vendredi 26 septembre 2014

Rapport de l'OCDE - Renforcer les mécanismes de financement de la biodiversité. Mais Comment aller plus loin ?

Renforcer les mécanismes de financement de la biodiversité
Le 24 aout 2014, l'OCDE publiait son rapport sur le financement de la biodiversité. Une collection intéressante d'analyses de différentes initiatives. 

Les éléments présentés par l'OCDE (comme ceux des autres organisations et instituts de recherche) partent du postulat que la biodiversité procure à la société de nombreux services, même si elle ne produit pas de revenus visibles. Taxer les activités qui mettent la biodiversité en danger, compenser leurs effets, rétribuer ses gardiens, mieux valoriser les produits dont la production est compatible avec sa protection sont parmi les mécanismes analysés dans ce rapport.

Je reste cependant sur ma faim. Cette admirable synthèse de différentes initiatives existantes propose d'en améliorer le fonctionnement sans ouvrir la porte à des propositions véritablement innovantes. Il est vrai que le rapport s'intitule Renforcer les mécanismes de financement de la biodiversité. Il offre un contraste très intéressant avec certaines propositions de politique de la biodiversité qui souvent mentionnent un volet de recherche et développement, arguant que l'on doit encore, et toujours encore, mieux comprendre la biodiversité naturelle et ses bénéfices. Je pense qu'il le faut. Mais l'on ne doit pas se contenter de dénombrer. Les biologistes doivent aussi s'installer dans un rôle de concepteur et quitter celui d'observateur.

J'ai l'intuition qu'une biodiversité pensée et construite pourrait offrir des perspectives intéressantes. La nature nous a dotés d'organismes avec des propriétés formidables. Comment pouvons-nous les assembler avec intelligence dans un écosystème artificiel pour qu'ils produisent les services dont nous avons besoin ? Cette pensée est encore marginale, mais en cherchant bien on découvre de nombreux exemples. On assimile très souvent la biodiversité avec la nature sauvage, la forêt primaire. Mais il existe aussi des écosystèmes artificiels. Souvent, leur biodiversité est faible, parfois inexistante. Ils pourraient bénéficier d'un coup de pouce de la biodiversité. La valeur de la biodiversité réside dans les services qu'elle procure, gratuitement. Ne pouvons-nous pas obtenir certains de ses bénéfices "hors de la nature sauvage"?  Quelle biodiversité les biologistes pourraient-ils apporter aux champs, aux routes, aux parkings, aux terrasses, aux bureaux ?

Je pense en particulier à Takao Furuno un riziculteur de Kyushu. Il a introduit des canards dans les champs de riz. Ces canards travaillent, gratuitement, pour éliminer de ses champs des ravageurs et les fertiliser avec leurs déjections. Cette pratique n'est pas nouvelle. Elle avait été simplement oubliée et mise de côté par une agriculture moderne ! Que peuvent nous enseigner nos ainés de leurs pratiques ?  
Je pense aussi aux réalisations de Thierry Jacquet (Phytorestore). Sa société met au point des jardins filtrants(R).  Il s'agit d'espaces paysagers construits et dotés des propriétés fonctionnelles spécifiques. On peut lire sur leur site internet :

Cette marque a été créée pour protéger la démarche spécifique des jardins filtrants. Conçus comme des espaces paysagers dédiés à la dépollution de l’eau, de l’air et des sols grâce aux plantes (la phytorestauration), les jardins Filtrants respectent en effet les 5 principes depuis 1990 :

1) Principe de traitement : chaque jardin filtrant est avant tout un site de traitement de la dépollution pour une charge de pollution bien caractérisée. Le jardin est dimensionné et les plantes sont choisies en fonction de la pollution et les volumes à traiter. Il y a un engagement de résultats garantis.

2) Principe paysager : chaque jardin filtrant est  une création paysagère unique conçue comme un parc ou un jardin public avec parcours pédagogique selon des règles de «  design écologique » bien spécifiques, car les fonctions sont prioritaires sur la forme.

3) Principe de biodiversité : chaque jardin filtrant est conçu pour favoriser la biodiversité en créant des sites conservatoires pour la faune et la flore. Les espèces choisies sont issues de la région naturelle locale. Oiseaux et batraciens viennent  peupler les jardins filtrants grâce aux « habitats écologiques » volontairement mis en œuvre à partir d’une banque de données en permanence mise à jour depuis 1990.

