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vendredi 7 novembre 2014

Conférence sur les événements extrêmes (en Finance)

Les filières agricoles sont régulièrement soumises à des risques, dont certains prennent la forme d'événements extrêmes. Parmi eux, certains risques associés au changement climatique. Vous trouverez plusieurs billets sur le sujet des événements extrêmes dans ce blog : Le cas du Midwest. Quels effets sur la production du blé ? Des propositions pour atténuer les effets Rôles des microbes pour atténuer leurs effets sur les plantes. etc.) En substance, la fréquence des événements extrêmes d'origine climatique augmente et leurs effets sont particulièrement dangereux sur la santé des filières agricoles  (exemple de la Californie - la vraie valeur du burger). Il y a donc de nombreuses raisons de s'y intéresser. 

L'ESSEC organise du 15 au 17 décembre 2014 un colloque sur les événements extrêmes en finance. La vidéo ci-dessous introduit ce colloque.



Présentation du Colloque par J.-M Blanquer, DG du groupe ESSEC.



mardi 8 octobre 2013

Biocénose - un concept intéressant pour l'agroalimentaire ?

Le terme biocénose a été introduit par le biologiste allemand Karl Auguste Mobius à la fin du 19e siècle pour décrire les associations (animales ou végétales ou les deux) que l'on rencontre dans un milieu particulier (le biotope). Étudier ces associations est particulièrement intéressant parce que cela permet d'éventuellement identifier des interactions entre espèces qui sont (plus ou moins) essentielles à la vitalité des différentes espèces dans le biotope. Une espèce qui ne trouverait pas dans un biotope donné la biocénose appropriée devrait migrer vers un autre biotope ou bien elle serait en situation de péril. [De nos jours et dans le domaine des entreprises, on évoque ce mécanisme sous le vocable de délocalisation!]

Les différentes interactions entre deux espèces que l'on observe dans la nature peuvent être structurées autour de trois types d'effets d'une espèce sur l'autre. Les effets nets de l'espèce 1 sur l'espèce 2 peuvent être négatifs, positifs ou neutres. C'est aussi le cas pour les effets de l'espèce 2 sur l'espèce 1. On mesure l'effet net sur l'évolution de la population d'une espèce lorsque l'autre population est éliminée du biotope. 

  1. Compétition - L'espèce 1 est nuisible à l'espèce 2 et réciproquement. Supprimer l'une des deux espèces bénéficie à l'autre.
  2. Prédation / Parasitisme - L'espèce 1 (le prédateur / parasite) est nuisible à l'espèce 2 (proie ou hôte). Mais l'espèce 2 est bénéfique à l'espèce 1. Supprimer l'espèce 2 est problématique pour l'espèce 1. Supprimer l'espèce 1 est bénéfique pour l'espèce 2.
  3. Amensalisme - L'espèce 1 est nuisible à l'espèce 2, mais l'espèce 2 n'est ni bénéfique ni nuisible à l'espèce 1.
  4. Commensalisme - L'espèce 1 est bénéfique à l'espèce 2, mais l'espèce 2 n'est ni bénéfique ni nuisible à l'espèce 1.
  5. Symbiose / Mutualisme - L'espèce 1 est bénéfique à l'espèce 2 et réciproquement. Dans la symbiose il y a une dépendance entre les deux espèces. L'une ne peut exister sans l'autre et réciproquement. Le mutualisme est une relation facultative. On parle aussi de coopération.
  6. Neutralisme - L'espèce 1 et l'espèce 2 sont neutres l'une envers l'autre. 


Le concept de biocénose pose la question des associations que l'on doit privilégier entre les entreprises, industrielles ou commerciales, sur un territoire (un biotope). Les zones commerciales (ou les centres commerciaux) sont des biocénoses particulièrement intéressantes. Elles abritent une mosaïque de commerces, de restaurants et de services qui attirent et maintiennent le chaland. Le concept de biocénose peut être utilisé pour optimiser les échanges de matières ou de services entre les différentes entreprises d'une petite région (ou d'une ville) et attirer des entreprises complémentaires (pour activer des interactions de type commensalisme, symbiose ou mutualisme). Pour une entreprise, la question consiste essentiellement à s'interroger sur les meilleurs moyens de valoriser ses flux, dont ses "déchets", auprès des autres entreprises du territoire, de tirer parti des flux de ses voisins dans son processus de production et de mutualiser ce qui peut l'être.

