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vendredi 3 janvier 2014

PsychoFood 11: les achats d'impulsion - L'hypothèse de l'attention.


Un article publié dans la revue Scientific American MIND (janvier 2014) et intitulé "freeing up intelligence" a attiré mon attention. Parlons justement d'attention ! Les deux auteurs, Sendhil Mullainathan et Eldar Shafir, se sont intéressés aux effets que peut avoir un partage de l'attention sur l'intelligence. Lorsque l'on est préoccupé ou distrait, une partie de l'attention que l'on devrait consacrer à une tâche est alors réduite. Les performances intellectuelles sont alors réduites. Les auteurs donnent plusieurs exemples. Dans une école aux États Unis, certaines classes donnent sur une voie de chemin de fer, alors que d'autres sont à l'abri des bruits que font les trains qui circulent régulièrement sur la voie. Les performances scolaires des étudiants sont substantiellement différentes entre les deux types de classe, celles exposées aux bruits des trains et celles qui ne le sont pas. Le bruit des trains capture une partie de la bande passante de l'attention.

Bon ! Et alors ! Quelle est donc la relation entre ces faits et la promesse du titre de ce billet ? Nous y venons. Le déficit d'attention affecte la performance intellectuelle, mais elle perturbe également la fonction dite exécutive du cerveau. Celle-ci est l'équivalent du centre de contrôle du cerveau. Si elle est perturbée, une personne éprouve des difficultés à contrôler son comportement... Par exemple, son comportement d'achat. Cette personne devient alors plus impulsive.

Comment parvient-on à cette conclusion ? Plusieurs expériences produisent en laboratoire des comportements incontrôlés. Les auteurs en citent plusieurs réalisées avec des produits alimentaires. Dans toutes les expériences, l'attention des personnes est captée par une tâche intellectuelle, par exemple par une tâche de mémorisation. Les tâches proposées sont plus ou moins exigeantes en "bande passante." Autrement dit, elle utilise plus ou moins des capacités d'attention. Dans une des expériences, un plat chinois à base de volaille est proposé à des étudiants américains. Cependant, les pattes des volatiles sont présentes dans leur totalité ce qui rend l'ensemble pas très appétissant. La réponse des étudiants est différente selon le conditionnement. Lorsque la tâche intellectuelle ne consommait qu'une partie limitée de la bande passante, les réponses des étudiants pouvaient être qualifiées de "civilisées". Ce n'était pas le cas lorsque la tâche intellectuelle proposée exigeait une grande quantité de bande passante. Dans ce cas, on peut dire de manière vulgaire que "les étudiants se lâchaient" et ils tenaient des propos peu civilisés (voir insultant pour le cuisinier chinois).

Ces travaux suggèrent que l'on pourrait augmenter le taux des achats impulsifs si l'on était en mesure, par exemple sur le lieu de vente, de consommer une partie de la bande passante des clients. Les opportunités ne manquent pas !


Les cahiers de la série PyschoFood mettent en relation l'alimentation et la psychologie.
* * 

J'espère que les spécialistes de l'attention me pardonneront mes simplifications abusives sur l'attention et le concept de bande passante.

mardi 17 septembre 2013

PsychoFood 10 - Accorder le vin avec la ...... musique ou l'inverse !

Dans un billet de la série PsyhcoFood, je me faisais l'écho de recherche sur le rôle de la vision dans l'appréciation des produits alimentaires. Adrian North de l'université Heriot Watt d’Édimbourg s'est intéressé au rôle de la musique dans l'appréciation du vin. Plusieurs études ont déjà tenté d'explorer le rôle de la musique sur l'achat de vin. Par exemple, Areni et Kim ont trouvé en 1993 que l'utilisation de la musique classique dans un magasin de vin favorisait l'achat de vins onéreux. Ils ont également trouvé que les vins français étaient fréquemment plus achetés si l'on jouait de la musique avec des airs français dans le rayon d'un supermarché et les vins allemands si la musique jouée était perçue comme allemande.  La musique classique favorise également la dépense dans les restaurants. A-t-elle un effet sur l'appréciation du goût du vin ?

