De très nombreux auteurs ont précédé ou suivi Roland Barthes dans cette mission d’identification des signes et d’interrogation du sens tant sur les mythes alimentaires, que gastronomiques ou culinaires ; l’univers alimentaire est, de fait, particulièrement riche en signes, symboles et récits mythiques, antiques ou modernes.
Certains de ces mythes sont très vivaces et ils constituent parfois de nos jours de véritables freins, pour certains, et leviers, pour d’autres, à une bonne alimentation sans peur et sans reproche. Avec Sophie Ricci, j’avais exploré l’idée selon laquelle, en France, les fruits sont chers (voir Olivier Fourcadet et Sophie Ricci, « Trop cher ! » - mais est-ce bien uniquement une question de prix ?, Perspectives agro-alimentaires n°12, mars 2009.). Nous avions découvert que cette idée, qui est très partagée, n’a pas de fondement solide. Autrement dit, tout le monde sait que les fruits sont chers, mais personne ne sait vraiment pourquoi ! Chacun a sa petite idée, son anecdote succulente pour en confirmer la véracité. Il s’agit d’un mythe moderne qui n’est pas dépourvu d’utilité pour ceux qui ne mangent pas ou peu de fruits ; il leur procure un bon alibi ; c’est souvent la première raison que l’on invoque pour échapper au regard présumé suspicieux de celui qui s’interroge sur cette incivilité manifeste.
Pour Christian Boudan (Christian Boudan, Géopolitique du goût : La guerre culinaire, PUF, 2004.), les grands mythes alimentaires sont, en occident au moins, en concurrence : « celui de la gastronomie, qui monopolise l’énoncé des plaisirs et de leur histoire, et celui de la nutrition, qui expose l’état du savoir scientifique sur les relations entre l’alimentation et la santé ». Ce dernier s’inscrit dans une longue tradition du processus de conversion, éventuellement positive, que Roland Barthes associe au rite de l’incorporation du bifteck et aux libations vinicoles. Le mythe de la nutrition en serait une version « scientifisée » par l’invocation des pouvoirs démonstratifs de la science. Cette version moderne fait, en France, face à deux problèmes.
Le premier est consubstantiel de l’énoncé scientifique : la polarité de la conversion est affaire de dose. Trop peu et la conversion est insuffisante, trop et la conversion est dangereuse. Le second problème est que le Français est souvent culturellement suspicieux dès lors qu’il s’agit de science, et plus particulièrement de la science officielle. Il a souvent une attitude ambiguë vis-à-vis de la science ; Il peut en vanter les avancées positives passées, mais il est souvent techno-sceptique, voire technophobe en ce qui concerne le futur. Peut-être est-ce en raison d’une culture scientifique insuffisante comme l’indique Hélène Langevin-Joliot, Présidente de l’Union rationaliste et Directeur de rechercher émérite au CNRS : « La science est malheureusement aujourd’hui, pour l’essentiel, un domaine extérieur à la culture y compris celle des « élites » intellectuelles et politiques. »(Culture scientifique, culture et démocratie, Hélène Langevin-Joliot (http://www.union-rationaliste.org).
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