4) Principe économique : chaque jardin filtrant est réalisé à l’aide de techniques simples et économiques par des entreprises locales en priorité. Il représente un investissement moins élevé qu’une solution classique et des coûts de fonctionnement beaucoup moins élevés que les solutions traditionnelles.

5) Principe de gestion : chaque jardin filtrant est un espace qui nécessite des travaux d’entretien semblables à ceux d’un « jardin », car ce n’est pas une zone naturelle sauvage où il faut peu intervenir, mais bien un « jardin » nécessitant des actions d’entretien. Chaque réalisation est réalisée avec un plan de gestion différenciée et de formation pendant 1 an au minimum.

Autre piste de réflexion : Comment chacun d'entre nous peut-il par une action, même très simple, contribuer tous les jours à la biodiversité ...  et en retirer un bénéfice, même s'il reste modeste ? Si nous ne pouvons pas tous avoir sur les rebords de nos fenêtres une ruche pour produire notre propre miel, nous pouvons les agrémenter de plantes mellifères. La mélisse (amie des abeilles) est une plante aromatique que l'on peut utiliser en cuisine... mais elle est aussi réputée comme répulsive de certains insectes piqueurs. Il ne suffit pas de parler de biodiversité aux enfants (et aux adultes aussi). il faut leur permettre de mettre la main à la pâte. Les écoliers japonais réalisent des expériences de botaniques à la maison. Chacun d'entre eux contribue, en suivant la croissance de sa plante, à une expérience collective. Est-ce que la proximité d'une fenêtre a une influence sur la croissance ? La taille du pot est elle importante ? Et la quantité d'eau ? ... Un moyen subtil de faire de la science, de faire et pas uniquement d'en parler. Les jeunes Japonais découvrent que la nature est fragile et le travail des agriculteurs miraculeux.      

mercredi 24 septembre 2014

Un devoir : Investir dans l'éducation nutritionnelle

Hier, saf agr'idées (la société des agriculteurs de France) organisait une journée d'échanges autour de la question controversée de l'étiquetage nutritionnel des aliments. Doit-on adopter le système des feux tricolores? Plusieurs sociétés savantes médicales, des associations de patients et de consommateurs le souhaitent. Ou bien doit-on rejeter un tel système comme l'Association Nationale des Industries Alimentaires, plusieurs scientifiques et des professionnels de l'alimentation le demandent ? J'ai personnellement plaidé contre ce système, il y a quelques jours, dans un billet publié sur le site Essec knowledge. La fonction faisant l'organe, je mettais en avant le risque important de supprimer un quelconque intérêt chez les consommateurs pour la nutrition, voire pour la santé par l'alimentation, si ce système était finalement adopté. L'éducation alimentaire m'apparaissait comme une voie plus judicieuse et conforme à mes valeurs personnelles d'accompagner chacun de nos concitoyens dans un choix alimentaire libre et éclairé.

J'espérais secrètement pouvoir me laisser séduire au cours de ces débats par les arguments des zélateurs du système des feux tricolores. Mais, sollicités pour venir présenter leurs arguments, ils ont décliné l'invitation. Les orateurs, dont les perspectives sur le sujet étaient particulièrement variées - il y avait la présidente d'une association de parents d'élèves, une maire à l'origine de plusieurs initiatives dans les cantines scolaires de son pays, le directeur d'EPODE, un psychiatre spécialiste des problèmes alimentaires, etc. faisaient cependant tous valoir des arguments en défaveur du système des feux tricolores.

En absence d'argument pour, je me suis donc interrogé quant au chemin intellectuel par ceux qui le soutiennent, mais aussi sur celui de ceux qui s'y opposent. Comment les argumentations, quels que soient leurs mérites, ont elles possiblement été conçues ? Comment à partir d'une même problématique, la santé par l'alimentation, et avec un même niveau de connaissance de l'environnement, deux raisonnements, chacun doté de sa propre logique, peuvent-ils  conduire à des positions contraires ? Je vais essayer une réponse. 