Pour répondre à cette question Adrian North a travaillé avec un producteur de vin. Dans un premier temps, il a demandé à quelques étudiants d'associer une musique (parmi plusieurs musiques proposées) avec des paires de descripteurs du vin proposés par le producteur, comme subtil ou raffiné. De cette manière, on peut produire un accord entre un vin et une musique. Quatre musiques ont été sélectionnées qui correspondent aux paires de descripteurs. 
Dans un second temps, 250 étudiants ont été recrutés sur la promesse d'un verre de vin s'ils répondaient à quelques questions concernant ce vin. L'expérience a consisté à faire apprécier deux vins (un blanc et un rouge) dans un environnement sans musique ou avec l'une des 4 pièces de musiques sélectionnées. On a proposé aux participants de noter leur appréciation du vin selon les 4 paires de descripteurs (chacune est en accord avec une musique, dont celle écoutée par un participant), puis d'indiquer s'ils ont aimé le vin (0 = pas du tout, 10 = beaucoup). Finalement, on a demandé aux participants d'apprécier la musique, puis d'encercler parmi les 4 paires de descripteurs la paire en accord avec la musique proposée. Seulement quatre participants sur 250 n'ont pas réalisé la bonne association. Leurs données ont été éliminées de l'analyse finale et ils ont été remplacés par quatre autres personnes.

Quels sont les résultats de ces tests ?  La paire qui décrit le mieux un vin est influencée par la musique proposée. Ainsi un vin sera plutôt considéré comme "subtil et raffiné" si la musique en écoute est elle-même "subtile et raffinée." Ces résultats sont intéressants : lorsque l'on goûte un vin, ce sont les caractères de la musique que l'on entend dans le vin. La musique est donc en position d'influencer la perception d'un vin. Corollaire : il convient de sélectionner une musique cohérente avec les descripteurs du vin que l'on souhaite promouvoir. Dans le cas contraire, on risque de produire une dissonance qui sera préjudiciable à la crédibilité de l'énoncé des descripteurs du vin proposé. L'auteur pense que la musique pourrait servir de médium pour communiquer les qualités d'un vin. Une musique généreuse pourrait contribuer à révéler le caractère généreux d'un vin.

Bien que les résultats de l'étude ne soient pas concluants quant à l'appréciation du vin (aime ou n'aime pas le vin) et de la musique... On doit cependant s'interroger sur les effets de la musique. Est ce que le Rap ou la techno sont des musiques en adéquation avec le vin ? Peut-on les utiliser pour promouvoir la consommation modérée de vin auprès des aficionados de ces musiques ?  

Les cahiers de la série PyschoFood mettent en relation l'alimentation et la psychologie.

[Charles S. Areni and David Kim (1993) ,"The Influence of Background Music on Shopping Behavior: Classical Versus Top-Forty Music in a Wine Store", in NA - Advances in Consumer Research Volume 20, eds. Leigh McAlister and Michael L. Rothschild, Provo, UT : Association for Consumer Research, Pages: 336-340.]

J'ai également trouvé les référence d'un livre qui pourrait prolonger cette exp
loration sur la relation entre le vin et la musique.

vendredi 1 février 2013

PsychoFood 4 : Sommes nous comme nous mangeons !

Une manière d'explorer l'alimentation, de la fourche à la fourchette, c'est de s'interroger sur la relation entre psychologie et alimentation. J'ai l'intuition qu'il y a là de belles découvertes à partager. Ce quatrième billet de la série PsychoFood met en relation le mode de consommation alimentaire et l'impatience.

On connait l'expression « Nous sommes ce que nous mangeons ! ». À celle-ci il convient probablement maintenant d'ajouter « Nous sommes (aussi) comme nous mangeons ! » Deux chercheurs de l'université de Toronto, Cheng-Bo Zhong et Sanford E. DeVoe, ont testé la relation entre l'exposition à des symboles de l'univers des fast-foods et certaines attitudes, comme la patience, mais aussi avec des choix en dehors de la sphère alimentaire. Ces tests ont été réalisés dans les conditions du laboratoire.