Aux États-Unis, dans l'état du Wisconsin, la coopérative Fifth Season progresse dans cette direction en cherchant à former un système alimentaire complet. Il s'agit d'une coopérative avec de multiples parties : elle est composée de producteurs agricoles, groupements de producteurs, de transformateurs, de distributeurs et d'acheteurs de la région. Les membres de la coopérative représentent l'ensemble des acteurs clés du système alimentaire au niveau local. Leur objectif est de construire "un système alimentaire régional robuste dans un environnement sain, une économie forte et des collectivités locales prospères !" Les acheteurs sont par exemple les cantines des écoles de la région. La dynamique de la coopérative consiste à identifier les besoins locaux et à y satisfaire réalisant des conversions de production où en attirant d'autres membres. On peut penser que les producteurs agricoles partagent plus que système de distribution... et que les déjections animales des élevages sont utilisées par les maraîchers et .... les restes des repas des écoles sont réincorporés dans le cycle de production.

Conceptuellement, la rupture est intéressante puisqu'il s'agit d'échapper au concept de filière pour entrer dans celui de réseau local. Le concept de filière est un concept très prégnant dans le domaine agroalimentaire. Il est intellectuellement difficile de s'en échapper. Mais on peut dire sans trop se tromper que si les filières n'apportent plus les avantages attendus à tous leurs membres, il semble logique que d'autres systèmes émergent. Quels sont aujourd'hui les étages des filières qui capturent la valeur ? Est-elle équitablement distribuée ?  Quel est le degré d'efficacité des filières à servir les attentes des clients et des consommateurs ? Quel est le degré d'efficience avec lequel elles fonctionnent ? Quel niveau de sécurité apportent-elles aux consommateurs ? Il n'est pas certain que les filières seront demain la meilleure forme d'organisation du système alimentaire ! Il est très probable que l'on s'oriente vers un système dual, composé de filières et de systèmes locaux. D'un côté, une agriculture pour nourrir les métropoles et pour l'export, de l'autre, une multitude de clusters locaux, plus ou moins perméables, et l'agriculture urbaine venant parsemer les villes.

A méditer !

jeudi 14 février 2013

La tyrannie des prix bas ...et la mort des filières !

J'ai apprécié l'article de Bernard Duchamp, associé d'Eurogroup Consulting, sur la mort programmée de la filière des viandes et publié sur LesEcho.fr le 13 février 2013. Cet article met en avant les effets pervers de la tyrannie des bas prix sur la filière des viandes et présage un sombre avenir pour d'autres filières agroalimentaires. Bien que mon incompréhension en la matière ne soit pas un bon argument, j'avoue cependant ne pas comprendre comment on peut imaginer qu'une filière résistera durablement au seul argument qu'il est intéressant d'acheter un produit seulement parce que son prix est bas. Le prix bas d'un jour appelle un prix encore plus bas le lendemain. C'est là le premier effet pervers. Mais le second, et probablement le plus problématique des effets pervers, provient de l'appauvrissement des aptitudes gustatives qui sont inévitablement associées à des produits de qualité courante.

vendredi 7 septembre 2012

Attention, filières agro-alimentaires en danger ?


Chaque année, le MODEF (confédération syndicale agricole des exploitants familiaux) organise une vente directe de fruits et de légumes place de la bastille. Son slogan et son credo : pour des prix rémunérateurs aux agriculteurs et un juste prix aux consommateurs ! Cette initiative est fortement médiatisée. Les articles de presse, les émissions radiophoniques ou à la télévision qui parlent de cette initiative sont nombreux.

L'enjeu est d'autant plus grand que favoriser l'accès aux fruits et légumes est un objectif de santé publique compte tenu de l'effet bénéfique des fruits et des légumes pour la santé. Habituellement, la consommation d'un produit augmente lorsque les prix baissent. Habituellement ! Mais, est-ce bien toujours le cas ? Est-ce le cas pour les populations à risque, c'est-à-dire pour les consommateurs qui, compte tenu de leurs données anthropomorphiques et physiologiques, auraient le plus besoin d'augmenter leur consommation de fruits et de légumes ? Est-ce aussi le cas pour des ménages avec de faibles revenus ? En 2009, France Caillavet et Véronique Nichele, de l'INRA, avaient montré que la sensibilité aux prix de ces deux segments de consommateurs était plutôt forte pour les légumes et faibles pour les fruits frais -- les personnes les plus favorisées semblent par contre bien répondre aux baisses des prix des fruits frais. Les modes de consommation évoluant particulièrement lentement, on peut considérer que leurs résultats sont toujours valables en 2012. Leur étude englobait également le comportement des consommateurs vis-à-vis de produits, dont le profil nutritionnel moins correct. En substance, elles concluaient leur étude sur la sensibilité de la consommation au prix ainsi :

