudes, comme la patience, mais aussi avec des choix en dehors de la sphère alimentaire. Ces tests ont été réalisés dans les conditions du laboratoire.

Habituellement, les fast-foods sont décriés pour la qualité nutritionnelle de leurs menus. Les chercheurs se sont rarement intéressés aux autres aspects de la culture fast-food et à ses autres effets individuels en dehors de la sphère nutrition-santé. Les expériences réalisées par les chercheurs reposent sur le paradigme psychologique de l'amorçage. Un premier stimulus, l'amorce, influence le comportement d'un sujet lorsqu'on le soumet à un second stimulus. C'est un mécanisme de base de la publicité. Elle opère comme une amorce dont l'objectif est d'orienter le choix du consommateur lorsque celui-ci fait ses courses dans un magasin et qu'il est soumis au second stimulus, le produit. L'amorçage est un vaste champ d'études dans la mesure où ses applications sont très nombreuses et sa compréhension est essentielle pour mieux appréhender les schémas cognitifs et leur fonctionnement. Certains mécanismes sont proches comme le mimétisme. L'amorçage est un mécanisme inconscient ; autrement dit, il opère sans que le sujet s'en rende compte. 

Cheng-Bo Zhong et Sanford E. DeVoe se sont demandé si l'exposition à des symboles associés à l'univers des fast-foods induisait un comportement vis-à-vis du temps différent qu'en leur absence d'exposition. L'univers des fast-foods propose une économie du temps. Celle-ci est susceptible d'altérer la relation qu'un individu entretient avec le temps même en dehors de la sphère alimentaire.  
Les trois expériences mises en oeuvre sont les suivantes :
  1. Les participants sont invités à lire deux textes de taille identique sans mention d'une contrainte de temps. On mesure le temps nécessaire pour lire ces textes. Entre les deux textes, certains sujets sont exposés de manières subliminales à des logos de chaines de fast-food. Leur vitesse de lecture augmente de manière significative. 
  2. On mesure le degré de patience associé avec le choix de produits de consommation. L'amorçage affecte-t-il le choix ? On propose aux participants de choisir un produit dans des paires de produits qui ont les mêmes fonctions, mais dont un des deux est considéré comme significativement plus économe du temps du consommateur. C'est par exemple le cas pour un shampoing 2 en 1 par rapport à un shampoing de base. Dans cette expérience, on a demandé à certains participants de se rappeler un repas dans un fast-food avant de classer les 8 produits par ordre de désirabilité. Alors qu'aucune différence n'existe entre les deux groupes de participants en ce qui concerne les produits les moins performants, les plus performants sont considérés comme plus désirables par ceux soumis à l'amorce. 
  3. On mesure le degré de patience dans le choix d'investissements financiers. Ceux dont le retour est plus rapide sont-ils privilégiés après un amorçage ? Le mécanisme étudié est l'épargne. Comme dans les deux premières expériences, les chercheurs ont découvert que le mécanisme de l'épargne était altéré, les personnes soumises à l'amorce sont plus attirées par des gains rapides que par des gains plus importants, mais plus tardifs.


Que peut-on conclure de ces expériences ? À l'évidence, il existe, au moins au laboratoire, un mécanisme d'amorçage qui affecte le comportement vis-à-vis du temps. Il opère par l'intermédiaire des symboles associés avec la rapidité de service et la gratification instantanée représentés dans le phénomène fast-food. Bien que l'on ne soit pas en mesure de conclure sur les effets de long terme de la culture fast-food qui affecte les sociétés modernes sur notre relation au temps, les chercheurs pensent qu'une exposition à un symbole de l'économie de temps comme ceux issus de l'univers du fast-food affecte cependant substantiellement le comportement d'une personne quant aux paramètres temporels de sa consommation courante. Autrement dit, si les fast-foods ne sont pas la cause de cette nouvelle relation au temps, ils en sont cependant aux USA, d'une part, la face la plus symbolique et d'autre part leurs effets immédiats ne doivent pas être mésestimés. 

Il serait intéressant de savoir si le phénomène contraire opère. On pourra à loisir faire l'éloge de la lenteur et rechercher les stimulus adéquats.      

Les cahiers de la série PyschoFood mettent en relation l'alimentation et la psychologie.

                  

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