Habituellement, les fast-foods sont décriés pour la qualité nutritionnelle de leurs menus. Les chercheurs se sont rarement intéressés aux autres aspects de la culture fast-food et à ses autres effets individuels en dehors de la sphère nutrition-santé. Les expériences réalisées par les chercheurs reposent sur le paradigme psychologique de l'amorçage. Un premier stimulus, l'amorce, influence le comportement d'un sujet lorsqu'on le soumet à un second stimulus. C'est un mécanisme de base de la publicité. Elle opère comme une amorce dont l'objectif est d'orienter le choix du consommateur lorsque celui-ci fait ses courses dans un magasin et qu'il est soumis au second stimulus, le produit. L'amorçage est un vaste champ d'études dans la mesure où ses applications sont très nombreuses et sa compréhension est essentielle pour mieux appréhender les schémas cognitifs et leur fonctionnement. Certains mécanismes sont proches comme le mimétisme. L'amorçage est un mécanisme inconscient ; autrement dit, il opère sans que le sujet s'en rende compte. 

Cheng-Bo Zhong et Sanford E. DeVoe se sont demandé si l'exposition à des symboles associés à l'univers des fast-foods induisait un comportement vis-à-vis du temps différent qu'en leur absence d'exposition. L'univers des fast-foods propose une économie du temps. Celle-ci est susceptible d'altérer la relation qu'un individu entretient avec le temps même en dehors de la sphère alimentaire.  
Les trois expériences mises en oeuvre sont les suivantes :
  1. Les participants sont invités à lire deux textes de taille identique sans mention d'une contrainte de temps. On mesure le temps nécessaire pour lire ces textes. Entre les deux textes, certains sujets sont exposés de manières subliminales à des logos de chaines de fast-food. Leur vitesse de lecture augmente de manière significative. 
  2. On mesure le degré de patience associé avec le choix de produits de consommation. L'amorçage affecte-t-il le choix ? On propose aux participants de choisir un produit dans des paires de produits qui ont les mêmes fonctions, mais dont un des deux est considéré comme significativement plus économe du temps du consommateur. C'est par exemple le cas pour un shampoing 2 en 1 par rapport à un shampoing de base. Dans cette expérience, on a demandé à certains participants de se rappeler un repas dans un fast-food avant de classer les 8 produits par ordre de désirabilité. Alors qu'aucune différence n'existe entre les deux groupes de participants en ce qui concerne les produits les moins performants, les plus performants sont considérés comme plus désirables par ceux soumis à l'amorce. 
  3. On mesure le degré de patience dans le choix d'investissements financiers. Ceux dont le retour est plus rapide sont-ils privilégiés après un amorçage ? Le mécanisme étudié est l'épargne. Comme dans les deux premières expériences, les chercheurs ont découvert que le mécanisme de l'épargne était altéré, les personnes soumises à l'amorce sont plus attirées par des gains rapides que par des gains plus importants, mais plus tardifs.


Que peut-on conclure de ces expériences ? À l'évidence, il existe, au moins au laboratoire, un mécanisme d'amorçage qui affecte le comportement vis-à-vis du temps. Il opère par l'intermédiaire des symboles associés avec la rapidité de service et la gratification instantanée représentés dans le phénomène fast-food. Bien que l'on ne soit pas en mesure de conclure sur les effets de long terme de la culture fast-food qui affecte les sociétés modernes sur notre relation au temps, les chercheurs pensent qu'une exposition à un symbole de l'économie de temps comme ceux issus de l'univers du fast-food affecte cependant substantiellement le comportement d'une personne quant aux paramètres temporels de sa consommation courante. Autrement dit, si les fast-foods ne sont pas la cause de cette nouvelle relation au temps, ils en sont cependant aux USA, d'une part, la face la plus symbolique et d'autre part leurs effets immédiats ne doivent pas être mésestimés. 

Il serait intéressant de savoir si le phénomène contraire opère. On pourra à loisir faire l'éloge de la lenteur et rechercher les stimulus adéquats.      

Les cahiers de la série PyschoFood mettent en relation l'alimentation et la psychologie.

                  

mardi 29 janvier 2013

PsychoFood 3 - La pêche ça donne la pêche !

