Le principe n'est pas récent ! En effet, Sun Tzu (-544, -496) en parle déjà dans son ouvrage l'Art de la guerre. Comment influencer les décisions des généraux des armées ennemies sans combattre et gagner la guerre ? L'un des principes consiste à « brûler les ponts derrière soi » afin de signaler à l'adversaire que, privés des moyens de la retraite puisque les ponts sont détruits, les guerriers combattront jusqu'à la mort. Qui voudrait alors affronter une armée qui n'a d'autre choix que la mort ou la victoire ! Il existe aujourd'hui encore de nombreuses applications de ce principe ou de principes similaires.
- La réputation de position : En altérant le terrain (par exemple en brûlant les ponts) ou la configuration de l'entreprise (faible diversification), certaines entreprises apparaissent comme les soldats de Sun Tzu, c'est-à-dire sans autres moyens que de réagir avec violence aux attaques d'un concurrent. Ce fut le cas de Gerber Products Company (spécialiste des produits pour enfants) a longtemps été une entreprise indépendante, considérée comme susceptible de réagir avec force aux attaques des concurrents... qui pendant longtemps ont évité l'engagement.
- La réputation construite : Ralston Purina dans le pet food aux USA a la réputation de suivre les baisses de prix de ces concurrents et d'engager une riposte commerciale de grande ampleur... Ce cas est très proche du cas précédent, mais contrairement à celui-ci, Ralston Purina a une longue histoire de ripostes pour le prouver.
- La réputation énoncée : citons le cas de 3 M. cette entreprise clamait, il y a quelques années, vouloir dériver 50 % de ses ventes de produits de moins de 3 ans. La chaîne de magasins d'habillement Nordstrom avait l'habitude d'acheter une pleine page dans les gazettes locales pour souhaiter la bienvenue à ses concurrents (We Welcome the New Kid in Town). Un moyen de leur dire qu'il n'y avait pas lieu pour eux de craindre un coup tordu.
Le lecteur se rappellera des billets précédents sur la réputation et ses effets, que celle-ci est avant tout une réponse à une question que l'on se pose lorsque l'on doit faire un choix. Il est étrange de penser que les choix d'un concurrent puissent être affectés par les messages d'une entreprise concurrente qui cherche à influencer son comportement à son propre avantage. Ne s'agit-il pas d'un bluff ? La menace est-elle bien crédible ? Ces questions sont d'une grande importance.
Il convient de faire la différence entre une alerte (Warning) et une menace (ou une promesse) implicite ou explicite. Une alerte signale à une autre entreprise, en général un concurrent, mais parfois un fournisseur ou un client, un mouvement que l'entreprise réalisera de toute manière, parce que c'est dans son intérêt et qu'il n'y a pas d'autres alternatives pour elle. On se retrouve dans la configuration du pont détruit. L'armée n'a pas d'autres possibilités de se battre ou de se soumettre. Cela est une évidence qu'il n'est pas nécessaire de rappeler à l'ennemi. Il suffit de lui laisser voir le pont détruit. Et lorsque la soumission n'est pas culturellement une option... l'ennemi sait à quoi s'attendre. L'alerte consiste donc à rappeler aux forces économiques opposées le choix que l'entreprise suivra, quelles que soient les décisions que celles-ci prendront... À elles alors de prendre les bonnes décisions.
Une menace, contrairement à une alerte, est une action que l'entreprise ne souhaiterait pas prendre sauf si elle y est contrainte par le comportement d'un concurrent. Un parent qui menace un enfant d'une punition substantielle si le comportement de celui-ci n'est pas approprié souffre toujours de devoir appliquer la punition si l'enfant se comporte effectivement mal. L'enfant ne l'ignore pas. Il peut en jouer en se disant qu'il ne sera finalement pas puni. Pour que le comportement inapproprié soit effectivement puni, la punition doit être certaine. Si ... alors ... ! Il existe plusieurs moyens de la rendre certaine. La réputation est un de ces moyens. Si la punition a été appliquée dans 100 % des cas auparavant, alors il y a de fortes chances qu'elle sera encore une fois appliquée. Dans tous les cas, la menace doit être crédible si l'on veut que l'opposant la prenne au sérieux. Dans le domaine des affaires, il n'y a rien de tel pour crédibiliser une menace de l'établir sous la forme d'un contrat. On ne peut alors que l'appliquer puisqu'elle est inscrite dans un contrat.
En voici un exemple : « Si vous trouvez moins cher, ailleurs, je vous rembourse deux fois la différence. » Ce message qui s'adresse aux consommateurs en fait s'adresse aux concurrents. En effet, si le concurrent propose un prix inférieur, alors le consommateur bénéficiera d'un meilleur deal en achetant auprès de l'entreprise qui lui propose de rembourser deux fois la différence et de se faire rembourser effectivement la différence. Cette menace serait couteuse si l'entreprise devait la mettre à exécution. Mais ni elle ni ses concurrents n’ont un intérêt à ce qu'elle soit appliquée.
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