samedi 15 octobre 2011

La semaine du goût : 17 au 23 octobre


Comme tous les ans le site de la semaine du goût ne parle pas vraiment du goût : dommage ! Par contre, il nous invite aux expériences gustatives : évènements pour découvrir les produits, des recettes de cuisine ou des histoires sur ce thème.

Le goût ne se limite pas exclusivement à une affaire de découverte du plaisir gustatif par l'expérience. Dans un cahier de Perspectives en agroalimentaire, j'avais évoqué l'importance pour les acteurs de l'agroalimentaire de soigner les mots ! Si l'on ne dispose pas des mots pour reconnaître les saveurs, les textures, les odeurs ou les couleurs, alors on ne peut donner toute son ampleur, sa richesse, à une quelconque expérience gustative. Dans le cahier Soigner les mots ! deux schémas neurologiques associés aux processus organoleptiques sont présentés. Une voie courte, celle du plaisir, est associée à une voie longue. Celle-ci, contrairement à la précédente, fait appel à nos connaissances, donc aux mots et à leur signification, et à notre mémoire des évènements. Il suffit de se remémorer la petite madeleine de Marcel Proust pour comprendre combien une simple expérience gustative peut déclencher un torrent de souvenir :

Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés depuis si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des autres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.


Une évocation qui contraste avec un "C'est trop bonnnn !" qui malheureusement est le seul souvenir que l'on s'apprête à garder d'une belle expérience, lorsque les mots nous manquent pour dire et se souvenir.

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