  1. une politique de taxation des produits les moins corrects sur le plan nutritionnel a un intérêt limité. La réponse à l'augmentation de prix est trop faible pour produire un effet sur la santé des personnes cibles.
  2. Subventionner la consommation des fruits et légumes des foyers aux faibles revenus ou des consommateurs qui souffrent de surpoids offre un intérêt potentiel pour la santé.

Nos propres investigations sur le sujet montrent qu'une véritable barrière psychologique s'est formée dans l'esprit de nombreux consommateurs qui considèrent que les fruits sont toujours trop chers... (Ces travaux sont présentés dans un cahier 12 de perspectives alimentaire intitulé : "Trop cher, mais est-ce bien uniquement une question de prix ?" Il est disponible en version électronique sur simple demande par mail à fourcadet@essec.edu ). Cette idée reste fortement ancrée dans l'esprit des consommateurs. Cette représentation, parfois autobiographique, parfois empruntée à la rumeur médiatique, mais qui n'est pas toujours en relation avec le prix, empêche très probablement certains des consommateurs de fréquenter les étals.... Puisqu'ils pensent que « les fruits sont toujours trop chers pour eux ! », ils n'observent plus, sauf en de très rares occasions, les offres du marché. Autrement dit, même si les prix baissent (il existe déjà des initiatives pour proposer des fruits et des légumes à 1 € / kg existent chez de nombreux distributeurs), il est probable que ces consommateurs ne s'en rendront pas même pas compte.

Ce phénomène est similaire à celui auquel l'ESSEC s'est attaqué il y a maintenant quelques années avec le programme PQPM (PourQuoi Pas Moi ?) dont l'un des objectifs est de combattre certains préjugés tel que « les études supérieures ne sont pas à ma portée ». Comme dans le cas des études supérieures, il m’apparaît également judicieux de répéter à loisir (et de le démontrer) que l'on peut souvent trouver de bons fruits (et aussi de bons légumes) à des prix très abordables pour toutes les bourses. Le message du MODEF renforce les croyances de ceux qui pensent que les fruits sont, de toute manière, trop chers en montrant du doigt la distribution et son effet est donc sur cet aspect contre-productif.

Mais, si les prix ne sont pas rémunérateurs pour les agriculteurs et s'ils sont trop élevés pour les consommateurs, il doit bien y avoir une raison. Le MODEF montre du doigt la grande distribution : celle-ci impose des prix bas à ses fournisseurs et elle se goinfre ainsi avec des marges exorbitantes ! Ces marges seraient si importantes qu'elles permettraient ni de rémunérer correctement les producteurs ni d'offrir aux consommateurs l'accès à des produits de qualité à des prix satisfaisants. Les représentants du MODEF mentionnent des marges effectivement importantes entre les prix de vente aux consommateurs, observés dans les magasins, et les prix payés aux agriculteurs.

Comme tous les ans, la FCD (Fédération des entreprises du commerce et de la distribution) s'attache à rappeler la réalité des chiffres du rayon fruits et légumes. Cette année, la FCD indiquait sur son site internet (dans un article publié le 22 août 2012) que les marges (nettes) des enseignes de la distribution étaient en moyenne négatives (-0.74 %) pour les fruits et les légumes.

Il est difficile pour le consommateur de faire la part des choses ; entre les propos de sympathiques agriculteurs qui crient « au vol » et qui semblent a priori être du côté des consommateurs ; et ceux de la grande distribution qui ne peut pas se permettre de mentir sur propre son site internet ! En fait, les deux parties pourraient, en dehors des jugements de valeur, bien avoir raison, car il y a marge et marge ! Essayons ici une tentative pour réconcilier ces deux visions. Elles semblent cependant a priori difficiles à concilier.