Une manière d'explorer l'alimentation, de la fourche à la fourchette, c'est de s'interroger sur la relation entre psychologie et alimentation. J'ai l'intuition qu'il y là de belles découvertes à partager. Ce troisième billet de la série met en relation le régime alimentaire et les émotions.

Manger plus de fruits et légumes peut rendre les jeunes plus calmes, plus heureux et plus énergiques dans leur vie quotidienne. Ce sont les résultats d'une nouvelle étude de l'Université d'Otago, en Nouvelle Zélande. Le Dr Conner Tamlin, chercheur dans le département de psychologie, et le Dr Caroline Horwath et Bonnie White du département de nutrition humaine, ont étudié quotidiennement la relation entre les émotions et de la consommation alimentaire. L'étude est publiée dans le British Journal of Health Psychology.

Un total de 281 jeunes adultes (avec un âge moyen de 20 ans) ont complété un journal alimentaire sur Internet  pendant 21 jours consécutifs. Les participants ont également rempli un questionnaire donnant des détails sur leur âge, leur sexe, leur ethnie, leur poids et leur taille. Ceux avec un trouble de l'alimentation ont été exclus. Tous les soirs les participants indiquaient comment ils se sentaient en utilisant neuf adjectifs positifs ou neuf adjectifs négatifs. Les participants ont été invités à indiquer le nombre de portions consommées de fruits (sauf jus de fruits et fruits secs), les légumes (sauf les jus de fruits), et plusieurs catégories d'aliments malsains comme les biscuits / biscuits, chips et gâteaux / muffins. Les résultats ont montré une forte relation entre l'humeur (positive) et la consommation de fruits et de légumes, mais de relation avec la consommation des autres aliments.

«Les jours où les gens mangeaient plus de fruits et légumes, ils ont déclaré se sentir plus calme, plus heureux et plus énergiques que d'habitude", a déclaré le Dr Conner.

Pour tenter de comprendre s'il existe une mécanisme de cause et affet, le Dr Conner et son équipe effectué des analyses supplémentaires. Elle a constaté que la consommation de fruits et légumes prédit l'amélioration de l'humeur positive le lendemain, ce qui suggère que les aliments sains peuvent améliorer l'humeur. Ces conclusions sont indépendante de l'IMC des individus.

"Après une analyse approfondie, nous avons démontré que les jeunes ont besoin de consommer environ sept à huit portions totales de fruits et légumes par jour afin de remarquer un changement positif significatif. (Une portion de fruits ou de légumes est d'environ une demi-tasse)."  explique le Dr Conner.

Elle ajoute que, bien que cette recherche montre un lien prometteur entre des aliments sains et des ambiances saines, des recherches supplémentaires sont nécessaires et les auteurs recommandent le développement d'essais contrôlés randomisés évaluant l'influence de la forte teneur en fruits et légumes sur l'humeur et le bien-être. 

Pour plus d'informations, sur cette étude contactez:

Dr Conner Tamlin
Département de psychologie de l'Université d'Otago
Tel 03 479 7624
Mob 021 984 332
E-mail tconner@psy.otago.ac.nz

mercredi 5 décembre 2012

PsychoFood 1 - Estimer le nombre de calories !

Ce billet inaugure une nouvelle série que j'ai intitulée psycho-food. Une manière d'explorer l'alimentation, de la fourche à la fourchette, c'est de s'interroger sur la relation psychologique que nous entretenons avec notre alimentation. J'ai l'intuition qu'il y là de belles découvertes à partager. Je dois ce premier billet à Alice D. qui m'a parlé de l'expérience décrite ci-dessous. Il fait suite à un billet publié il y a quelques jours et intitulé « sommes-nous ce que nous mangeons ? ». Dans ce billet c'est l'effet sur le comportement ou sur l'attitude sociale d'une exposition à des produits qu'un chercheur avait estimé.