J'ai autrefois suivi des études médicales et je me suis adonné aux plaisirs de l'épidémiologie. J'apprécie l'approche diagnostique. On peut cependant l'utiliser de deux manières. La première consiste à rechercher la cause des symptômes qui témoignent d'un dysfonctionnement. C'est celle que l'on connaît habituellement dans la sphère médicale. La cause est UNE maladie. Il est en effet particulièrement rare qu'une personne soit victime de plusieurs maladies simultanément. Une cause a donc plusieurs effets, mais tous les effets une seule cause. C'est, semble-t-il, la démarche que les partisans des feux tricolores empruntent. Recherchons la cause de l'insuccès de tentatives quotidiennes de certains français à s'alimenter correctement. L'étiquetage nutritionnel n'est pas facile à décrypter. Les patients l'affirment... Les étiquettes sont d'ailleurs si difficiles à lire qu'uniquement 17% des Européens les lisent. Et moins de la moitié prend en compte leurs informations dans leurs choix alimentaires.

Dans le domaine de la gestion et de l'économie, les praticiens recherchent plutôt les raisons du succès d'une entreprise ou d'une économie. Il existe une différence substantielle entre cette approche et la précédente. Les symptômes d'un dysfonctionnement sont, rappelons-le, dans la très grande majorité des cas, imputables à une cause unique, la maladie. Le succès dépend, quant à lui, de plusieurs de facteurs. On parle de facteurs clefs du succès. Tous sont nécessaires au succès et aucun n'est donc suffisant. L'étiquetage alimentaire est-il un des facteurs clefs du succès d'une bonne alimentation ? Pour répondre à cette question, on peut se demander si un de nos concitoyens peut s'alimenter correctement en absence d'étiquetage alimentaire. Si c'est le cas, l'étiquetage nutritionnel n'est donc pas un facteur clef du succès. Est-ce que l'ensemble des 92% des Européens qui déclarent ne pas utiliser les étiquettes nutritionnelles pour choisir leur alimentation souffre d'une maladie métabolique ? (Sommes-nous tous malades sans le savoir ou bien utilisons-nous les étiquettes sans nous en rendre compte ?) je vous laisse conclure! Si les étiquettes nutritionnelles ne sont pas utiles pour bien se nourrir, à quoi peuvent-elles bien servir ? Madame Pascale Briand (DG AL de 2009 à 2012) nous a rappelé que les étiquettes jouent de multiples rôles. Le consommateur est en droit de savoir quelle est la composition des produits qu'il achète et ses caractéristiques fonctionnelles ( nutritionnelle). Les étiquettes garantissent donc un niveau de qualité, en échange du prix proposé.

Si les étiquettes nutritionnelles ne sont pas l'un des facteurs du succès de la santé par l'alimentation, quels sont ces facteurs alors ? Répondre à cette question n'est aisée. Mais, on peut se reposer sur la démarche EPODE dont les résultats sont excellents. Changer les comportements alimentaires est son objectif, mais l'éducation alimentaire est son principal mode opératoire. Ce qui n'est pas une mince affaire. Apprendre à lire et à compter prend plusieurs années de notre vie. L'alimentation possède des éléments de complexité que l'on ne doit pas nier et son apprentissage requiert donc du temps et une convergence de moyens à l'école comme à la maison.

Peut-on substituer l'étiquetage, c'est-à-dire de l'information, à l'éducation ? Certains le pensent. Il suffirait même de rendre l'information agréable, divertissante, simple pour que la tâche soit accomplie. Malheureusement, éducation et informations ne sont pas des substituts. Elles entretiennent une relation très complexe. Mais on peut dire sans trop se tromper que pour tirer un bénéfice d'une information, il faut souvent être éduqué. C'est dans l'éducation alimentaire qu'il faut investir en premier lieu.

vendredi 19 septembre 2014

Journées du patrimoine

Les 31es journées du patrimoine (le 21 et 22 septembre 2014 - ce week-end) sont l'occasion de redécouvrir des éléments insoupçonnés de notre patrimoine et pourquoi pas de notre patrimoine culturel alimentaire, industriel ou agricole, aussi. (Visiter le site des journées du patrimoine)

C'est ainsi que la ville d'Aurillac vous propose de découvrir le repas gastronomique à la française (inscrit au patrimoine de l'UNESCO depuis 2010 - voir la note ci-dessous ). Au programme : Dégustation de plantes et de fleurs , de sauce ou d'épices ... consommés au moyen-âge.