Si l'on considère la filière des pêches et nectarines, un fruit qui commence sa longue marche vers le consommateur dans un verger, possiblement à proximité de Saint-Gilles dans le Gard. Sa longue marche se terminera peut-être quelques jours plus tard dans l'assiette d'une sympathique consommatrice du Pas de Calais. Pour y parvenir, outre le producteur et le distributeur, d'autres acteurs vont intervenir. Juste après la cueillette, le fruit passera dans les mains des expéditeurs — conditionneurs qui procèdent à différentes opérations dites techniques. Elles consistent à préparer les fruits pour leur permettre de voyager dans de bonnes conditions. Car c'est plus de 1000 kilomètres que cette nectarine devra parcourir pour rejoindre la table du Pas de Calais. Le résultat de leur travail est visible sous la forme des plateaux composés de produits propres, calibrés et à une température appropriée. Certaines opérations techniques sont particulièrement délicates. Il est fréquent que la température du fruit dans le verger dépasse les 30 °C lors de la cueillette. Il convient de réduire la température de plusieurs dizaines de degrés afin de réduire la vitesse de maturation naturelle qui est affectée par la température. À cette étape, il faudra limiter la condensation d'eau sur la peau du fruit qui est elle propice au développement de micro-organismes. Toutes ces manipulations doivent être effectuées avec une grande douceur afin de ne pas abîmer les fruits. Outre ces opérations techniques, les expéditeurs se chargent de vendre et d'expédier les produits aux distributeurs. Toutes ces opérations engagent des coûts.

Entre la plateforme de l'expéditeur et celle du distributeur, les fruits parcourent plusieurs centaines de kilomètres. Il faudra bien payer le transport. Si l'on ne s'intéresse qu'aux dépenses effectuées par tous les acteurs de la filière française des pêches et nectarines, elles se répartissent entre les trois principaux acteurs approximativement de la manière suivante :
  1. Les producteurs engagent environ 40 % des coûts totaux.
  2. Les conditionneurs — expéditeurs engagent environ 30 % des coûts totaux.
  3. Les distributeurs engagent environ 30 % des coûts totaux.

Comme les conditionneurs — expéditeurs, les distributeurs engagent aussi des coûts. Les produits doivent être stockés dans des zones à température contrôlée ; ils doivent être envoyés de la plateforme logistique du distributeur vers les magasins : cela engage des coûts de manutention et de transports. Dans les magasins, ils sont mis dans les rayons, puis ils passent en caisse. Le distributeur doit payer les loyers des magasins, les dépenses énergétiques et les salaires des employés. Par ailleurs, une partie des pêches et des nectarines ne seront jamais vendues par le magasin pour différentes raisons (méventes ou altérations). Cela représente une perte pour le magasin qui est inhérente à ses activités de libre service. Cette perte affecte la marge nette moyenne du distributeur.

Les coûts engagés par les producteurs sont également conséquents et ils ne peuvent souvent pas être réduits : engrais, irrigation, traitement divers des sols et des arbres, taille et ramassage, etc.

Comment peut-on concilier les visions des producteurs du MODEF et celles des distributeurs ? Les producteurs regardent la marge commerciale globale. Celle-ci est la différence entre le prix de vente aux consommateurs (le prix en rayon) et les prix auxquels ils seront eux rémunérés. On peut observer des différences très substantielles entre ces deux valeurs. Cela peut donner l'impression que les intermédiaires gagnent très bien leur vie. Mais, les intermédiaires doivent également rémunérer leurs employés et payer leurs factures. C'est ainsi que les distributeurs pensent en termes de marge nette. Celle-ci est la marge commerciale du distributeur (Prix de vente moins prix d'achat) de laquelle il faut déduire tous les coûts (à l'exclusion bien sûr du prix d'achat). Il faut également noter que le prix d'achat des distributeurs n'est généralement pas le prix payé aux agriculteurs. La différence entre les deux est constituée par les dépenses afférentes aux opérations des conditionneurs — expéditeurs et par leur marge. Si l'on prend en considération tous les éléments, il n'est alors pas difficile de réconcilier les deux visions. Les deux histoires ne sont que deux éclairages d'une même histoire.

Une autre critique que l'on adresse souvent aux distributeurs (comme aux pétroliers par ailleurs) est de ne pas répercuter les baisses des prix d'achat des produits pour les consommateurs et d'être prompte à répercuter les hausses de prix. Ici aussi, l'accusation n'est pas fondée. Les courbes des prix de vente à la consommation et à l'expédition sont strictement parallèles. Autrement dit, la marge commerciale des distributeurs ne change pas que leurs prix d'achat soient élevés ou faibles. Certes, on peut observer, çà et là, des disparités par rapport à cette affirmation qui sont liées à des processus d'ajustement mineurs et temporaires. Une marge constante quel que soit les prix d'achat indique que les distributeurs ne disposent pas d'un pouvoir de marché. Le diagramme ci-dessous montre que la marge commerciale du distributeur peut varier selon qu'il est seul à opérer face à des très nombreuses fermes ou au contraire que les distributeurs soient très nombreux. Cette dernière situation correspond à celle d'une absence de pouvoir de faire baisser les prix d'achat.

