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jeudi 13 février 2014

Pour une économie du goût : Investissons dans le mangeur !

Les bénéfices pour le client de la consommation d'un produit sont toujours le résultat d'une coproduction. Le produit est une source de bénéfices potentiels pour le consommateur. Celui-ci en est le révélateur. Sans sa médiation, les bénéfices contenus dans le produit ne s'expriment pas. Souvent, trop souvent, nous oublions que le consommateur est à la fois le bénéficiaire et le coproducteur des bénéfices dont il jouit. 

Dans le domaine de l'alimentation, l'attention apportée à la nutrition a fait que l'on a, ces dernières années, occulté cet aspect. L'homme a été, au moins partiellement, remplacé par sa physiologie. Il s'agit d'ingestion, de digestion, d'absorption... de bonnes doses ou de justes équilibres nutritionnels. Autant de fonctions du corps, auxquelles l'esprit est étranger. On a pu nous faire croire que l'éducation nutritionnelle allait pouvoir compenser cette faiblesse. Ou bien encore que les plaisirs immédiats allaient, comme pour Johannes personnage du Journal du séducteur de Soren Kierkegaard, assurer notre bonheur.  "Ces plaisirs se succèdent, mais ils ne mènent à rien", écrit Louisa Yousfi. Autrement dit, ils ne construisent pas le mangeur. 

Quelles sont, pour les entreprises de l'alimentation, les implications économiques de cette non-construction toute relative du jeune mangeur contemporain. Prenons quelques instants pour les révéler au travers d’une hypothétique, mais très réelle, fable. Celle des deux buveurs !

La fable des deux buveurs.

Le premier est un néophyte dans l'art de la boisson. Le second est expérimenté. Que les lecteurs ne se méprennent pas à l'évocation du mot expérience. Il ne s'agit point ici d'évoquer une quelconque résistance à l'effet du volume ou du degré. Cette expérience-là, elle appartient au corps, à la physiologie. L'expérience, celle dont il est question ici, c'est la disposition de l'homme à révéler, dans le breuvage, la substance. C'est la maitrise de l'art de la dégustation. 

Introduisons donc maintenant les breuvages. Prenons pour commencer un vin de qualité. Sa complexité, son histoire, sa géographie, le travail des hommes... la lui confèrent. Le second est un bon petit vin, simple et bien agréable. Offrons-les à nos deux buveurs.

Le premier buveur les trouve plaisants. Ils sont à son goût. Des différences, certes il y en a.  Comment les nommer ? Elles lui apparaissent minimes et inqualifiables. Les deux vins offrent un attrait similaire, un charme équivalent, un plaisir pareil...

Notre second buveur se lance à son tour. Il part à la découverte, à l'aventure... et pour lui, les deux voyages ne sont pas de même nature, de même intensité, de même profondeur... Le petit vin est bien plaisant, mais cela s'arrête là. Malgré des tentatives répétées pour en révéler les charmes. Le vin de qualité, quant à lui, est découvert. Sa complexité offre au buveur un jeu divertissant. Il y recherche des touches d'agrumes, des évocations d'acacia ... ses sens et son esprit sont en éveil. Il parcourt, le temps d'un instant, la géographie, l'esprit des vignerons... et se rappelle avec émotion une soirée, un bref moment...

Deux vins, deux buveurs : deux mondes !
http://www.lessecretsduvin.net/

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L'économie du goût, c'est cela ! C'est cette capacité que l'expérience a donnée à l'un des buveurs de voyager dans le vin, mais pas encore à l'autre. Celui-là même se demandera s'il est raisonnable de payer aussi cher une bouteille de vin, alors que l'on tire un plaisir équivalent d'un vin bien moins onéreux. Pourquoi payer plus cher ? L'économie du goût, c'est aussi cela ! Si le vin a de la valeur, c'est aussi parce que le buveur est en mesure de la révéler... Investir dans le produit, ce n'est qu'investir dans une partie de l'équation de la valeur. Apprenons donc aussi, collectivement, à investir dans le capital humain, dans le mangeur et dans le buveur.    
        