* *  

Nous sommes tous, dans notre vie quotidienne comme dans notre vie professionnelle, souvent d’ailleurs sans nous en rendre compte, susceptibles de former des jugements biaisés et d’être exposés à des conséquences non désirées. A. Chernev (The Dieter's Paradox, 2011) s’est intéressé à la manière dont chacun d’entre nous estime les calories contenues dans un plat que nous soyons ou non préoccupé par notre poids. Ce chercheur a demandé à des personnes d’estimer le nombre calories d’un plat considéré comme riche en énergie dans deux situations différentes. Dans la première le plat est présenté seul. Dans la seconde la même préparation est présentée, mais elle est agrémenté d’un aliment considéré comme bon pour la santé, comme du brocoli, de la salade ou des haricots verts. A priori, le nombre calories devrait augmenter entre les deux présentations. Mais ce n’est pas le cas. C’est même l’inverse ! Autrement dit, ajouter une feuille de salade donne l’impression qu’une portion de pizza contient moins de calories. Cet effet est paradoxal ! Chez les personnes qui se déclarent soucieuses de leur poids, le biais, car il s’agit d’un biais, est plus intense. Il est de 14 % pour le produit de référence agrémenté d’un morceau de céleri, de carottes, alors qu’il décroit à 4 % pour ceux qui ne sont pas soucieux de leur poids. Il s’agit d’un biais d’estimation. Ici, c’est le nombre de calories d’un plat que l’on cherche à estimer, en absence ou en présence d’un stimulus positif. A l'évidence si l'on est préoccupé par son poids, l'erreur d'estimation est plus importante.

Il est difficile de savoir ce qui se passe réellement dans la tête d’une personne. Les chercheurs pensent que ce biais est imputable à une différence de représentation mentale. En effet un plat riche en calories, mais agrémenté par un légume apparaît plus en adéquation avec les règles d’une bonne nutrition qu'un plat riche en calorie seul. L'estimation du nombre de calories dépend de l'idée que l'on se fait du respect de règles nutritionnelles par une préparation culinaire. Autrement dit, le raccourci suivant fonctionne : si le plat est équilibré alors il doit être moins riche. La logique nutritionnelle fonctionne quant à elle dans le sens inverse : l'apport calorique est une des composantes de la qualité nutritionnelle d'une préparation.

Un bon moyen et très simple moyen pour se débiaiser consiste à estimer chacun des items du plat de manière séparée (piecemeal estimation). Cette méthode produit une estimation non biaisée du plat considéré comme riche en calories. A. Chernev considère que ce biais, qui est d'autant plus important que la personne se déclare soucieuse de son poids, pourrait constituer un alibi pour consommer un produit riche en calories. Il se pourrait donc que nous cherchions à tromper notre propre cerveau lorsque nous nous imposons des restrictions.   

jeudi 29 novembre 2012

Sommes nous ce que nous mangeons ? Cas du bio - (Psychofood 0)

Ce vieil adage a été à nouveau testé par Kendall J. Eskine de l'université de Loyola de la nouvelle Orléans. Des recherches récentes ont montré l'existence de lien entre les saveurs des produits consommés et les attitudes morales et le comportement social des consommateurs. Ces recherches portaient sur les effets psychologiques des produits sucrés ou amers.

Kendall J. Eskine s'est posé la question de savoir si un lien similaire existait pour la consommation des produits issus de l'agriculture biologique aux États-Unis. Il constate que les produits issus de l'agriculture biologique (BIO) sont implicitement ou explicitement associés à des valeurs morales comme la pureté, le respect, ou la naturalité. Autant dire que les représentations mentales des produits BIO et les représentations morales partagent possiblement le même territoire cognitif. En quoi l'exposition à des produits BIO pourrait-elle altérer les jugements moraux et l'attitude sociale d'une personne ?

Certains chercheurs ont déjà montré que notre jugement sur les animaux est altéré s'ils font ou s'ils ne font pas partie de notre régime alimentaire. Les consommateurs ont ainsi tendance à considérer que les volailles, les bovins ou les poissons disposent de capacités mentales moindres (par exemple de sentiment moral, de mémoire, d'émotion) que les animaux dont on ne consomme habituellement pas la viande comme les chats et les chiens. Les préférences alimentaires se transforment à l'évidence en valeurs ou jugements, c'est la thèse de Rozin, un des grands spécialistes de la psychologie des aliments. D'après Rozin, deux formes de liens pourraient s'établir entre les produits BIO et les jugements moraux. La première extrapole le rôle que la consommation des produits BIO peut jouer sur la prise en charge de sa santé (« moral expansion »). Le second considère la perception du rôle que les produits BIO jouent dans la protection de l'environnement (« moral piggybacking »). 