Musée des Arts de la Table à Arnay-le-Duc: "Du 11 avril au 11 novembre 2014, l’exposition « La Laitière et le Pot au Lait….» installée au Musée des Arts de la Table à Arnay-le-Duc emmène le public dans l’univers du lait et ses dérivés, avec la vocation première de faire découvrir tous les accessoires et pièces de table qui en font son attrait : timbales à lait, pots à lait, pots à crème, barattes, moules à beurre, beurriers, plateaux à fromages, assiettes à bouillie avec le lait et la petite enfance...."


Le réservoir Montsouris (Paris 14)  "fut longtemps la plus grande réserve d’eau potable de Paris et même du monde. Cet édifice majestueux fut construit au XIXe siècle par l’ingénieur Eugène Belgrand sur un des points les plus hauts du sud de la capitale. Les travaux commencèrent en 1869 et ne furent achevés qu’en 1874 pour cause d’interruption pendant la guerre avec les Prussiens. Ses deux étages superposés sur une surface de 36.000 m² permettent de contenir près de 200.000 m³ d’eau. Destiné à l’époque à stocker l’eau de source acheminée par l’aqueduc de la Vanne depuis la région de Sens, il est aujourd’hui alimenté par l’aqueduc du Loing en eau souterraine depuis les régions de Provins et de Nemours. C’est l’un des cinq principaux réservoirs d’eau de la ville de Paris (Montsouris, L’Haÿ-les-Roses, Saint-Cloud, Ménilmontant et les Lilas) et permet de desservir en eau potable le centre de la capitale."

La cave coopérative d'Adissan (34) "présente le fonctionnement d'une cave coopérative dans son terroir."

... Plusieurs centaines de découvertes au programme.

Vous pouvez également ce week-end redécouvrir, chez vous, quelques recettes de cuisine oubliées : un moyen redonner vie à notre patrimoine culinaire.  

* *


En 2010 l'UNESCO a inscrit le repas gastronomique français sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. On apprend sur le site de cette institution que [...] parmi ses composantes importantes figurent : le choix attentif des mets parmi un corpus de recettes qui ne cesse de s’enrichir ; l’achat de bons produits, de préférence locaux, dont les saveurs s’accordent bien ensemble ; le mariage entre mets et vins ; la décoration de la table ; et une gestuelle spécifique pendant la dégustation (humer et goûter ce qui est servi à table). Le repas gastronomique doit respecter un schéma bien arrêté : il commence par un apéritif et se termine par un digestif, avec entre les deux au moins quatre plats, à savoir une entrée, du poisson et/ou de la viande avec des légumes, du fromage et un dessert. Des personnes reconnues comme étant des gastronomes, qui possèdent une connaissance approfondie de la tradition et en préservent la mémoire, veillent à la pratique vivante des rites et contribuent ainsi à leur transmission orale et/ou écrite, aux jeunes générations en particulier. Le repas gastronomique resserre le cercle familial et amical et, plus généralement, renforce les liens sociaux [...].

vendredi 12 septembre 2014

Leanne Brown : Son ouvrage "Bien manger pour 4$ par jour"

Leanne Brown
Leanne Brown est une jeune diplômée de l'Université de New York (NYU) où elle a étudié à la Steinhardt School of Culture, Education, and Human Development l'alimentation (food studies). Depuis quelques semaines, elle en est probablement la diplômée la plus connue. Son ouvrage "bien manger pour 4$ par jour" avec plus de 500 000 téléchargements.

Elle a en fait donné corps par cet ouvrage à une idée de thèse de Maitrise. Comment produire un livre de cuisine pour ceux qui ne savent pas s'ils auront suffisamment d'argent en poche pour leur prochain repas ? A priori, un projet au succès très improbable. Comment donner au 46 millions d'Américains qui bénéficient des coupons alimentaires le goût d'une cuisine accessible (moins de 4 $ par jour), bonne au goût et pour la santé... et qui donne de beaux plats ?

Plus qu'une livre de recettes, c'est un livre de cuisine... On y apprend à constituer son garde-manger. Comment cuisiner sans se priver d'épices, d'huiles d'olive ou d'ingrédients de qualité ? Et en prenant du plaisir. 

Comme toutes les personnes ciblées ne sont pas toutes en mesure d'accéder à son livre gratuit sur internet, alors elle a décidé de lever de fonds pour pouvoir en imprimer et les distribuer gratuitement. 

Un beau projet et une source d'inspiration. Pourquoi pas vous ?


* *

Les carnets du blog les plus consultés

Membres