J'avais
montré en 2008 dans un
cahier
de Perspectives en Agro-alimentaire intitulé « Obésité : vers un système de
bonus et malus ? » l'intérêt
grandissant que les systèmes d'assurances médicales, privées ou publiques,
portaient à l'utilisation des incitations économiques pour réduire l'obésité. Ce
cahier décrivait plusieurs mécanismes économiques susceptibles d'inciter
(certains diraient de forcer) une personne à s'engager dans une démarche de
réduction de poids. La prime d'assurance serait modulée en fonction de la
corpulence de l'assuré ou bien encore si la personne faisait des exercices
physiques pour lutter contre le surpoids ou pour se maintenir en forme la prime
serait réduite.

Cette
démarche consistait également à ajuster la prime d'assurance d'une personne aux
risques qu'elle incorpore dans le système de santé. Plus importants et plus
nombreux sont les facteurs de risques, plus importante sera la prime
d'assurance. De cette approche on excluait les facteurs exogènes de risques,
c'est-à-dire ceux que la personne ne maîtrise pas, mais pas l'obésité qui est
associée à un comportement, volontaire, même s'il est toujours facile à
contrôler.
Jeffrey Kullgren et ses collègues ont testé les bénéfices sur la perte de poids de plusieurs programmes fondés sur une incitation économique. Ils ont observé que
certains employeurs incitaient financièrement leurs employés en surpoids à
perdre du poids avec l'objectif de réduire les primes d'assurance et les
absences pour raisons médicales. Cela leur permettait de réaliser des économies,
dans la mesure où les dépenses associées aux incitations étaient inférieures aux
surprimes d'assurance et aux coûts des absences pour maladie. Ces chercheurs se
sont demandé laquelle de deux formes d'incitation était la plus performante. Les
incitations financières semblent, a priori, plus intéressantes parce qu'elles
récompensent rapidement la perte de poids que celles qui proposent des gains
plus lointains et incertains (comme vieillir en bonne santé).
Les
chercheurs ont testé deux schémas d'incitation entre eux et par rapport à un
groupe contrôle dont les membres ne recevaient que des indications, comme toutes
les autres personnes, sur les méthodes pour réduire leur poids. Les objectifs
étaient de perdre 4 livres par mois, sur une période de 24 mois. Selon le
premier schéma, une personne gagnait 100 $ si elle avait atteint ou dépassé les
objectifs. Dans le second schéma, des équipes de 5 personnes ont été formées.
Une somme de 500 $ était distribuée entre tous les membres du groupe qui avait
atteint l'objectif. Ainsi une personne pouvait, si elle atteignait l'objectif,
obtenir entre 100 $ (si les membres du groupe atteignaient les objectifs) et 500
$ (si une seule personne atteignait les objectifs) par mois. Ce schéma offre une
incitation potentiellement supérieure et aléatoire par rapport au schéma de
base. Un second aspect à prendre en considération est la possibilité de gagner
tous les mois (pendant la durée de l'expérience), même si la performance du mois
précédent a été insuffisante.
Les
personnes associées en groupe ont perdu, sur la période de 24 semaines, plus de
poids que les personnes qui n'avaient pas d'incitation (+ 10 livres) ainsi que
de celles qui disposaient d'une incitation individuelle (+ 7 livres). Pour
l'équipe de recherche, ces résultats semblent prometteurs et il pourrait
s'avérer moins coûteux pour les entreprises de rétribuer leurs employés à perdre
du poids, et plus généralement à adopter des pratiques propices à la santé, que
de payer des surprimes d'assurance.
Certains
aspects de cette démarche restent encore à élucider. Plus particulièrement, il
conviendra de s'intéresser aux effets dans la durée de ces programmes. Est-ce
qu'ils permettent d'augmenter le degré de contrôle que les personnes exercent
sur leur consommation alimentaire ?