Kendall J. Eskine a développé un schéma expérimental au cours duquel des personnes sont exposées à l'un des trois types de produits alimentaires suivants : produits BIO, produits d'indulgence (crèmes glacées) ou produits de contrôle (riz). Dans un premier temps, les participants énoncent leurs préférences pour ces produits. Ils effectuent une classification de ces produits, cela afin de tester la qualité de la classification des produits dans ces 3 groupes par le chercheur. Ensuite, les participants apprécient la moralité de comportements ambigus qui leur sont présentés sur des posters (un étudiant dans une bibliothèque met un livre dans son sac). Finalement, un autre professeur leur a demandé s'ils acceptaient de donner un peu de leur temps de manière volontaire pour un petit travail.

Le chercheur s'est alors attaché à déterminer s'il y avait un lien entre l'exposition des volontaires aux produits et leurs jugements moraux et leur décision de donner un peu de leur temps. Les tests ont été réalisés en prenant en considération les préférences. Ces travaux montrent qu'il existe bel et bien un lien entre exposition d'un côté et le jugement moral et le comportement social de l'autre. Le BIO apparaît comme moralisateur et antisocial. Une influence cachée ?

En absence de relation avec leur préférence, on ne saurait conclure de cette étude que les consommateurs de produits issus de l'agriculture biologique sont, par nature, plutôt moralisateurs ou antisociaux. Ils subissent donc l'influence des produits qu'ils consomment !

Dans la série PsychoFood, lire et relire

mercredi 28 novembre 2012

USA - La montée en puissance du "Sans OGM" - Boycott du bio ?

L'article de Linda Gilbert sur le site Sustainable Brands sur la montée en puissance du « Sans OGM » a attiré mon attention. Les données du tableau ci-dessous montrent l'évolution des attentes des consommateurs sur une décennie. 

Linda Gilbert — Sustainable Brands

Mais le point essentiel de l'article de Linda ne réside pas dans cette évolution, mais sur l'effet que le « Sans OGM » peut avoir sur les marques de produit issu de l'agriculture biologique les plus appréciées des consommateurs. Du point de vue de nombreux consommateurs, ces marques ont trahi leur confiance. Le boycottage n'est plus loin !

Mais de quelle trahison parle-t-on ici ? Le cahier des charges de l'agriculture biologique est différent chez nous et aux États-Unis. Les consommateurs américains ont découvert que les produits labellisés « Naturel » ou « biologique » qu'ils consommaient abondamment n'étaient pas tous « sans OGM ». Déception, tromperie...

La leçon de cette histoire est qu'un label doit, pour pouvoir conserver la fidélité de ses clients, s'assurer que les représentations mentales que ceux-ci forment sur les caractéristiques du label sont en accord avec les caractéristiques réelles du label. Le consommateur n'aime pas les surprises ou les dissonances. S'il les découvre, alors il peut penser qu'il a été trahi ! 

Il y a quelques jours j'ai réalisé des petites expériences sur le « sans OGM ». Certaines des personnes interrogées m'ont indiqué que, pour elles, le « Sans OGM » était le moyen de favoriser les vrais paysans, ceux qui sont en lutte contre une certaine agriculture moderne. Autrement dit, ils perçoivent le « sans OGM » comme le témoignage d'une lutte du petit contre le gros, du travail contre la machine et la technique... Quelle serait donc leur réaction s'ils apprenaient que de grandes exploitations, dotées de moyens techniques puissants, font aussi dans le « sans OGM »? 
             
Vous me direz que le consommateur est lui même plein de contradictions ! Certes, mais c'est lui qui détient les cordons de la bourse et s'il accepte ses propres contradictions, ils n'acceptent pas toujours celles des autres.     

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