mercredi 12 octobre 2011

Mythologies peri-alimentaires (3)

Extraits alimentaires de Mythologies de R. Barthes.

Sur le Vin :

Le vin est pour les Français une boisson-totem, correspondant au lait de vache hollandaise ou au thé absorbé cérémonieusement par la famille royale anglaise. Le vin est doté d’un fort pouvoir de conversion, de transmutation, capable de retourner les situations et les états, et d’extraire des objets leur contraire. Ses pouvoirs sont en apparence plastiques puisqu’ils changent selon l’usager. Pour l’intellectuel, le petit vin est synonyme de délivrance, d’abandon du monde artificiel (des cocktails), de passerelle vers une virilité naturelle, etc. Par contre pour le travailleur, le vin donne du « cœur à l’ouvrage » ; il est énergie, force vitale, facilitateur.
Croire au vin est un acte collectif contraignant. Celui qui tenterait de s’en échapper devrait s’en expliquer et s’exposerait à l’excommunication nationale. Pour celui dont le savoir boire est affirmé, le vin est intégrateur dans la communauté et qualificateur ; il sert au buveur de vin expérimenté à prouver à la fois son pouvoir de performance, son contrôle et sa sociabilité.[…] En France, l’ivresse est conséquence, jamais finalité.


Pour Roland Barthes, le lait est le contraire du vin.

Sur le Lait :

[…] le lait est contraire au feu par toute sa densité moléculaire, par la nature crémeuse, et donc sopitive , de sa nappe ; le vin est mutilant, chirurgical, il transmute et accouche ; le lait est cosmétique, il lie, recouvre, restaure. De plus sa pureté, associée à l’innocence enfantine, est un gage de force, d’une force non révulsive, non congestive, mais calme, blanche, lucide, tout égale au réel.

Sur le Bifteck :

Le bifteck participe à la même mythologie sanguine que le vin. C’est le cœur de la viande, c’est la viande à l’état pur, et quiconque en prend, s’assimile la force taurine. […] Manger le bifteck saignant représente donc à la fois une nature et une morale. Tous les tempéraments sont censés y trouver leur compte, les sanguins par identité, les nerveux et les lymphatiques par complément. Et de même que le vin devient pour bon nombre d’intellectuels une substance médiumnique qui les conduits vers la force originelle de la nature, de même le bifteck est pour eux un aliment de rachat, grâce auquel ils prosaïsent leur cérébralité et conjuguent par le sang et la pulpe molle, la sécheresse stérile dont sans cesse on les accuse. La vogue du steak tartare, par exemple, est une opération d’exorcisme contre l’association romantique de la sensibilité et de la maladivité […].

Sur la Frite :

La frite est le signe alimentaire de la « Francité ».

(A suivre ...)

Faites nous part de vos mythiques histoires alimentaires.

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