(Les données du graphique sont issues d'une simulation )









Sur le graphique ci-dessus, le prix à l'expédition est représenté sur l'axe des X et la marge commerciale du distributeur est représentée en ordonnée. La marge commerciale est la différence entre le prix de vente aux consommateurs et le prix d'achat à l'expéditeur.

Si l'on parvient bien à expliquer cette différence substantielle d'éclairage, il n'en reste pas moins que la situation n'est pas bonne sur le plan économique, ni pour les uns, ni pour les autres. Cette situation n'est pas durablement soutenable ni pour les producteurs, ni pour les distributeurs. Elle n'est pas socialement désirable parce qu'elle n'améliore pas le sort des consommateurs les plus exposés au problème de santé et ceux qui disposent de faibles revenus.

Autrement dit, les dépenses de la filière vers des tiers sont aujourd'hui trop importantes pour assurer à la fois des prix bas pour tous les consommateurs et des rémunérations suffisantes pour tous les acteurs. Les filières françaises des fruits et légumes sont véritablement en danger, entre des consommateurs qui ne sont plus en mesure de dépenser plus pour acheter des fruits et des légumes, des coûts de main-d'oeuvre importants et des importations très concurrentielles.

Quelles pistes peut-on envisager ? Il en existe plusieurs. Elles ne sont pas sans défauts. Par ailleurs, offrent-elles des perspectives durables ?

Une première voie consiste à explorer la piste des coûts de la main-d'oeuvre qui représentent plus de 50 % des coûts totaux de la filière. On trouvera des informations sur les salaires agricoles dans les différents pays européens sur le site agri-info.eu. Si l'on considère que les salaires sont le reflet des coûts de la vie, des salaires faibles ne sont envisageables que pour des travailleurs saisonniers en provenance des pays avec un coût de la vie très faible. Cela conduit à rémunérer les travailleurs nationaux à un niveau et les travailleurs étrangers à un autre niveau ou bien encore à ajuster les rémunérations de tous sur le salaire le plus compétitif. En France, cette solution n'est pas socialement acceptable.

Une seconde piste consiste à améliorer la productivité de la main-d'oeuvre agricole en faisant des investissements adéquats -- voir les billets sur la robotique agricole et en repensant la totalité du processus pour réduire l'usage de la main d'oeuvre. Cette seconde piste n'est pas socialement désirable en période de chômage élevé. À cet argument, certains producteurs nous rappelleraient qu'il n'est souvent pas possible de trouver des personnes pour le ramassage des fruits même si le salaire payé est concurrentiel. Il ne s'agit plus alors de remplacer une main-d'oeuvre couteuse par une machine plus rentable, mais de compenser son indisponibilité.

Une seconde voie consiste à faire la chasse à tous les manques d'efficience. Nous évoquions récemment les 120 milliards d'euros de pertes entre le champ et la fourchette. Les données de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD) nous apprennent que 8 % des prix des distributeurs sont imputables à des pertes. Nous évoquions dans le même billet les initiatives de certains distributeurs pour réduire les pertes tout en augmentant la satisfaction de leurs consommateurs. En revisitant leur politique vis-à-vis des produits périssables, une chaine de 500 magasins américaine a réalisé un gain de 100 millions de dollars par an. Pour cela, elle avait abandonné certains dogmes du merchandising. Outre les pertes, une autre piste d'efficience pourrait se trouver dans l'optimisation logistique. Il apparaît surprenant parfois de faire parcourir des milliers de kilomètres à un produit alors que le consommateur (le magasin) et le producteur ne sont effectivement voisins que de quelques dizaines de kilomètres.

Finalement, faciliter l'accès aux fruits et légumes à des prix abordables pour les personnes qui disposent de revenus insuffisants peut se faire, sans affecter le prix du marché, par l'intermédiaire de subventions spécifiques.

La réaction du MODEF, même si elle peut apparaître injuste à l'encontre des distributeurs, n'en est pas moins le témoignage d'un constat dramatique auquel les données sur les marges des distributeurs de la FCD viennent donner un contour encore plus négatif. Attention, les filières des fruits et légumes pourraient bien être en danger ! 

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