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Vous trouverez ici un lien vers un cahier de Perspectives en Agroalimentaires sur l'importance des mots: une nécessité, souvent oubliée, pour enchanter  l'univers alimentaire des mangeurs.

A déguster sans modération !

mardi 7 mai 2013

Etre payé pour maigrir ! Wouhaa !

J'avais montré en 2008 dans un cahier de Perspectives en Agro-alimentaire intitulé « Obésité : vers un système de bonus et malus ? » l'intérêt grandissant que les systèmes d'assurances médicales, privées ou publiques, portaient à l'utilisation des incitations économiques pour réduire l'obésité. Ce cahier décrivait plusieurs mécanismes économiques susceptibles d'inciter (certains diraient de forcer) une personne à s'engager dans une démarche de réduction de poids. La prime d'assurance serait modulée en fonction de la corpulence de l'assuré ou bien encore si la personne faisait des exercices physiques pour lutter contre le surpoids ou pour se maintenir en forme la prime serait réduite.

Cette démarche consistait également à ajuster la prime d'assurance d'une personne aux risques qu'elle incorpore dans le système de santé. Plus importants et plus nombreux sont les facteurs de risques, plus importante sera la prime d'assurance. De cette approche on excluait les facteurs exogènes de risques, c'est-à-dire ceux que la personne ne maîtrise pas, mais pas l'obésité qui est associée à un comportement, volontaire, même s'il est toujours facile à contrôler.

Jeffrey Kullgren et ses collègues ont testé les bénéfices sur la perte de poids de plusieurs programmes fondés sur une incitation économique. Ils ont observé que certains employeurs incitaient financièrement leurs employés en surpoids à perdre du poids avec l'objectif de réduire les primes d'assurance et les absences pour raisons médicales. Cela leur permettait de réaliser des économies, dans la mesure où les dépenses associées aux incitations étaient inférieures aux surprimes d'assurance et aux coûts des absences pour maladie. Ces chercheurs se sont demandé laquelle de deux formes d'incitation était la plus performante. Les incitations financières semblent, a priori, plus intéressantes parce qu'elles récompensent rapidement la perte de poids que celles qui proposent des gains plus lointains et incertains (comme vieillir en bonne santé).

Les chercheurs ont testé deux schémas d'incitation entre eux et par rapport à un groupe contrôle dont les membres ne recevaient que des indications, comme toutes les autres personnes, sur les méthodes pour réduire leur poids. Les objectifs étaient de perdre 4 livres par mois, sur une période de 24 mois. Selon le premier schéma, une personne gagnait 100 $ si elle avait atteint ou dépassé les objectifs. Dans le second schéma, des équipes de 5 personnes ont été formées. Une somme de 500 $ était distribuée entre tous les membres du groupe qui avait atteint l'objectif. Ainsi une personne pouvait, si elle atteignait l'objectif, obtenir entre 100 $ (si les membres du groupe atteignaient les objectifs) et 500 $ (si une seule personne atteignait les objectifs) par mois. Ce schéma offre une incitation potentiellement supérieure et aléatoire par rapport au schéma de base. Un second aspect à prendre en considération est la possibilité de gagner tous les mois (pendant la durée de l'expérience), même si la performance du mois précédent a été insuffisante.

Les personnes associées en groupe ont perdu, sur la période de 24 semaines, plus de poids que les personnes qui n'avaient pas d'incitation (+ 10 livres) ainsi que de celles qui disposaient d'une incitation individuelle (+ 7 livres).  Pour l'équipe de recherche, ces résultats semblent prometteurs et il pourrait s'avérer moins coûteux pour les entreprises de rétribuer leurs employés à perdre du poids, et plus généralement à adopter des pratiques propices à la santé, que de payer des surprimes d'assurance.

Certains aspects de cette démarche restent encore à élucider. Plus particulièrement, il conviendra de s'intéresser aux effets dans la durée de ces programmes. Est-ce qu'ils permettent d'augmenter le degré de contrôle que les personnes exercent sur leur consommation alimentaire ?

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